Nkunda: ses plans en exclusivité pour «le Soft International»

Le Soft

13/06/2007

 

gl_laurent_nkunda.jpgSept jours dans le maquis du Nord-Kivu avec le Général casse-tête. L'homme se démarque du RCD-G, s’explique sur ses guerres, mouille ses ex et réclame le pouvoir. Il estime avoir l’expertise nécessaire que le Gouvernement ne dispose pas. Se défend sur le terrible massacre de Kisangani et implique la hiérarchie du RCD-G. Il réclame l’application de la loi d’amnistie et le retrait du mandat d’arrêt international. Sur la menace du ministre Tchikez, il dit avoir réagi auprès du Chef de l’État Joseph Kabila Kabange. Il se présente comme le justicier du peuple et se dit prêt à aller combattre là où le devoir l’appelle. Il, qui? Laurent Nkunda. Batware? Non, Mihigo, nous dit-il. En exclusivité pour «le Soft International».

Si le Kivu regronde poussant la hiérarchie catholique à s’adresser directement et publiquement à l’Occident, «le Soft International» a accepté de dépêcher l’un de ses meilleurs journalistes dans les maquis du Nord-Kivu où il a passé une semaine en compagnie du général Nkunda. Du canon.

Du canon. Une semaine – pas moins – dans les maquis du Nord-Kivu alors que tout autour gronde. Dans Bukavu et dans le Sud-Kivu, ça sent à nouveau la poudre. La hiérarchie catholique vers qui se tourne la province descend dans la Capitale Kinshasa et prend publiquement à témoin les chancelleries – et pas n’importe lesquelles! – occidentales. Via la France. Le cri de détresse. L’appel au principe du droit d’ingérence humanitaire. Un peuple en danger.

Au Kivu, à nouveau, rien ne va plus. Un GSM qui sonne: un appel – depuis les maquis – à journaliste et pas n’importe lequel, un du «Soft International» et une condition posée par notre journal: «oui, à condition d’une rencontre en exclusivité». Réponse: «bien sûr». Michel Mukebayi Nkoso peut débouler dans les Kivu. Du canon…

Certains l’appellent «le boucher de Kisangani» – rappelant le terrifiant massacre d’officiers insurgés d’entre-les-deux Sun City à Kisangani. Il s’en défend avec force.

QUELQUE PART DANS LES MAQUIS DU NORD-KIVU.

ENVOYE SPECIAL.
«Les Congolais doivent comprendre. À Kisangani, la guerre a commencé alors que j’étais en formation dans une académie au Rwanda. On me dit que Kisangani est occupé et que je dois accompagner le chef d’état-major général adjoint chargé de l’administration Gabriel Amisi Tango Fort. J’arrive à Goma à 9 heures alors que le chef-lieu de la province Orientale est occupé depuis cinq heures du matin. Les combats font encore rage dans la ville. Nous prenons l’avion avec le général Tango Fort qui était alors mon chef. Prennent place à bord du même vol: le colonel Luboya, G2 du RCD».

«À l’époque, je suis commandant brigade en formation. Je n’étais pas en fonction. C’est mon adjoint, le colonel Yvon Gizani, qui assumait mon intérim à Kisangani. Il est aujourd’hui à Kinshasa. Où est la responsabilité de Laurent Nkunda dans cette affaire? On dit que je suis resté à Goma parce que je craint d’être arrêté à Kinshasa à cause de Kisangani. Que dire alors d’Adolphe Onosumba à l’époque président du RCD? Il avait la charge des opérations comme chef suprême. Que dire d’Azarias Ruberwa? Il était secrétaire général du RCD. Que dire du général Gabriel Amisi Tango Fort aujourd’hui chef d’état-major général adjoint? Que dire de feu général Sylvain Buki alors chef d’état-major général de l’armée du RCD? Et du général Malik à l’époque du RCD chargé des opérations?»

«Chercher dans cette affaire à faire porter la responsabilité à Laurent Nkunda, c’est simplement prendre le raccourci du bouc émissaire».

«LE RWANDA ME DOIT».
De ses relations avec Azarias Ruberwa Manywa, l’ancien Vipi en charge de la Défense et de la Sécurité, et ce qu’il pense de lui comme homme?

Quand il en parle, le général est amer.

«Ruberwa m’a dit un jour qu’il était fâché contre nous parce que nous avions refusé d’accompagner le RCD à Kinshasa. Depuis que j’ai refusé d’aller prendre mes fonctions à Kinshasa, on n’a plus la même relation (…). Mais je pense que je n’ai rien à en attendre. Il n’a pas un soutien à me donner. Il n’a pas su capitaliser le poste que nous lui avions donné, ce poste pour lequel nos enfants sont morts. S’il n’a rien fait pendant qu’il était Vice-président de la République, je ne le vois pas faire quoi que ce soit aujourd’hui».

