Violences et xénophobie à Moba: Le Katanga prépare le lit d’une nouvelle rébellion.

Tshieke Bukasa

07/08/07

 

Quatre observateurs militaires de l’Onu blessés, 21 membres du personnel onusien évacués, des bureaux de la Monuc saccagés, chasse aux non autochtones : tel est le sombre bilan des violences perpétrées mercredi passé dans le territoire de Moba, au Katanga. La cause, selon le dernier communiqué de la Mission onusienne publié le week-end à Kinshasa, est à chercher dans l’incitation à la haine raciale, ethnique et tribale ainsi que dans la xénophobie lors des meetings politiques et des prestations médiatiques audiovisuelles.

Le dernier appel à la discrimination raciale a été diffusé sur la station radio communautaire de Moba où de fausses rumeurs faisaient état de la réinstallation imminente des Tutsis congolais dans la région depuis des camps des réfugiés basés à l’étranger. Cette information a entraîné la mise à sac du bureau de l’Onu à Moba.

Face à cette brutalité organisée et à la fréquence grandissante des discours haineux, la Monuc a fait part, le vendredi 3 août, de sa profonde préoccupation. Elle a invité les autorités congolaises à enquêter sur les responsables de cette montée des discours haineux en vue de l’enrayer avant qu’elle ne fasse trop de dégâts.

Le gouvernorat accuse
la Société civile

A la tête de la délégation provinciale qui a séjourné à Moba, le vice-gouverneur du Katanga, Yav Tshibal, n’a pas mis des gants pour pointer un doigt accusateur sur la Société civile locale. « Ils avaient écrit une note, ces gens de la Socimo, Société civile de Moba, dans laquelle ils demandaient à la population de garder deux journées ville morte, mercredi et jeudi, et de faire le jour suivant une marche pacifique pour s’opposer à un retour éventuel des Banyamulenge », accuse Yav Tshibal.
Pour le vice-gouverneur du Katanga, des infractions ont été commises le jour de ces manifestations. Donc, la justice devra faire son travail et sanctionner. Accompagné du Commandant de la 6ème région militaire, de l’Inspecteur provincial de la police, de l’Auditeur supérieur et d’autres responsables provinciaux des services de l’Etat, il a également fait savoir que « les responsables se saisiront du dossier, chacun suivant sa compétence… ».
Outre l’enquête initiée par le gouvernorat, le gouvernement central a aussi annoncé sa mission d’investigation qui aura pour objectif d’« établir les responsabilités des uns et des autres en vue de prendre des sanctions qui s’imposent ».
Entre-temps, un convoi de 582 réfugiés congolais venant de la Zambie et de la Tanzanie s’est arrêté depuis le mercredi 1er août à Pweto. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), il pourra poursuivre sa route jusqu’à Moba, lieu de sa destination, dès que le gouvernement donnera des garanties sécuritaires.

Sombres souvenirs
du passé

Les Congolais se souviennent que les guerres civiles de 1996 et 1998 qui ont longtemps endeuillé la nation ont commencé par le même scénario : la défense des minorités menacées d’épuration ethnique. Les mêmes Banyamulenge (Tutsis congolais) étaient chaque fois au cœur des tensions interethniques. Vrai ou faux prétexte ? La réponse juste n’est pas facile à avancer.
En 1992, l’épuration ethnique des Balubas du Kasaï installés depuis des lustres au Katanga (ex-Shaba) était visiblement téléguidée par le pouvoir en place. Les autochtones katangais étaient chauffés à blanc par des leaders politiques au motif qu’un Premier Ministre du Kasaï venait d’occuper un poste destiné à un fils du terroir katangais.
Mais jusqu’ici celle de ces derniers jours à Moba n’a pas encore livré ses vrais contours. L’opinion publique ne perd pas de vue que la population brimée dans ce territoire est sociologiquement et historiquement proche de Laurent Nkunda, l’un des meneurs des troupes non encore assujetties aux institutions de la 3ème république. En effet, une réaction presque « légitime » pour lui de défense de la communauté opprimée pourrait étendre son champ d’action jusque-là limité aux hauts plateaux du Kivu. Une éventuelle délocalisation de la ligne de défense des intérêts des Banyamulenge pourrait être le détonateur d’une déflagration qui ne dit pas encore son nom.

 

Le Phare

Leave a Reply