Kä Mana réplique à Frank Fikirini.

Kä Mana réplique à Frank Fikirini et à tous ceux qui l’ «accusent d’être un traître à la nation congolaise et un agent du Rwanda au service de Nkunda»

 

Par Kä Mana

 

18/10/08  

 

Après la réaction du philosophe Frank FIKIRINI à son article sur la situation à l’Est de la RDC, le professeur Kä Mana répond ici en revenant sur les enjeux de sa réflexion et en reprécisant sa pensée qui suscite débats ardents et controverses passionnées sur la place publique congolaise. Nous publions sa lettre, avec des intertitres qui mettent en exergue les grandes articulations d’une argumentation où de nouveaux aspects du problème sont éclairés et invoqués. Par-delà le philosophe Fikirini, Kä Mana répond aux nombreuses critiques, accusations et insultes qu’il reçoit ces derniers temps dans l’espace intellectuel et politique congolais. Le débat continue… 

 

Cher collègue,  

 

Je ne sais pas si je dois commencer par dire toute ma joie de retrouver vos traces après plusieurs années de silence ou si je dois tout de suite exprimer ma profonde tristesse face à l’interprétation que vous donnez de ma réflexion sur la situation actuelle à l’Est de notre pays.

DIRE MA JOIE  

Je décide de commencer par la joie que j’éprouve fortement de renouer contact avec vous. A la lecture de vos réflexions, je me sens heureux de voir à quel point la philosophie congolaise est vivante en vous et à quel point elle peut compter sur vous comme sur un socle solide de pensée. Je découvre que vous êtes toujours un philosophe de grande stature, lucide, féroce et caustique comme tout grand penseur, virulent dans la quête de la vérité et passionné dans la recherche des certitudes fondées en raison, surtout lorsqu’il s’agit d’un enjeu aussi fondamental que le destin d’une nation et l’avenir d’un peuple. Je constate que vous êtes porté par un violent souci de traquer les erreurs et les fausses convictions, de tuer des raisonnements spécieux et des concepts approximatifs qui ne rendent pas compte des situations dans leur profondeur comme dans leur ampleur. C’est un honneur pour vous d’avoir une si haute idée de la philosophie et de son devoir de clarifier les problèmes en vue de chercher des solutions fécondes : celles qui s’imposent par leur radicalité, par leur mordant et par ce que les philosophes appellent leur pertinence. J’en suis vraiment heureux et je vous félicite pour cette orientation de votre esprit.  