Quand on veut en savoir plus – par exemple s’il sent de l’ingratitude -, le patron du CNDP répond sans hésiter: «Effectivement. Il nous a accusés d’avoir refusé de l’accompagner à Kinshasa. Mais il n’a jamais été clair dans sa vision. J’ai parlé avec lui avant qu’il ne se rende à Kinshasa. Je lui ai demandé ce que nous allions y faire. Il n’a pas su me répondre, ni me dire ce que nous allions y gagner. Si j’ai refusé d’aller à Kinshasa, c’est mon droit. Ce n’est pas le RCD qui m’a formé, ni m’a recruté comme militaire. Je n’avais donc aucune dette envers le RCD».

«Et puis il y a Bukavu. J’ai parlé avec beaucoup de ministres à Kinshasa alors que je m’y trouvais pour sauver des vie Banyamulenge. J’ai parlé avec Azarias Ruberwa. Il m’a promis qu’une enquête allait être mise en route sur ce qui s’était passé à Bukavu. Il m’a recommandé de quitter la ville pour laisser faire l’enquête. En réalité, je pense que Ruberwa doit garder des remords de cet épisode parce que ce sont ses propres frères qui sont morts. Il n’a pas pu leur rendre justice durant son mandat».

Du Rwanda, ce pays a une dette envers lui. «Vous dites que le Rwanda m’a adopté? Nous sommes allés au Rwanda aider le FPR à chasser le pouvoir dictatorial et génocidaire de Juvénal Habyarimana. Je suis allé donner mon appui avec d’autres Congolais. Tel feu le général Anselme Masasu Nindaga. Tels le général Malik, le général Obed Rwibasira, le colonel Eric Rihombere, le colonel Elie Bishondo, le colonel Bonane aujourd’hui en Ituri. Nous sommes parmi ceux qui ont sympathisé d’une manière ou d’une autre avec le Rwanda. Mes relations avec le Rwanda sont des relations fraternelles. Je suis Munyarwanda congolais. J’ai des liens de culture, de langue et d’histoire avec le Rwanda. Le Rwanda héberge encore aujourd’hui beaucoup de réfugiés rwandophones congolais. Nos familles sont là. Nous partageons un passé commun».

«Je pense en effet que le Rwanda m’est redevable. Nous disons que nous n’avons pas de comptes à demander au Rwanda puisque nous nous sommes battus pour une cause. Nous ne sommes pas allés au Rwanda comme mercenaires. Il s’est agi d’un engagement personnel pour des valeurs. Nous n’avons rien à réclamer, mais les Rwandais eux-mêmes reconnaissent que nous avons fait beaucoup pour eux. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils nous ont accompagnés dans la marche de l’AFDL vers Kinshasa». Quand on veut savoir s’il recherche des postes dans les Institutions à Kinshasa, il répond oui mettant cependant malignement en avant son plan de paix qui en est la condition.

Dans un «Condensé du cahier de charges du Congrès National pour la Défense du Peuple» signé à Bwiza, Nord-Kivu, le 30 décembre 2006, le Général de Brigade Laurent Nkunda Mihigo, réclamait au point 8 ce qui suit: «Mettre en oeuvre la loi d’amnistie déjà votée et promulguée et annuler les mandats d’arrêt émis sans fondement et nuisibles à la réputation des victimes».

Et, en voie de quoi, le CNDP «en guise de bonne foi se déclare disposé à observer un cessez-le-feu permanent pour tester la bonne volonté du régime en place d’engager un processus démocratique véritable dans l’esprit et la lettre de ce qui vient d’être dit».

Ainsi, poursuit le texte, le CNDP «adhère sans réserve à la position de tous ceux qui, comme l’Afrique du Sud, la MONUC et des forces politiques et sociales congolaises, appellent à une solution politique négociée de la crise actuelle, car à l’évidence, la solution militaire a montré toutes ses limites».

Dans son plan de paix, Nkunda offre des propositions.

«Au niveau du CNDP, nous disons qu’il faut mettre chacun à sa place. Nous ne venons pas seulement discuter des postes, nous apportons un savoir-faire qui a manqué au Gouvernement. Nous avons fait montre de notre savoir-faire en réussissant la réconciliation partout où nous sommes présents. Nous avons fait montre de notre savoir-faire dans l’organisation de l’armée et même dans la sécurisation du territoire. Voilà pourquoi, nous disons que ce n’est pas seulement une question de partage des postes, mais c’est aussi une question de négocier les capacités. Nous disposons d’une expertise capable d’aider ce Gouvernement à aller de l’avant. Nous sommes prêts à la mettre à la disposition de qui de droit».

Mais le général explique que dans ces négociations, son ancien mouvement politico-militaire du RCD-G n’est nullement concerné.

«Le RCD est déjà au Gouvernement. Il a fait alliance avec l’AMP même s’il n’a pas obtenu un poste ministériel. Puis, le RCD a participé au Gouvernement pendant les trois années de la transition. Nous, nous n’avons rien eu».

