Cinq questions à Joseph Mudumbi.

E.S.

23/10/07

 

1. Les propos de Me Azarias Ruberwa à la RFI sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC a provoqué un controverse dans certains milieux politiques. Qu’en pensez-vous ?

J’ai lu dans votre journal du vendredi 19 octobre 2007, une interview attribuée à l’ancien vice-président de la RDC, Me Azarias Ruberwa. Je refuse de croire que l’ancien vice-président chargé des questions politiques, défense et sécurité pendant les trois dernières années de la Transition congolaise puisse se moquer publiquement de mes compatriotes tutsi, de Nkunda, des Kivutiens et des Congolais en général. En évoquant aujourd’hui la question du retour des réfugiés tutsi congolais, il oublie de dire au monde qu’il était chargé d’organiser leur retour et que pendant trois ans, il n’a ramené personne alors qu’il aurait pu et dû le faire. Il avait sous sa responsabilité, les ministères de l’Intérieur, des Droits humains et des Affaires humanitaires. Par contre, à cause de la mauvaise gestion de ses responsabilités, d’autres Tutsi congolais en l’occurrence, les Banyamulenge du Sud-Kivu ont dû fuir leur pays et deux ans durant, il n’a pas pu les ramener.

2. Parlez-nous de Laurent Nkunda et de Tutsi ?

Si Laurent Nkunda est aujourd’hui ce qu’il est, c’est l’ancien vice-président Ruberwa qu’il l’a induit en erreur. Nkunda l’a dit lui-même à Bukavu en indiquant qu’il exécutait les ordres de Ruberwa. Et personne de ceux qui connaissent la vérité ne peut le lui permettre. S’agissant de la discrimination des Tutsi, je pense que l’ancien vice-président n’a pas raison de dire que le gouvernement congolais tolère cette discrimination. A ce sujet, je pense qu’il n’a pas raison de dire que le gouvernement congolais discrimine les Tutsi.

3. Voulez-vous donner assez de précisions sur cette question relative à la discrimination des Tutsi ?

Je pense que l’ancien vice-président n’a pas raison de dire que le gouvernement discrimine les Tutsi. Est-ce parce qu’il n’est plus aux affaires qu’il y a discrimination ? Quand il occupait une des plus hautes responsabilités du pays, il ne parlait pas de discrimination. Cette discrimination, est-elle antérieure ou postérieure à son mandat de trois ans à la tête du pays ? Qu’a-t-il fait pour régler cette question ? Je pense que Me Ruberwa a encore le sens de la mesure. Comparer l’apartheid de l’Afrique du Sud d’hier et la situation des Noirs des Etats-Unis à celle des Banyamulenge du Sud-Kivu est une exagération. Car, dans cette province, le commandement des opérations militaires et le ministère provincial de l’Intérieur sont gérés par des compatriotes Banyamulenge, dont personne ne se plaint à Bukavu. Au moment où tout le monde tend vers la modération des propos pour privilégier la convivialité des communautés, les déclarations de Me Ruberwa ne sont pas du tout pacifiques. Après dix ans de conflits, les frictions existent, certes, entre communautés, mais les élever au niveau de l’Apartheid est une attitude inacceptable à nos jours.

4. Que dites-vous de la question des Interahamwe ?

Lorsque Me Ruberwa était vice-président de la République, il avait, entre autres compétences, la neutralisation des forces négatives, à savoir le désarmement et le rapatriement des Interahamwe. Or, aucun compte rendu du Conseil des ministres ne renseigne qu’il a, un seul jour présenté un plan visant le règlement de cette question.

Par contre, les efforts qui avaient été entrepris au Sud-Kivu de rapatrier les Interahamwe par le commandant militaire de cette région ont été sapés par le vice-président qui lui a fait la guerre jusqu’à le faire partir de cette province. Le conseil qu’il prodigue au gouvernement de résoudre de manière politique la condition des Tutsi est sans objet. Je me demande qui l’a empêché de l’appliquer quand il était vice-président chargé des questions politiques ? A nouveau, on ne l’a pas entendu faire une proposition dans ce sens durant les trois années de la transition. Pendant cette période, qu’a-t-il fait pour les Tutsi ? Avant de parler en leur nom, il aurait pu faire son bilan en leur faveur. Enfin, en rapport avec la question de marginalisation des Tutsi dans le processus congolais, je voudrai rappeler au vice-président que des Tutsi ont été élus à l’Assemblée nationale et au Sénat y compris dans des circonscriptions où n’habitent pas les Tutsi. C’est le cas des trois honorables parlementaires qui siègent valablement dans ces deux institutions.

5. Concrètement, que faut-il faire pour le retour de la paix à l’Est de la RDC ?

Le Congo d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Sinon, un espoir est en train de naître. Je profite de cette opportunité pour dire aux leaders politiques du Kivu dont je suis originaire, qu’ils ont une responsabilité particulière dans le retour de la paix en RDC. A travers leurs déclarations, attitudes et actions politiques, ils doivent privilégier les aspects qui unissent les gens plutôt que ceux qui les séparent. Car, nous avons tous quelque chose en commun, c’est le Congo.

Acteur politique de l’AMP et ancien membre du gouvernement de Transition.

 

 

Le Potentiel

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