UN VRAI PROCES EN SORCELLERIE  

Permettez-moi d’ajouter tout de suite que ma joie s’assombrit quand je constate que tant de qualités qui sont les vôtres sont mises au service d’un faux procès en sorcellerie que certains de mes compatriotes qui composent la force de l’intelligence congolaise m’intentent de plus en plus depuis la publication de mon article sur mon séjour à Goma. Cela à partir des présuppositions, des supputations, des soupçons, des fables, des inventions, des invectives gratuites et des constructions fantasmagoriques auxquels j’ai des difficultés à comprendre quoi que ce soit. Je me demande même si l’homme qui est ainsi accusé est bien moi ou s’il s’agit d’un personnage purement imaginé auquel on prête des intentions maléfiques face à son propre pays tout simplement parce qu’il cherche à comprendre la parole et le discours des personnes que l’on désigne comme des ennemis de la nation congolaise sans les avoir vraiment écoutées, sans avoir soumis leur prétention au crible de la vérité sur la situation actuelle de notre nation dans la région des Grands Lacs, en Afrique comme partout dans le monde. J’ai lu attentivement votre réaction à ma réflexion et je suis effaré de la gravité des reproches que vous me faites sans ménagement. Je constate qu’il s’agit avant tout d’un procès en crédibilité. Vous affirmez avoir toujours eu un soupçon sur la crédibilité de mon discours, compte tenu du lieu d’où je parle : un pays étranger à partir duquel il est difficile de sentir les problèmes congolais de l’intérieur, avec toute la prégnance intellectuelle nécessaire et toute l’appréhension humaine de la complexité du problème congolais. Penser le Congo à partir d’un lieu autre que le Congo vous semble suspect et vous permet d’imaginer je ne sais quelles alliances et accointances occultes face auxquelles vous vous astreignez à être vigilant en tant que philosophe rigoureux et patriote. Je constate ensuite que vos reproches relèvent aussi d’un procès en trahison. Vous pensez que dans le contexte d’une guerre que la rébellion de Nkunda nous impose, et dont le Rwanda est le vrai instigateur aux yeux des Congolais, il n’est pas permis à un Congolais de prendre de la distance par rapport à son propre gouvernement pour oser forger une autre grille de lecture que celle des solennités idéologiques sur l’heure qui serait grave pour la nation parce que le Rwanda soutient Nkunda et se prépare à nous attaquer. J’imagine que vous m’accusez d’intelligence avec l’ennemi en temps de péril pour le pays. Je constate également que vous me faites purement et simplement un procès en naïveté, en sous-entendant que je me suis fait berner à Goma par des personnalités perfides et sournoises, dont l’intention a été de me manipuler et de m’instrumentaliser pour leur cause ethnique malveillante. Pour qu’une telle idée vous traverse d’esprit, vous devez sans doute la fonder sur une connaissance que vous croyez vraie et solidement étayée sur les capacités destructrices des personnes auxquelles vous faites allusion et qui appartiennent à un groupe tribal collectivement mal intentionné à l’égard du Congo à vos yeux. Je ne crois pas me tromper en disant que vous me voyez comme un philosophe aveugle et taré, qui n’a pas été capable de déceler la dimension sournoise des Tutsi qui en veulent mortellement sans doute à notre belle, tranquille, sereine, riche, paisible et paradisiaque nation. Je constate en même temps que vous m’intentez un procès en supercherie. Vous imaginez que je suis tombé dans le piège de vouloir comprendre le discours de Nkunda et de Kagame à tout prix, au point de vouloir le justifier alors qu’il est injustifiable. Vous pensez qu’un philosophe qui justifie ainsi l’injustifiable ne peut le faire qu’en trichant avec lui-même ou en transformant volontairement le mensonge en vérité. S’il en est ainsi, un tel philosophe ne peut être qu’illogique et inconséquent. D’où votre procès en incohérence. Ce que j’affirme ne collant pas avec la réalité selon vous, j’ai dû recourir à des raisonnements spécieux et à des arguments contradictoires pour défendre la cause de la rébellion. Une cause qui serait devenue ma propre cause. Vous donnez pour preuve de cette affirmation la curieuse ressemblance entre d’une part mes conseils à Nkunda, dans un de mes précédents articles, pour qu’il brise les carcans ethniques de son combat en vue d’une visée de libération nationale, et d’autre part les nouvelles revendications du leader du CNDP dans son intervention sur les ondes de RFI. J’aurais ainsi des liens clairs ou souterrains avec la rébellion et tout mon discours s’éclairerait à vos yeux à partir de ces liens. Vous en arrivez enfin, sur la base de cette certitude qui est la vôtre, à m’intenter un vrai procès en refus d’être un vrai penseur : un procès en renoncement et en capitulation. Vous croyez même que je viens de finir lamentablement ma carrière philosophique : sur la défense et l’illustration d’une cause qui détruit la nation congolaise. Je ne serais plus digne, selon vous, d’être un modèle philosophique pour les nouvelles générations qui devraient plus voir en moi un penseur qui a tué en lui sa capacité de penser qu’un patriote qui aurait consacré son intelligence au salut de notre pays.  

DES ACCUSATIONS QUI CONDAMNENT A MORT  

J’ignore si vous vous reconnaissez dans toutes ces accusations que je crois percevoir dans votre lettre et que j’ai aussi lues sous la plume de quelques intellectuels de ma connaissance qui m’ont écrit au sujet de ma vision des problèmes de l’Est de notre pays. Je voudrais seulement vous dire que je reçois vos paroles comme d’injustes coups de massue sur ma tête et sur ma réputation. Vous n’êtes pas allé jusqu’à prétendre que j’aurais reçu de l’argent de Nkunda ou de Kagame, comme l’affirment aujourd’hui certaines langues acérées de notre diaspora. Je me demande pourtant si le soupçon dont vous parlez concernant ma pensée ne porte pas en fait sur une certaine capacité de corruptibilité qui justifierait mes prises de parole sur l’Est, une région dont vous pensez, comme d’autres, que je ne connais pas l’ensemble de méandres. En plus, comme mon discours me rapproche de celui de Nkunda, il ne doit pas être loin de votre esprit que je ne serais qu’un agent du Rwanda, vivant à la solde d’un pays en guerre contre notre pays. Vous savez ce que l’on fait des agents doubles qui trahissent leur pays pour de l’argent : on les fusille purement et simplement, sans états d’âme. J’ai compris que c’est à ce destin d’un fusillé potentiel et d’un cadavre inutile que vous m’avez condamné, même si vous le dites dans une brillance philosophique qui m’impressionne par sa beauté et par la limpidité de sa danse théorisante. Vous n’êtes pas le seul à le faire, et je viens de découvrir à mes dépens combien l’intelligentsia congolaise est dotée de cruels affects guerriers et destructeurs dès qu’il s’agit du Rwanda et des Tutsi.  