«Le CNDP n’a aucun lien avec le RCD. Nous avons un lien du passé du fait d’avoir été général au RCD. Certains aspects de notre cahier reprennent des revendications partagées à l’époque avec la direction du RCD. Le RCD s’en est détourné dès qu’il est arrivé au pouvoir. Nous, nous continuons encore à nous battre pour en obtenir la matérialisation. Il n’y a pas de collaboration entre le CNDP et le RCD. Nous sommes autonomes. Il faut rappeler que nous avons connu des contradictions presqu’irréductibles avec les membres de la direction du RCD, même avec Ruberwa (…). On s’est battu en 1998 contre les anti-valeurs. Ces anti-valeurs ont continué avec la transition. On s’est battu pour que les réfugiés reviennent au pays, pour qu’il y ait réconciliation. En la matière, le RCD n’a rien fait avancer».

Êtes-vous Nkunda ou Nkundabatware?
Mon nom est Laurent Nkunda Mihigo. Le patronyme Nkundabatware existe dans le langage kinyarwanda mais je ne le porte pas. Ceux qui me le collent veulent me caricaturer.

À Kigali, la Capitale rwandaise, qu’avez-vous négocié avec Kinshasa?
Nous avons remis un cahier de charges aux autorités. Ce cahier est très simple. Nous négocions la paix et non pas les postes comme cela s’est passé à Sun City. Nous avions entamé les discussions avec l’objectif d’arriver à un protocole exécutoire pour toutes les parties.

Qui était votre interlocuteur côté Kinshasa dans ces négociations?
Le général John Numbi.

Un accord a-t-il été signé à cette occasion?
Il n’y a pas eu d’accord écrit mais ce que nous appelons un «gentleman agreement» qui a permis la mise en route du mixage. Entre hommes d’honneur, un engagement verbal pris devant témoins vaut autant qu’une signature. Nous croyons que ceux qui dirigent ont un sens élevé de l’honneur pour rester liés à la parole donnée. Le général Numbi s’est engagé et a promis que le volet politique allait être discuté plus tard avec ceux qui ont en la compétence.

Qui a sollicité la médiation de Kigali?
C’est Kinshasa.

N’aviez-vous pas été consulté par Kinshasa?
Après l’accord entre Kinshasa et Kigali, les deux parties ont demandé au général James Kaberebe de me contacter. Ce dernier m’a appelé et m’a proposé de me rendre à Kigali pour rencontrer le général John Numbi. Il m’a été dit que Kinshasa veut parler avec moi pour mettre fin à la guerre. J’ai accepté de faire le déplacement. Le CNDP se bat pour une solution à un problème spécifique. Le Rwanda m’a envoyé un hélicoptère et je suis parti à Kigali.

Peut-on savoir plus sur le plan de paix du CNDP?
Nous avons un plan de paix pour la RDC. Nous pensons qu’on ne peut pas résoudre les problèmes du Congo sans penser à la paix. Il s’agit plus d’une vision globale sur la paix que nous présentons à la suite d’une analyse des problèmes à la base de différentes guerres que nous avons connues.

Ce plan porte-il sur l’Est ou s’intéresse-t-il sur tout le pays?
Nous parlons de la République démocratique du Congo dans son ensemble. Pour qu’il y ait la paix, nous pensons que les problèmes doivent être résolus de manière globale. C’est dans cette optique que nous voulons négocier. Donc, nous devons considérer le problème sécuritaire comme un problème global. Bien sûr, les entités peuvent avoir des problèmes particuliers. Cependant, les problèmes ne doivent pas être résolus individuellement.

Hormis l’Est, quelles autres parties du pays sont concernées par votre plan?
Nous avons épinglé le conflit du Bas-Congo né de la répression d’une manifestation de Bundu dia Kongo avec mort d’hommes. Il est fait état de la situation sécuritaire de l’Ituri. Tout comme du conflit séculier Kasaï-Katanga, Baluba-Balubakat… Tous ces conflits montrent qu’il y a véritablement un problème de réconciliation nationale.

Vous parlez d’un problème fondamental, l’intégration sociale. Pensez-vous que le 1+4 n’a pas réussi à créer une cohésion nationale, à réconcilier les Congolais?
S’il y avait réconciliation, on ne serait pas là où nous sommes aujourd’hui. Il y a des déchirures partout, même pour des petits incidents.

Croyez-vous que la question Tutsie n’a pas trouvé de réponse? Des représentants Tutsis s’étant retrouvés au sommet de l’État, n’est-ce pas une réponse au problème d’intégration sociale?
Qui sont ces représentants des Tutsis?

