Génocide au Rwanda: Paul Kagame accuse les Français d’être “venus tuer”

AFP

07/04/07

kagame_in_murambi.jpgLe président rwandais Paul Kagame a accusé, samedi à l'occasion de la commémoration du 13e anniversaire du génocide au Rwanda, les Français d'être "venus tuer" des Rwandais dans le cadre de l'opération militaro-humanitaire Turquoise lancée pendant les massacres.

"Les Français (de l'opération Turquoise) n'étaient pas venus sauver les Rwandais, ils étaient venus les tuer", a accusé M. Kagame qui s'exprimait à Murambi, localité du sud du Rwanda qui se trouvait dans la zone Turquoise.

"Ce n'est pas une rumeur, c'est la vérité. Mais le dire est considéré comme un crime", a-t-il poursuivi dans un discours en kinyarwanda retransmis en direct à la télévision et la radio nationales.

En plein génocide, la France avait lancé au Rwanda une opération militaro-humanitaire, baptisée "Turquoise", très critiquée par le Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsie aujourd'hui au pouvoir.

Cette opération, sous mandat de l'ONU, avait duré deux mois, de fin juin à fin août 1994. Selon les Français, elle a permis de sauver de nombreuses vies alors que la communauté internationale restait passive. Pour le FPR, au contraire, elle a permis à de nombreux génocidaires hutus de fuir le pays vers le Zaïre voisin, actuellement République démocratique du Congo (RDC).

Le génocide, qui a commencé le 6 avril 1994 au soir et auquel le FPR a mis fin en juillet de la même année, a fait environ 800.000 morts, parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés, selon l'ONU. M. Kagame était le chef de la rébellion FPR.

Les relations entre la France et le Rwanda sont extrêmement tendues depuis la fin du génocide.

Elles se sont encore détériorées fin novembre 2006 quand Kigali a rompu ses relations diplomatiques avec la France après que le juge français Jean-Louis Bruguière avait réclamé des poursuites contre M. Kagame et neuf de ses proches pour leur "participation présumée" dans l'attentat contre l'avion de l'ex-président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994. Cet assassinat avait servi de déclencheur aux massacres.

Samedi, M. Kagame a qualifié de "propos insensés" les accusations portées contre le FPR. "Qu'est-ce qui leur confère (aux Français) ce droit ? (…). C'est plutôt le FPR qui devrait les juger", a-t-il estimé, affirmant que son ancienne rébellion avait fait tout son possible pour sauver des vies.

Avant l'intervention de M. Kagame, des rescapés du génocide ont accusé publiquement des militaires de l'opération Turquoise d'avoir tué des Tutsis et violé leurs filles ou leur femme.

Selon d'autres témoignages, les militaires français avaient aménagé un terrain de volley à Murambi, sur une fosse commune dans laquelle des Tutsis avaient été ensevelis.

"En jouant au volley au-dessus d'une tombe de personnes qu'ils venaient de tuer ou de faire tuer, ils prouvaient qu'ils n'accordaient aucune valeur aux Rwandais", a fustigé M. Kagame, très ému et en colère. "Et maintenant, ce sont eux qui veulent juger les Rwandais", s'est-il révolté.

"La communauté internationale a échoué, elle a joué un rôle dans le génocide", a-t-il martelé. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis et la Belgique, ancienne puissance coloniale, ont dans le passé présenté leurs excuses au Rwanda, mais pas la France.

 

AFP

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