L’OBJET DU DELIT  

Pour quelles raisons vous attaquez-vous à moi comme vous le faites, vous et un certain nombre d’autres membres de l’intelligentsia congolaise aujourd’hui ? Que reprochez-vous exactement à ma démarche ? Je crois qu’il est utile que je rappelle les thèses essentielles qui constituent ma vision du problème de la guerre de l’Est. Ces thèses sont au nombre de six et je les reformule clairement ici pour que nous soyons tous au clair sur le fond de ma pensée. Nous cesserions ainsi de croire que je dis autre chose que ce que je dis ou que je propose autre chose que ce que je propose en ces temps difficiles. Première thèse : « Même si Laurent Nkunda est une blessure profonde dans notre histoire et un symbole douloureux des meurtrissures dont notre peuple souffre profondément aujourd’hui, il serait malhonnête de réduire son combat à une simple question d’ambition personnelle ou ethnique, sans voir que cette ambition est un cri qui peut rallier beaucoup d’humiliés et de frustrés de notre situation au Congo et devenir un combat politique de libération du pays face aux orientations despotiques du système que Joseph Kabila Kabange est en train de mettre en place progressivement .» Deuxième thèse : «Au lieu d’être réduit au statut d’ennemi destructeur et d’épouvantail permanent dont les Congolais ont peur comme d’un génie maléfique qui veut cupidement dépecer notre territoire à son profit , le Rwanda doit devenir notre partenaire de premier plan dans la construction d’une communauté économique des pays des Grands Lacs. Il doit aussi devenir notre vis-à-vis de première grandeur dans la réflexion sur l’avenir de notre région et un facilitateur entre la rébellion de Nkunda et le pouvoir congolais pour sortir de la logique absurde de la guerre. » Troisième thèse : «Il n’y aura pas de paix entre le Rwanda et nous tant que l’hypothèque FDLR pèsera sur nos relation comme une épée de Damoclès. Une épée que le double jeu de notre président entretient face au président rwandais pendant que celui-ci joue aussi avec nous au jeu de malin, malin et demi.» Quatrième thèse : «Les dirigeants congolais ne devraient pas croire que la légitimité des élections qui les ont placés à la tête du pays est un chèque en blanc pour mener une politique de neutralisation des forces d’opposition comme cela se voit avec la neutralisation de l’UDPS, l’affaiblissement du MLC et le massacre dont ont été victimes les membres de Bundu Dia Kongo. » Cinquième thèse : « L’état déplorable de notre armée ne peut pas nous faire espérer une quelconque victoire militaire sur la rébellion ni une quelconque crainte à inspirer à l’armée rwandaise sur le champ de bataille. Notre seule victoire possible, c’est de mener chez nous une politique de développement décentralisé, une politique de démocratie réelle, une politique de construction d’une nation dont le peuple ait confiance en ses dirigeants, ce qui n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. » Sixième thèse : « l’incohérence et l’incompétence de notre gouvernement conduisent la communauté internationale à préférer le statu quo de la situation actuelle de la région du Kivu à un chèque en blanc donné à Joseph Kabila pour régner sur un Congo qu’il est prêt à brader auprès des Chinois, au détriment des intérêts des partenaires traditionnels d’Occident qui nous font maintenant sentir tout le poids de leurs capacités de nuisance. A tout moment, ils font comprendre au président congolais qu’il dépend du système néocolonial dont il ne peut se défaire sans qu’on agite le Rwanda et Nkunda devant ses yeux. » Ces affirmations, je ne les tire d’aucune connivence avec qui que ce soit. J’y vois une grille de lecture qui éclaire ce que nous vivons et pourrait nous conduire à imaginer l’avenir sous d’autres auspices que ceux d’une guerre perdue d’avance ou ceux des volcaniques imprécations contre Nkunda et Kagame, imprécations qui ne changent rien à la situation réelle dans le Kivu. En réfléchissant à partir de mes thèses que je crois vraies et fertiles pour un débat de fond sur l’avenir de notre pays et de notre région, je n’attends rien comme avantage de la part du CND : ni argent, ni poste de direction, ni perspective de carrière. Je n’attends non plus rien du Rwanda, un pays auquel ne me lient que des amitiés privées, sans aucune connotation publique ou politique. Il est donc illusoire d’imaginer que je travaille pour une cause politicienne ou pour un camp déterminé. Je cherche seulement à poser les conditions de possibilité d’une paix durable dans la région des Grands Lacs, au-delà des turbulences, des orages, des tempêtes et des ouragans auxquels la guerre nous condamne. C’est au cœur de ces conditions de possibilité qu’il me semble que la question tutsie et le problème rwandais devraient être soulevés sérieusement, sans que les esprits soient dominés par les terribles pesanteurs de nos souffrances, de nos traumatismes et de nos meurtrissures. Ces pesanteurs, traumatismes et meurtrissures nous rendent aveugles et nous empêchent de sortir du cercle infernal du crime et des vengeances que toute logique de crime attise dans les esprits. Je ne comprends pas pourquoi une telle grille de lecture dans la recherche de la paix choque tant les sensibilités congolaises, surtout dans les milieux intellectuels qui devraient, au-delà de nos appartenances politiques, construire des ponts entre le Rwanda, l’Ouganda et le Congo, sur la base de la vérité totale concernant notre propre être, nos mentalités actuelles et sur nos histoires tragiques respectives. Histoires dont nous devons dépasser les déterminismes guerriers et mortels en construisant un nouveau destin pour notre région. Si mon péché est de penser dans cette direction de la confiance dans les capacités congolaises, rwandaises, ougandaises, et même burundaises, pour construire notre région ensemble ; si mon tort est de miser sur la possibilité des réseaux de réflexion, de recherche et d’action transfrontalières pour résister aux pesanteurs politiciennes, aux ressorts de la haine et aux manipulations politiciennes en vue de nouvelles perspectives d’un vivre-ensemble dans le bonheur partagé, j’assume ce péché, j’assume ce tort. Je les considère comme une « felix culpa », une faute bienheureuse qui devra faire comprendre aux Congolais qu’un nouveau destin de paix avec nos voisins est possible, par-delà nos haines et nos peurs. Je refuse en cela tout discours de guerre et de vengeance que l’on cherche à fonder sur des meurtrissures réelles, sans comprendre que ces meurtrissures ne devraient nous conduire qu’à une décision radicale : «Plus jamais ça.» Comment peut-on arriver à une telle décision ? C’est la question qui me préoccupe et que je pose à notre pays, sans une quelconque sympathie pour la cause du CNDP, que j’éclaire dans ses labyrinthes, ou un quelconque lien avec le pouvoir rwandais, dont je veux que nous comprenions le discours comme nous voulons nous-mêmes que notre discours soit compris par les autres. En quoi un tel devoir de pensée est-il trahison de la nation, supercherie intellectuelle, naïveté, incohérence, étourderie et manque de crédibilité dans l’analyse ? J’aimerais bien que tous mes doctes accusateurs et tous mes savants détracteurs me le démontrent. Ils devraient d’autant plus le faire que leur discours attise en nous des haines guerrières sans dire de quel côté devraient venir nos armes de destruction massive pour en finir avec la rébellion de Nkunda et anéantir le Rwanda une fois pour toutes. Je trouve inacceptable que des intellectuels congolais proposent la guerre contre nos voisins dont ils dénoncent eux-mêmes les ambitions prédatrices, alors que l’horizon raisonnable serait de réfléchir tous les jours aux possibilités de paix qui sont à notre disposition.  