Vous n’ignorez pas l’ancien vice-président de la République Azarias Ruberwa…
Ruberwa a été là au nom du RCD et non des Tutsis. Aussi longtemps que les Tutsis sont dans les camps des réfugiés en Ouganda, en Tanzanie et au Burundi, il ne faudra pas dire qu’ils ont des représentants à Kinshasa. Tout ce qu’on pouvait faire pour eux, c’est de les ramener au pays.

Faites-vous du retour des réf ugiés Tutsis au pays une condition à la réconciliation nationale?
Tout à fait. Comment voulez-vous parler de réconciliation quand certains compatriotes sont contraints de vivre en dehors du pays et dans des conditions infrahumaines? Réconciliation signifie cohabitation pacifique. Elle ne peut se réaliser en l’absence d’une ou des autres composantes de la communauté. Les Tutsis ne peuvent pas être au Congo aussi longtemps que les FDLR Interahmwe trouvent des alliés sur place. Il faut que le Gouvernement congolais cesse de collaborer avec les Interahamwe et qu’il les mettent hors d’état de nuire. Alors, les Tutsis vont trouver un terrain et se réconcilier avec eux-mêmes et avec leurs frères congolais.

Selon vos chiffres, combien de réfugiés Tutsis vivent aujourd’hui à l’étranger?
Il y a ceux qui sont dans des camps de réfugiés et d’autres qui vivent en dehors des camps. Il y a également ceux qui se sont naturalisés parce qu’ils ne veulent plus revenir au pays. Au Rwanda, Burundi et en Ouganda, on dénombre à peu près 80.000 réfugiés tutsis.

Ces chiffres ne seraient-ils pas gonflés?
Pour quel intérêt le ferions-nous? Qui peut accepter d’aller vivre dans un camp de réfugiés au moment où il a un pays? Nous considérons que tous ceux qui ont accepté de faire 10 ans dans un camp des réfugiés sont vraiment des Congolais parce qu’ils ne sentent pas chez eux.

Vous proposez un plan de paix au moment où le mixage a échoué…
Le mixage n’a pas encore échoué. Nous avons fait un premier bilan de cinq mois. Il est négatif, certes. Mais cela ne veut pas dire échec. L’échec signifie qu’il n’y a pas de recours. Je dis que le bilan est vraiment négatif parce que le comportement que certains ont affiché n’a pas permis de réaliser tout ce qui était prévu.

Comportement affiché par vous et le Gouvernement…
Je parle de nous parce que nous sommes les partenaires du Gouvernement. J’assume même si mon interface n’a pas eu un comportement responsable. Nous sommes deux parties engagées dans la réalisation du projet et nous pouvons qu’être comptables devant l’histoire les uns les autres.

Donc, le mixage est au point mort aujourd’hui…
Je dirai oui parce que le processus a été interrompu. La mise en place de la VIème brigade mixée n’a pas été réalisée. Ce qui fait que les combattants localisés dans le Sud-Kivu et le Grand Nord, à Beni et Butembo, restent encore en marge de l’intégration de l’armée nationale.
Plus rien n’avance depuis que mon interlocuteur, le général John Numbi, est reparti à Kinshasa. Je n’ai aucune suite depuis et je ne sais pas ce qu’il planifie. Je n’ai plus de contact avec lui depuis plus de deux semaines. Il faut se flatter de la bravoure des brigades mixées. Elles ont réalisé beaucoup d’exploits sur le terrain.

Que vous a dit le général Numbi la dernière fois que vous vous êtes rencontrés?
Il m’a fait comprendre que le Gouvernement fait face à beaucoup d’urgences à Kinshasa. Il avait évoqué les préparatifs de la commémoration de la date du 17 mai dont il avait la charge. Par la suite, il a avancé d’autres urgences à résoudre au niveau de l’état-major général de l’armée. Je reste optimiste. Si le Gouvernement a débloqué des fonds supplémentaires pour la ration des unités mixées, c’est signe qu’il ne s’est pas détourné complètement de ses engagements. Il y a donc lieu de nuancer le terme échec. Cela me laisse à penser que Kinshasa prend peut-être le temps d’évaluer avant de continuer.

La reprise de la guerre n’est-elle pas proche après les déclarations du ministre de la Défense Tchikez de se transformer en «ministre de la guerre», menace proférée à l’endroit d’un de vos commandants, celui de la brigade mixée de Rutshuru, Sulutani Makenga?
J’ai réagi vigoureusement à cette menace par une correspondance que j’ai adressée au Chef de l’État. Quand un ministre fait une telle déclaration, cela veut dire qu’il ne mesure pas la grandeur de sa mission. Peut-être qu’il était hors de lui au moment où il a fait cette déclaration!

Avez-vous depuis reçu la réponse du Chef de l’État?
Je n’ai encore rien reçu. La lettre a été expédiée, il y a à peine une semaine.

