Les contrat miniers en RDC Congo: Le hold-up du siècle.

Danny Claes

06/04/08

 

diamants.jpgLa "Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière" (CTCPM) est un organe conseil d'études et de coordination des activités du secteur minier en République Démocratique du Congo. Au-delà de ce rôle, la C.T.C.P.M est aussi chargée de la conception des politiques et stratégies visant l'optimisation de l'exploitation des ressources minérales en R.D.C.. Son dernier rapport très attendu vient de paraître. Il s'agit d'un volumineux document de 474 pages que vous pouvez consulter en ckiquant sur http://www.miningcongo.cd

 

Le centre d'études IPIS vient d'en faire une première synthèse et présente quelques données marquantes et conclusions. Nous profitons de son travail pour formuler quelques réflexions sur – ce que les Congolais appellent parfois -un "véritable scandale géologique".
Manuel: comment spolier un pays?
Comment le pays le plus riche en matières premières peut-il appartenir "au club des nations les plus pauvres de la planète"? Divers mécanismes en cours du temps du dictateur Mobutu (1965 – 1996) peuvent expliquer cette situation : Il y a le remboursement de la dette et les prix de plus en plus élevés des produits importés, mais il y a aussi les avantages exceptionnels dont bénéficiaient les multinationales minières. Elles ont reçu des contrats à long terme leur permettant d'exploiter les matières premières, dont le prix demeurait fixe, alors qu'il fluctuait au niveau mondial. Le journal "Le Phare" évoque ainsi l'exemple d'une compagnie qui payait la tonne de cuivre 500 $, alors que ce minerai atteignait presque les 8.000 $, sur les marchés internationaux, soit un profit de 1.500 % ! Mines au Congo. http://ww:miningcongo.cd.Le rapport publié par la CTCPM parle des nouveaux contrats, conclus entre 1997 et 2008. Il s'agit de 4.542 contrats d'exploitation, concédés à 642 firmes. La situation est chaotique. Outre ces données numériques, le rapport met en évidence les mécanismes utilisés par les multinationales pour renforcer leur position et maximiser leurs profits.
1) La "commercialisation": Les multinationales exigent de pouvoir assumer la commercialisation complète des produits. Elles présente cette exigence comme un service alors qu'elles sont souvent indemnisées pour le faire. Cette attitude maintient le partenaire congolais dans une totale dépendance puisqu'il ne peut pas chercher par lui-même, le prix le plus avantageux. Selon le rapport de IPIS, le groupe diamantaire De Beers est un adepte de ce genre de pratique.
2) La non-imposition : IPIS cite l'exemple de la compagnie Anvil Mining qui a négocié une amnistie fiscale d'une durée de 20 ans.
3) L'extension des concessions et recul de la participation congolaise dans la gestion … Chaque multinationale dispose d'une batterie d'avocats, juristes et consultants fiscaux charger de maximaliser ses avantages. IPIS cite le montant des profits accumulés par deux grands géants miniers, en 2007: 13.496 millions de dollars, pour BHP Billiton et 7.746 millions de dollars, pour Rio Tinto. Des sommes gigantesques au regard des 26,7 millions de dollars de taxes versés par l'ensemble du secteur minier au Congo, (soit +/- 0,3 euro par habitant).
L'oeil de Moscou

Le rapport de la commission a analysé une soixantaine de contrats. Aucun n'est considéré comme satisfaisant. Chaque fois, le Congo est perdant. La plupart de ces contrats ont été conclus alors que le Congo n'avait aucune marge deCobalt. http://miningcongo.cd. négociation, en raison de la guerre qui l'opposait à l'Ouganda et au Rwanda (entre 1999 et début 2003) et en raison, plus tardivement, de l'extrême corruption, de son gouvernement. Il s'agissait du gouvernement "1+4" qui comptait dans ses rangs des "dirigeants rebelles" "intégrés" par Joseph Kabila, à la demande de la communauté internationale. A l'époque, Jean-Pierre Bemba, le dirigeant de la milice pro-ougandaise, était le Président de la Commission des affaires Economiques. Il était donc directement concerné par l'affaire qui nous occupe. Les Congolais évoquent le gouvernement "1+4" en disant "1+4 = 0" , mais pour les multinationales, cette période fut particulièrement dorée. Précisons qu'au même moment, cinq millions de Congolais perdaient la vie dans un conflit dont l'enjeu était de s'accaparer toutes les richesses du pays … Il faut souligner que tous ces contrats ont été supervisés et approuvés par la Banque Mondiale. Cette institution est donc très mal placée pour donner des leçons de bonne gouvernance et de probité aux Congolais. Le gros des richesses est parti à l'étranger. Seule une minorité de Congolais a pu s'enrichir. Le Congo et l'immense majorité de sa population ont dû se contenter des miettes.

Qu'apporte l'avenir?
Les promoteurs les plus importants de ces contrats miniers sont le tandem Gizenga-Kabila. Le Palu, le parti de Mr. Gizenga détient le Ministère des Mines. Par ailleurs, trois de ses membres sont impliqués dans la Task Force, un groupe de travail créé par le gouvernement, pour suivre les négociations. Diamant.Les plus grosses entreprises ont reçu dernièrement une invitation du gouvernement congolais afin de renégocier certains aspects de leurs contrats. Face à cette situation, de nombreuses voix occidentales se sont élèvées et appellent à la "sérénité" des débats. De leur côté, certaines entreprises s'indignent et parlent d'une tentative d' "expropriation" de la part des autorités, alors que d'autres souhaitent ne prendre aucun risque et se disent prêtes "à mettre un peu d'eau dans leur vin." Dans le journal, Le Potentiel (20/06/08), le Belge George Forrest explique les raisons d'une telle attitude. "Nous perdons pas mal de terrain et nous risquons de nous faire dépasser, alors que l'Europe n'a pas de matières premières. Les industriels chinois ou indiens n'ont pas encore fait grand chose de positif en faveur du développement du Congo, mais s'ils font ce qu'ils disent, cela pourrait changer". Les prix élevés des matières premières sur la marché mondial et la concurrence de lDiamant.a Chine vont donner une certaine marge de manoeuvre au gouvernement congolais, pour négocier de meilleures conditions d'exploitation, de ses ressources minières. La Banque Mondiale préconise que le secteur minier reverse 186 millions de dollars de taxes, aux autorités congolaises. Cette somme peut sembler importante, mais elle ne représente qu'une petite fraction de la richesse réellement produite. Ainsi, en 2006, le secteur minier zambien a versé 2 milliards d'euros de taxes (3 milliards de dollars) au budget de l'Etat. Si le Congo veut réellement profiter de ses richesses, des mesures radicales s'imposent. Le pays peut peut-être s'inspirer des mesures prises par des Etats comme la Bolivie ou le Venezuela pour acquérir davantage d'emprise, sur la gestion de ses richesses naturelles.

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