SORTIR DES TRAUMATISMES  

Si j’ai décidé de répondre à la réflexion que vous avez publiée dans Le Potentiel, cher collègue, ce n’est pas pour enfoncer le même clou concernant la fécondité et la pertinence de mes thèses sur la situation au Kivu. Ce n’est pas non plus pour défendre absolument la vérité de chacune des dimensions des analyses que je propose et des faits sur lesquels je me fonde. Je n’ai pas souffert dans ma chair comme beaucoup de ressortissants de l’Est souffrent de la guerre aujourd’hui. Je n’ai donc pas de leçons de morale à leur donner à partir du lieu éloigné d’où je parle et que vous jugez non crédible. Je n’ai pas non plus de munitions à leur fournir pour qu’ils aillent abattre Nkunda dans les montagnes du Massissi ou Kagame dans sa présidence à Kigali, comme souhaitent clairement ou obscurément certains de nos compatriotes. Comme philosophe, je sais que je peux me tromper dans l’analyse, mais je ne veux me tromper qu’en toute bonne foi, compte tenu de la qualité des informations disponibles et des possibilités inhérentes au contexte dans lequel je mène mes recherches. Je dois dire cependant que je me crédite de suffisamment de bonne foi pour affirmer qu’il n’y a en moi aucune volonté de prendre position ou de choisir le camp entre les belligérants qui font à mes yeux partie d’un même système et d’un même complexe du mal. Je veux seulement que nous ouvrions les yeux pour voir ce qui se passe, et les oreilles pour entendre ce qui se dit de tous les côtés sur la guerre du Kivu, pour mieux comprendre ce système et ce complexe du mal et agir sur eux de toutes nos forces de pensée et de toute nos convictions pour la paix et le bonheur de notre région. Cela nous aidera à briser, en nous Congolais, certains traumatismes et certains mensonges dans lesquels nous nous sommes enfermés concernant nos relations avec le Rwanda et avec les Tutsi congolais.  