Avec l’image des unités mixées à Goma, pensez-vous que Kinshasa pourrait se montrer réceptive à votre égard?
L’image dont vous parlez est falsifiée de manière délibérée par ceux qui sont opposés au mixage. Partout où elles sont déployées, les unités mixées ont plutôt une très bonne presse. Il n’y a qu’à voir leurs réalisations sur le terrain. À Kinshasa, des stéréotypes du même genre circulent sur les unités mixées. Les gens n’ont pas l’information, la vraie.

Quels exploits à mettre au compte des unités mixées?
Il faut considérer que l’Ituri était inaccessible. C’était un bastion des FDLR/Interahamwe. Tout comme une grande partie de Masisi. Il était impossible de faire le trafic entre Goma et Butembo. Les convois étaient attaqués régulièrement par les coupeurs de routes. Chaque jour, c’étaient des tueries, des pillages. Le parc de Virunga était en voie de disparition à la suite d’une terrible aggravation du braconnage avec la présence des FDLR alliés aux Maï Maï.
Le déploiement des unités mixées a nettoyé Rutshuru des foyers des FDLR. Le trafic a été rétabli entre Goma-Beni-Butembo. Le parc de Virunga se remet petit à petit. Les animaux, notamment les gorilles reviennent. Les hippopotames sont à nouveau visibles au lac à Vitshumbi. Selon nos statistiques, beaucoup d’animaux sont partis en Ouganda. Sur la route de Busendu, les pillages ont cessé depuis deux mois. Il y a bien de choses qu’on peut dire et qui sont vérifiables.

Mais il y a la pêche illégale à Vitshumbi en dépit de la présence des unités mixées…
Si cette pêche illicite se poursuit, c’est parce que la coordination entre les différents services installés sur place n’est pas encore effective. La complexité de la question tient au fait que des autorités locales sont elles-mêmes impliquées dans cette pêche illégale. C’est au Gouvernement d’établir une collaboration entre les unités mixées et les gardes du parc. Les unités marines doivent être aussi mises au pas. Ce sont elles qui favorisent la pêche illicite. La responsabilité incombe donc au Gouvernement.

Puisque vous parlez du Gouvernement, quels sont vos rapports avec lui? Qui a donné l’ordre de traquer les Interahamwe aux unités mixées. Le gouvernement ou vous-même?
Au lancement des premières brigades mixées, le général John Numbi a affirmé clairement que ces brigades avaient, entre autres missions, de traquer les Interahamwe. Il avait parlé au nom du Président de la République, selon ses propres termes.
Qu’il eut été là comme plénipotentiaire du chef de l’État suffit déjà à certifier que la mission de neutraliser les FDLR est venue de l’autorité compétente en la matière. Cette mission tire son fondement de l’accord conclu à Kigali. Il a été entendu que les unités seront chargées de la sécurisation de l’Est en mettant hors d’état de nuire tous les groupes armés qui y sèment le désordre et l’instabilité, principalement les FDLR.

Dans cette traque des FDLR, qu’avez-vous déjà réalisé et qu’est-ce qui reste à faire?
Nous avons démantelé beaucoup de positions des FDLR. Dans le Rutshuru, il y avait des positions qu’ils avaient baptisés des toponymes du Rwanda. Par exemple, non loin de Katshuguru, il y avait une position dénommée Kigali. Il y avait aussi une position appelée Kabuga. Aujourd’hui, Kanyabayonga et Rutshuru sont sécurisés. Nous avons démantelé toutes les positions FDLR à Kahubiro, près de Kibirizi, à Kirama, près de Bambo. Ce sont des positions qui dataient de 2000. Nous avons aussi mené des opérations à Irula, Kalembe, Bibwe, Katoyi dans le Masisi ainsi qu’à Kiugi et Remeka connus comme bastions des FDLR.
Ce qui reste à faire maintenant, c’est de penser à Walikale, précisément à Kibwa où les FDLR ont placé leur état-major général. Nous sommes déterminés à les poursuivre jusque-là. Mais pour y aller, il faut de la logistique. Il faut augmenter les effectifs des unités mixées et renforcer leurs capacités opérationnelles. Ce que nous, nous avons réalisé, la MONUC y a failli depuis des années sous prétexte que l’usage de la force ne réglerait rien. Avec un peu de moyens, nous pouvons faire encore plus.

Quand pensez-vous lancer l’attaque contre le QG des FDLR?
Cela dépendra des moyens que le Gouvernement mettra à notre disposition. Nous attendons… Si la logistique suit, il suffira d’une semaine pour ne plus entendre parler de l’état-major des FDLR à Walikale.

Le Gouvernement n’a-t-il pas déjà donné des moyens? Comment se déroulent alors les opérations entreprises contre les FDLR?
Les moyens ne sont pas suffisants. C’est même insuffisant. Seulement, on essaie de faire avec. Nous avons appris à travailler avec les moyens de bord. Nous n’avons pas de choix d’autant que la cause nous concerne nous-mêmes. Il y va de notre avenir. Il faut qu’on le fasse.