PSYCHANALYSE D’UNE AMNESIE

Quand j’ai écrit mon article sur mon séjour à Goma, j’ignorais à quel point j’allais à contre-courant des attentes congolaises sur la destruction de Nkunda et l’anéantissement du Rwanda. J’ignorais qu’il ne faut jamais parler de la situation à l’Est en supposant qu’il doit exister une part de vérité dans ce que la rébellion revendique ou dans ce que le Rwanda affirme concernant ses relations avec le Congo. J’ignorais à quel point nous ne sommes pas prêts dans notre pays à voir poser la question de nos rapports avec les Rwandais, ou même avec nos compatriotes Tutsi, en toute sérénité, sans nous encombrer de crimes innombrables et des flots de sang qui sont toujours sous nos yeux, dans notre esprit et dans nos cœurs depuis 1994. Avec la réaction de certains intellectuels congolais, je sais maintenant ce qu’il en est réellement et je voudrais ici soulever d’autres questions qui peuvent nous pousser à aller plus avant dans la recherche de la vérité et dans la clarification du débat. Je le fais du point de vue d’un Congolais qui réfléchit sur l’attitude congolaise, en supposant connu ce que nous disons tous les jours sur tout le mal que Nkunda inflige aux populations de notre pays et toute la désolation que le Rwanda a semée à l’Est de la République. Sur ce point précis, n’êtes-vous frappé par le fait que, dans le discours congolais sur les exactions, les massacres, les viols et la destruction de l’humain depuis 1994, le rôle criminel est toujours du côté des Rwandais, des Tutsi, qui sont responsables, disons-nous au Congo, de plus de trois millions de morts sur notre territoire, alors que de notre côté, rien n’est vraiment dit sur les crimes de notre armée et de nos populations à l’égard de nos voisins depuis le régime de Mobutu jusqu’à nos jours ? Cette amnésie est curieuse, et je sais qu’elle nous arrange. Elle fait de nous des pures victimes d’une nation étrangère qui n’en veut qu’à nos richesses et cherche à s’emparer d’une vaste portion de notre territoire, sans aucune complicité de notre part, ni aucune responsabilité. La chanson est maintenant connue : les richesses du Congo suscitent des convoitises. Les criminels étrangers veulent notre terre. Hitler est ressuscité à l’Est de notre pays. Mobilisons-nous pour défendre la patrie en danger. Nous allons même jusqu’à oublier que l’avalanche AFDL qui s’est abattue sur nous depuis l’Est du pays était une marche des criminels qui ont pillé, détruit et vendu notre terre. Cette avalanche, il faut le dire haut et fort, n’était pas seulement celle des forces du FPR, mais une véritable cohorte rwando-ougando-congolaise dont le porte parole fut notre compatriote, Laurent Désiré Kabila, dont le mausolée trône dans notre capitale aujourd’hui comme le symbole d’un héros national. Nous avons oublié que le gouvernement que nous considérons comme légitime aujourd’hui, et qui nous appelle à défendre la nation contre l’agression extérieure, est issue de cette marche criminelle de l’AFDL sur Kinshasa. Dans notre subconscient, nous voulons aujourd’hui dire que toute la faute revient à nos voisins et que tous les crimes leurs sont imputables, comme si tout aurait été possible sans l’implication de beaucoup de Congolais qui désiraient ardemment la destruction du régime de Mobutu et qui sont venus de partout dans le monde pour occuper des postes juteux à Kinshasa sous le chapiteau du pouvoir AFDL. Non : ces crimes sont autant le fait de ceux qui nous dirigent aujourd’hui que de ceux qui furent leurs parrains et leurs alliés avant qu’ils se brouillent entre eux. Ceux qui se sont emparés du pouvoir à Kinshasa en chassant leurs alliés et qui revendiquent leur congolité dans un système du pouvoir qu’ils exercent seuls maintenant ont voulu être unique maître du grand butin de guerre qu’est notre pays. On peut comprendre, en toute bonne logique mafieuse, que les compères exclus du butin et bernés par leurs complices dans le partage des dividendes du crime revendiquent maintenant leur part par les armes, pour mieux se faire entendre. Je considère que l’enjeu originel de la guerre entre la rébellion soutenue par le Rwanda et le pouvoir congolais actuel est une guerre autour d’un butin fabuleux arraché aux griffes de Mobutu. Ce butin, c’est notre pays. C’est un enjeu qui ne pouvait conduire qu’au crime et à la logique des systèmes criminels, dans l’ensemble des forces en présence. Les congolais de l’AFDL n’ont pas été en dehors de ce système du crime organisé qui a chassé Mobutu du pouvoir. Un système qui a refusé de s’allier avec l’opposition interne sur les perspectives d’une nouvelle République. Tout le monde connaît les richesses colossales accumulées par les seigneurs de l’AFDL en peu des temps, eux qui avaient trouvé bon et moral de se fonder sur le Rwanda pour une ambition prédatrice dont le pouvoir à Kinshasa était la cible au temps de Mobutu. Nous voulions quoi ? Qu’après avoir conquis un tel butin, les maîtres de la conquête lâchent le morceau entre les crocs d’un petit groupe d’entre eux alors que le Congo est infiniment exploitable ? Pour ce butin, nous avons été conduits par l’AFDL à devenir nous-mêmes des criminels au Congo. La preuve : nous avons massacré des Rwandais à Kinshasa, nous