N’est-ce pas à la demande du Rwanda que vous menez les attaques contre les Interahamwe?
Je ne sais pas pourquoi certains affirment cela. Si les FDLR restent un problème pour le Rwanda, ils les sont davantage pour le Congo. Qui sont ces femmes et ces filles qui sont violées chaque jour? Et les ressources qui sont pillées chaque jour? Qui en paient le tribut? Ce sont les Congolais. Les FDLR n’occupent aucune portion du territoire rwandais. Ils sont chez nous, au Congo.
Faut-il une injonction du Rwanda pour que des Congolais prennent conscience du danger et s’engagent à l’éloigner du territoire national? Dire que c’est le Rwanda le commanditaire, c’est fuir ses responsabilités. Pire, c’est même un déni de la souveraineté du pays et de son existence même. Faut-il être nécessairement Rwandais pour comprendre que les Interahamwe ont fait du mal au Rwanda? Le génocide n’est-il pas un crime imprescriptible dans le monde?

Si les moyens sont disponibles, combien de temps faudra-t-il pour liquider complètement le phénomène FDLR sur le territoire congolais?
Ce n’est pas facile de dire qu’on va liquider le phénomène FDLR. Ce sont des militaires. Ce qu’il faut au départ, c’est une volonté politique et une approche claire et bien définie. Quelle est l’approche que nous avons de la présence des FDLR au Congo?
Si tous les Congolais comprennent que la présence des FDLR est une menace à la sécurité nationale et que tout le monde s’y engage, nous allons les placer, dans un bref délai, dans les camps de réfugiés comme Rwandais et envisager leur retour au Rwanda. Ne parlons pas de liquider, mais plutôt de finir avec le phénomène. On peut en finir militairement ou politiquement avec l’implication de la communauté internationale qui nous a emmené les FDLR.

Certains de vos services parlent de complicité entre certaines autorités de Kinshasa et les FDLR. Le confirmez-vous?
Je le confirme. Je détiens des preuves à ce sujet. Lors de la bataille de Sake, nous avons fait prisonniers des éléments FDLR qui combattaient aux côtés des troupes gouvernementales. Certains sont encore ici.
Ils ont collaboré. Si le commandant de la IXème brigade, le colonel Mayanga a été rappelé à Kinshasa, c’est à cause de sa collaboration notoire avec les FDLR. Les FDLR ont été les alliés de Kinshasa dans la guerre contre le RCD. Ce lien demeure. Dernièrement, les FDLR ont tiré sur le Rwanda à partir d’une position de la IXème Brigade des FARDC.

Avez-vous fait part au général Numbi de vos allégations sur la collaboration entre FARDC et FDLR?
Tout à fait. Je l’ai fait.

Qu’a-t-il répondu?
Il m’a promis que tout cela allait finir. Il m’a avoué qu’il y avait des gens à Kinshasa qui entretiennent les FDLR. Je l’ai cru. En tout cas, mises à part les unités mixées, toutes les autres unités des FARDC ne font pas la guerre aux FDLR. Voilà pourquoi au Sud-Kivu, ils sont maîtres à Walungu, Lubirizi, Uvira, Sange… Personne ne les touche. Au contraire, ils collaborent. Ils sont ensemble…

Reste à savoir si le gouvernement est informé…
De ce qui se passe? Toutes les autorités qui empruntent cette route les voient. Ils ont placé des barrières partout. Ils font payer des taxes… mais personne ne le dit ou ne le dénonce. Si on me demande d’aller à Walungu pour en finir avec les FDLR, je le ferai volontairement, je le ferai avec tout le courage. Walungu c’est chez moi. Ce qui se passe là-bas est inacceptable.

Vous êtes le gendarme anti-FDLR? Leur terminatore?
Je suis contre toute personne qui menace la paix de ce pays et de ses populations. La même affection pour l’Ituri et Beni-Butembo. Le thème de paix est présent partout en R-dC. À part dans les milieux qui ne parlent pas. C’est nous qui avons mis fin au conflit interethnique en Ituri. C’est nous qui avons réconcilié les Lendus et les Hemas.
Et, militairement, nous avons collaboré avec le MRC et le FNI. C’est à notre initiative que Peter Karim est descendu à Fataki et nous lui avons demandé d’arrêter et d’attendre le mixage. C’est nous qui avons fait cette paix. À Beni, nous sommes avec le général Kakolele Bwambale qui était le chef des opérations à Lubero. Nous avons demandé aux jeunes Maï Maï qui dérangent partout d’attendre que nous venions les sortir de la brousse.

Est-ce à dire que le processus de mixage s’étendra dans toute ces parties?
Nous avons proposé un concept qu’on appelle mixage et nous l’avons défendu techniquement. C’est question de voir ce que cela va apporter comme résultat. Si on évalue l’action du brassage et du mixage, je crois qu’on peut choisir clairement le mixage.