les avons pourchassés comme des bêtes à abattre. N’eût été la présence de la communauté internationale, qui en a sauvé certains facilement identifiables actuellement aux Etats-Unis et au Rwanda vers où ils ont été exfiltrés, notre pays aurait eu sur sa conscience un nouveau génocide au cœur de notre capitale. Je me souviens que nos populations ne cherchaient pas à éliminer seulement des militaires rwandais, mais aussi des hommes, des femmes et des enfants au faciès tutsi. Même certains prêtres, qui furent mes enseignants et qui avaient consacré leur vie au Congo comme éducateurs à l’Institut Pierre Canisius de Kimwenza, n’ont eu le salut que parce qu’ils ont bénéficié des réseaux internationaux de leurs congrégations pour quitter clandestinement Kinshasa. En fait, notre peuple a été convaincu de participer au massacre des Rwandais, avec la justification que l’armée rwandaise nous avait attaqué par le Bas-Congo, comme si la guerre entre les gangs criminels de l’AFDL était devenue notre guerre à nous, peuple du Congo. Qui parle aujourd’hui du massacre des Rwandais à Kinshasa ? Qui affirme que, pendant que nous, nous massacrions les Rwandais à Kinshasa, Kagame avait donné l’ordre à Kigali pour qu’un cheveu d’un Congolais ne tombe dans un pogrom dont la population serait l’auteur ? Curieuse amnésie. Tabou national que nous couvrons toujours du linceul des crimes du Rwanda chez nous, comme si l’AFDL, source de nos malheurs actuels, n’était qu’une aventure extérieure sans responsabilité congolaise d’aucune sorte, sans aucune complicité de nos compatriotes assoiffés du pouvoir et du sang. Quand je cherche à comprendre cette amnésie qui caractérise la RDC aujourd’hui, il me devient clair qu’elle est due au fait que l’actuel pouvoir a vaincu notre conscience morale et a mis à profit son contentieux avec le Rwanda sur le butin congolais de guerre pour marteler à tout moment les crimes de l’armée rwandaise chez nous, sans jamais dire qu’à l’Est de notre pays, les massacres sont devenus l’exercice préféré de tous les groupes armés : FDLR, Maï-Maï, CNDP, sous les regards médusés et incrédules de la communauté internationale. Je me rends compte que cette dimension de l’histoire de notre pays nous gène. C’est le fond de notre inconscient collectif auquel il ne faut pas toucher parce que les mentalités n’y sont pas encore préparées. Il vaut mieux parler des crimes des autres et construire l’image immaculée de notre pays. J’ai refusé cette logique de notre inconscient en donnant la parole à ceux qui se considèrent, eux aussi, comme nos propres victimes : les Tutsi congolais, les militaires d’Anselme Masasu, les intellectuels qui refusent la dictature sur notre territoire et tous ceux qui se souviennent que l’AFDL, d’où a émergé la troisième République, est au cœur de notre tragédie. Cette troisième République, malgré les élections par laquelle nous la validons, reste à mes yeux, une République d’un crime que nous payons encore à l’Est aujourd’hui. Je n’avais pas soulevé cette dimension du problème dans mon article sur mon séjour à Goma. Je ne jugeais pas cela nécessaire. Je la verse au dossier du débat pour briser l’image des Congolais immaculés face à des Rwandais tueurs. Cette image est fausse. Nous n’y recourons d’ailleurs que parce que nous savons que l’armée rwandaise est plus puissante que la nôtre et qu’elle peut s’emparer du Kivu sans coup férir. Si nous tenons tant à faire de Nkunda un étranger, c’est pour faire parler cette peur panique qui s’empare de nous chaque fois que Kagame lève son petit doigt, alors qu’une autre politique est possible avec le Rwanda dans le contexte global de la construction de la communauté des pays des Grands Lacs.  LE CONGO ET LE GENOCIDE RWANDAIS  Je dois dire aussi que nous sommes amnésiques sur le rôle de l’armée congolaise au temps de Mobutu dans la situation intérieure rwandaise. Nous avons oublié l’amitié entre Habyarimana et notre Maréchal. Nous avons oublié que notre armée a toujours été mise au service du régime rwandais chaque fois que Habyarimana en avait besoin, surtout pour de basses besognes. Nous avons oublié que nos forces ont combattu le FPR et qu’elles ont été un des dispositifs majeurs dans la dynamique du génocide. On parle beaucoup, au Rwanda comme partout en Afrique, du rôle de la France dans la tragédie de 1994. Un jour l’histoire dira quel fut le rôle du Zaïre de Mobutu dans ce drame. Elle dira aussi à quel point notre pays fut complice et même acteur engagé dans l’extermination des Tutsi, phénomène que nous voulons masquer en parlant constamment haut et fort des crimes des Tutsi chez nous. En vérité, entre le Rwanda et notre pays, je sais moi que la barbarie nous est commune, que la sauvagerie est partagée dans tous les crimes qui peuplent notre région. C’est contre cette barbarie qu’il faut se battre, c’est contre cette sauvagerie qu’il faut s’inscrire en faux, en commençant par la reconnaissance de ce que nous avons, nous Congolais aussi, fait à nos voisins avant que le vent de l’histoire ne tourne contre nous et ne nous livre au système du crime organisé qui nous écrase actuellement. Je suis préoccupé par ce désir de vérité qui sera le chemin de catharsis à laquelle nous ne devons pas échapper.  

NKUNDA EST EN TRAIN DE COMPRENDRE  

Je crois que Nkunda commence à comprendre qu’il est temps de sortir de la logique de ce système criminel. C’était cela le sens profond de sa dernière intervention sur RFI. Il est curieux qu’on ait entendu dans ses paroles qu’une invite à renverser le pouvoir en place dont nous empressons tous de clamer qu’il est « démocratiquement élu », comme si cela suffisait à le légitimer dans ses dérives despotiques et dans ses siphonages économiques et financiers. Plus qu’un appel à renverser le pouvoir en place, Nkunda visait, à mon sens, le système du mal en place. Un système dont il est lui-même un des produits nuisibles et un des acteurs féroces. Sans une visée fondamentale de sortir de ce système né de l’AFDL, nous tournerons toujours en rond, de guerre en guerre, de rébellion en rébellion. Quand Nkunda réclame des négociations directes avec Kinshasa, il s’inscrit dans la logique des caïds qui veulent régler leurs différends dans le partage du butin de guerre qu’est le Congo. Quand, en revanche, il réclame la libération du Congo de la dictature par tout le peuple congolais, il ne me paraît pas être un caïd qui veut simplement occuper la place d’un autre caïd. Il parle comme un homme qui comprend que la logique des caïds détruit la nation. C’est ce nouveau côté de sa conscience que je trouve intéressant parce qu’il constitue à la fois un aveu et un projet de société. L’aveu concerne la participation de Nkunda lui-même à la conquête du butin de guerre que fut notre pays pour l’AFDL, avec tout le cortège de crimes, de massacres, de viols et de meurtrissures que nous connaissons. Il concerne aussi ces crimes comme crimes de guerre entre mafieux, dans un triangle de mort que constitue aujourd’hui le pouvoir de Kinshasa, le pouvoir de Kigali et la rébellion dans le Massissi. Ce triangle, Kunda comprend qu’il est temps d’en juguler la logique de mort et d’en briser les ressorts pour un nouveau système fondé sur une autre vision de la nation congolaise et de la région des Grands Lacs comme espace de paix et de développement, loin des tragédies d’une guerre honteuse. Son projet devient alors un projet de révolution fondamentale qui exige soit la conversion des acteurs actuels de notre drame à la politique du bien, soit l’émergence de nouveaux acteurs qui débarrassent le plancher congolais de la logique guerrière et mafieuse. Je ne doute pas que le CNDP proposera bientôt une logique de paix unilatérale, si les autres pointes du triangle du mal adhèrent à sa logique de conversion. La déclaration de Nkunda sur RFI, qui a mis à mal tout le gouvernement congolais est un pas à la coréenne : faire monter les enchères quand on approche à la véritable issue d’une crise. C’est du moins ainsi que je l’interprète, si je m’en tiens à ce que je crois être l’intérêt bien compris du CNDP aujourd’hui.  

COMMENT FAIRE ?  