Donc le général Laurent Nkunda propose d’étendre le mixage en Ituri, à Beni-Butembo, à Walungu et dans le reste du Sud-Kivu?
Le brassage a tenu compte du terrain. Mais, nous, nous avons proposé le mixage qui est vraiment technique et bien étudié. C’est un système qui répond aux besoins des Congolais et aux réalités du terrain. Le mixage nous a donné les premières unités capables de déloger les FDLR.
Dans le Rutshuru, les unités brassées ont plus cohabité avec les FDLR faute de capacité opérationnelle. Nous disons que si ce processus de mixage a réussi en quelques mois seulement et qu’il a démontré son efficacité sur le terrain, il faut continuer. C’est à peu près ce qui entrain de se faire en Côte d’Ivoire.

Certains trouvent que le mixage bloque le processus d’intégration du fait que les troupes mixées restent dans leurs fiefs en gardant leurs anciennes allégeances au détriment de l’armée nationale…
Il faut faire la différence entre l’intégration et le mélange. Mélanger ne signifie pas intégrer. L’intégration est un phénomène psycho-social. C’est très important de le souligner et c’est différent de mélanger les gens.

Comment arriver à l’intégration?
Si vous voulez que les militaires qui se battent soient ensemble, il faut qu’ils se fassent confiance. S’il n’y a pas confiance, les unités peuvent rester ensemble sans être capables d’opérer ensemble. C’est un problème d’idéologie. S’il n’y a pas d’idéologie, il n’y a pas d’armée. Le processus de mixage amène les militaires à vivre ensemble, à former un ensemble. On les y amène avec un dur travail qui pousse à unir les forces et à cristalliser ainsi la complémentarité, donc la cohésion dans le groupe.

La confiance règne-t-elle dans l’armée congolaise?
Elle n’existe pas puisqu’on s’est contenté de mélanger les gens. L’intégration de l’armée doit être le produit de l’intégration sociale. S’il n’y a pas intégration dans la société, il n’y aura point d’intégration dans l’armée. Un exemple: les unités du MLC, du RCD et de l’ex-Gouvernement ont été mises ensemble.
Aujourd’hui, leur intégration n’a pas résolu les problèmes de fond pour lesquels ces armées se battaient. Ces hommes se maintiennent toujours dans la guerre même si les uns et les autres sont ensemble avec leurs anciens ennemis. Voilà le problème! Pour intégrer l’armée, il faut aussi intégrer les problèmes. Est-ce qu’on a fait la rébellion pour le plaisir de le faire seulement? Est-ce que le MLC existe pour exister seulement? Est-ce que le CNDP existe pour exister seulement? Non. C’est dire qu’il y a un problème. Si on n’intègre pas ces problèmes, on n’arrivera pas à intégrer l’armée.

Un étudiant a été assassiné sur la route qui traverse le parc. Ses camarades rapportent qu’il a été tué par vos hommes qui lui reprochaient sa collaboration avec les Hutus des FDLR. Que répondez-vous à ces accusations?
Il s’est agi d’une embuscade où deux éléments d’une brigade mixée ont aussi trouvé la mort. Ils escortaient les commerçants en provenance de Butembo pour Goma. Quelques jours après, nous avons encore perdu six militaires dans les mêmes conditions.

Combien de militaires avez-vous perdu depuis le début des opérations?
Nous avons perdu une douzaine de militaires.

Et les pertes du côté de l’ennemi…
Quand nous délogeons trois brigades ennemies, c’est de lourdes pertes dans les rangs des FDLR. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, surtout des officiers supérieurs. Nous avons aussi fait beaucoup de prisonniers de guerre.

Combien de prisonniers avez-vous à ce jour fait?
À Rutshuru, la brigade Bravo a remis une dizaine de prisonniers à la MONUC. Une autre dizaine est en instance d’être livrée à la MONUC.

On a dit beaucoup sur Bukavu. Combien d’hommes ont participé à l’assaut contre le général loyaliste Mbudza Mabe?
Je suis descendu à Bukavu avec 2.000 hommes.

N’auriez-vous pas quitté Bukavu sous la pression de Kigali?
Voilà encore un mensonge. Je suis allé à Bukavu avec une mission. Ce n’était pas pour prêter main forte au colonel Jules Mutebutsi, mais pour sauver les Banyamulenge qu’on tuait sous prétexte qu’ils étaient frères à Mutebutsi.
Il y a eu un conflit entre le commandant région et son adjoint. Celui-ci a été généralisé au niveau de toute la communauté Banyamulenge. J’ai sécurisé la ville pendant deux jours, le temps d’évacuer tous les Banyamulenge vers le Rwanda. J’ai considéré à partir de ce moment-là que ma mission était terminée. J’ai regagné Goma et le lendemain Mbudza Mabé a repris la ville. Je n’ai pas subi des pressions.