Vous allez sans doute me demander comment on sort d’un tel système du mal quand on a tant de crimes sur la conscience comme Kinshasa, Kigali et le Massissi l’ont actuellement. Je vous donnerai l’exemple que je connais fort bien pour l’avoir vécu dans ma propre région natale, que l’on appelle aujourd’hui le Grand Kasaï. J’avais sept ans quand les Belges ont conduit les Luba et les Lulua à se convaincre qu’ils étaient des ennemis historiques irréductibles, alors que nous sommes un seul et unique groupe ethnique depuis la nuit des temps. J’ai vu de mes yeux d’enfants les gens de mon village exhiber des têtes, des bras et des sexes des Lulua comme des butins de guerre. Un de mes amis à la Faculté de théologie catholique de Kinshasa au temps de nos études m’a raconté que dans son village aussi, les têtes, bras et sexes des Luba étaient exhibés comme un signe de victoire, dans des danses macabres où les actes criminels étaient devenus des actes d’héroïsme guerrier. Le mal avait atteint un tel degré de férocité, de sauvagerie et de barbarie que je n’aurais jamais imaginé qu’un jour les Luba et les Lulua se considéreraient encore un jour comme un seul et même peuple, un groupe ethnique revendiquant une même histoire, une même conscience, de mêmes référentiels de base et un même destin. Pourtant, nous y sommes arrivés. Comment ? Par la refondation de l’humain à travers un pacte de sang traditionnel entre les deux personnalités qui étaient les chefs de nos groupes en ces temps-là : le chef Kalamba et la Mulopwe Albert Kalonji. Ces deux hommes ont décidé de renouer contact, sur les conseils des vieux sages de nos terroirs. Ils se sont rencontrés au Lac Mukamba, chacun d’eux a reconnu les crimes de son groupe à l’égard de l’autre, ils ont demandé à leur peuple d’expier ces crimes et ils ont fait un nouveau pacte de sang au nom des leurs peuples afin que ces peuples redeviennent un seul et même peuple, afin que plus jamais la sauvagerie et la barbarie que nous avions vécues ne se répètent. Les portes des cœurs furent ouvertes, les frontières de nos provinces furent abolies, notre humanité fut retrouvé et nous sommes aujourd’hui le Grand Kasaï dont on a oublié que l’unité a été retrouvé grâce à la refondation de l’humain sur les valeurs du pacte de sang, au-delà des crimes, des traumatismes et de meurtrissures. Il y a dans cet exemple un esprit dont je suis convaincu qu’il peut inspirer aujourd’hui Kigali, Kinshasa et le Kivu dans son ensemble, si les responsables de notre drame refondent notre humanité dans une sorte de nouveau pacte de sang pour la paix entre nos peuples. Nous pouvons, nous devons refonder notre humanité, dans la reconnaissance de nos crimes respectifs et dans une volonté commune de bâtir un être ensemble et un vivre –ensemble pour le bonheur. Je crois profondément en cette utopie, contre le système du mal qui nous domine aujourd’hui et dans lequel nous nous enfermons sans même nous rendre compte que nous détruisons notre vie à tous et à toutes.  

IL FAUT QUE KIGALI ET KINSHASA COMPRENNENT AUSSI  

Quand j’ai regardé le président Kabila prononcer avec gravité et solennité son discours de mobilisation de la nation contre le péril de l’agression rwandaise, j’ai eu le sentiment qu’il avait compris une réalité sans en comprendre une autre. Il avait compris que le Congo, face à l’adversité comme dans la vie politique et économique de tous les jours, devrait être uni et mobilisé, s’il tient à être une grande nation respectable dans le monde. J’imagine que la mobilisation que le président attend concerne aussi les membres des partis comme l’UDPS et le MLC, des organisations comme Bundu dia Kongo et des mouvements comme le CNDP et tous les protagonistes du programme Amani. Je doute cependant que l’actuelle neutralisation politicienne de l’UDPS par le pouvoir, l’actuelle neutralisation du MLC, l’actuel anéantissement de Bundu dia Kongo et l’actuelle logique de guerre contre Nkunda puissent conduire à la mobilisation attendue. En plus, pourquoi la logique de la mobilisation ne concerne-t-elle que les Congolaises et les Congolais, alors que l’appel devrait être lancé à toutes les forces de paix de la région des Grands Lacs contre la logique de la guerre, et au monde entier, pour qu’il nous aide, au-delà des débats au Conseil de sécurité, à renouer des liens d’humanité avec le Rwanda et avec l’Ouganda. Le président Kabila n’a pas compris cette nécessité parce qu’il est encore englué dans un esprit de faucon et qu’il croit encore à une victoire militaire sur Nkunda. Kagame lui a répondu en déplaçant seulement, sur l’échiquier de son arsenal militaire, deux mille soldats vers Gisenyi. Cela a suffi à lui faire entendre raison. Qu’est-ce que ce geste de Kagame signifie ? Il montre comment le président rwandais, à son tour, a compris une réalité sans en comprendre une autre. Il a compris, comme il le dit dans son interview à Coleette Braeckman, que seul un espace économique viable entre les pays des Grands Lacs mettra fin à la guerre, parce qu’il s’agit d’un espace de prospérité commune. Mais il n’a pas compris qu’un tel espace ne s’aménage que par des symboles forts du dialogue : une rencontre à Goma, par exemple, avec Joseph Kabila, devant tout le peuple congolais, avec Nkunda, en vue d’un nouveau pacte de sang, base pour des initiatives économiques, politiques et socioculturelles nouvelles pour le bonheur de tous nos peuples. Toute ma réflexion vise à déblayer le terrain d’une telle dynamique du bonheur. Est-ce cela qui constitue ma trahison du pays et fait de moi un agent rwandais au service de Nkunda ?

A tous ceux et toutes celles qui pensent cela, je dis clairement qu’il est temps d’ouvrir les yeux et d’oser entrer dans une mentalité de la paix, dans la conviction que les peuples de la région des Grands Lacs sont condamnés à reconnaître qu’ils doivent vivre ensemble dans la seule guerre qui compte : la guerre contre la misère et le sous-développement.

 

 

 

Kä Mana

 

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