J’ai juste eu un contact téléphonique avec le patron de la MONUC, l’ambassadeur Swing.

Etes-vous conscient que l’épisode de Bukavu a terni votre image ailleurs comme à Kinshasa?
Je ne pense que mon image soit ternie. Pour les 1.500 personnes que nous avons sauvées à Bukavu, mon image reste celui d’un sauveur.

Et, si aujourd’hui, d’autres Banyamulenge étaient attaqués…
Je reste disposé à aider et à sauver les victimes de l’intolérance. Je me suis battu au Rwanda en 1994 contre le régime de Juvénal Habyarimana. Je me bats au Congo pour la même cause. Si on m’envoie ailleurs pour une cause semblable, je suis prêt à le faire. Aujourd’hui, je me bats dans le Rutshuru, à Masisi et à Walikalé. Il n’y a pas des Banyamulenge là-bas. Nous nous battons pour que ce peuple respire et soit protégé.

Etes-vous prêt à vous soumettre vous-même au mixage?
Je suis disposé. Je n’attends qu’arrive mon tour. Encore faut-il savoir avec quel grade! Je porte les galons de général de brigade depuis 2003. Le Gouvernement a confirmé mon grade avant qu’une réunion du Conseil des ministres décide ma déchéance de l’armée. Mais je n’ai jamais été notifié sur cette déchéance. Donc, je détiens encore mon grade. Sauf si on me gratifie d’une autre promotion…

Et pour vos officiers supérieurs?
Le grade est un droit en fonction des prestations. On ne peut pas donner des grades à des personnes qui n’ont pas de niveau. Ils ont mérité ces grades. Je ne pense pas qu’il soit question de les dégrader. Nous attendions d’en discuter dans le cadre des négociations inaugurées à Kigali…

Combien d’hommes comptait le CNDP avant le mixage?
On avait principalement dans ce qu’on appelle le Petit Nord à peu près 8.000 hommes. Il y en a d’autres au Grand Nord et au Sud-Kivu.

Combien dans le Grand Nord et dans le Sud-Kivu?
Je ne peux pas avancer des chiffres exacts. Au Sud-Kivu, si l’on prend les troupes de Raia Motumboki à Shabunda et l’ex-Mudundu 40, cela fait un total de plus de 3.000 hommes qui sont encore là.

Et dans le Grand Nord?
Dans le Grand Nord, il y a 1.500 hommes de troupe.

Existe-t-il des alliances formelles entre le CNDP et les différents groupes armés auxquels vous faites allusion?
Les chefs militaires de ces groupes sont ici. Le général Kakolele Bwambale est ici. Le général Konga Kanape Lambert est également ici. C’est lui qui représente Shabunda, Mwenga avec Rayiya Mutomboki. Le colonel Odilon, le chef militaire du Mudundu 40, est ici. Nous sommes engagés dans la même lutte.

Votre cahier des charges prend-il en compte les revendications de tous ces groupes au nom du CNDP?
Nous nous présentons déjà comme une organisation avec une seule voix depuis longtemps. Il y a même une délégation qui s’est rendue dans le Sud-Kivu. Cela a provoqué beaucoup de remous et nous avons dû rappeler la délégation. Le colonel Eric Rihombere est allé à Minembwe pour inspecter les troupes de Bisogo. Ces troupes ont été sensibilisées à accepter le mixage. Elles sont même venues jusqu’à Ruberizi. C’est le gouvernement qui a arrêté le processus.

Combien d’hommes du CNDP ne sont pas encore passés au mixage?
A peu près 2.000 hommes qui n’ont pas été mixés. Ils devaient intégrer la future 6ème brigade. Celle-ci devait comprendre deux bataillons des hommes du CNDP. Dans ces 2.000 hommes, nous disposons d’un bataillon d’état-major qui assure ma garde rapprochée.

Si un jour vous vous impliquez dans les institutions, que deviendrait votre garde rapprochée?
Nous ne voyons aucun inconvénient. Dans ce cas de figure, qu’il nous soit commis une garde républicaine. Ca sera une garde mixée. Pas une garde personnelle, mais de fonction.

D’où le CNDP tire-t-il le financement pour entretenir tous ses hommes de troupe?
Nous sommes bien implantés dans le Masisi et ce n’est pas un pays pauvre. Cette partie de la République regorge d’énormes richesses naturelles. Nous disposons de grandes fermes sur place. Je suis moi-même un grand propriétaire fermier. La population est avec nous. Elle nous assiste. Nous vivons aussi des cotisations de nos membres. S’il y a des difficultés pour payer la solde, nos militaires n’ont jamais manqué à manger.

Ce n’est pas avec l’assistance de la population et les cotisations que le CNDP a pu faire face à des dépenses qui se chiffrent en millions de dollars…
Nous sommes partis avec des armes et des munitions que nous avions avec le RCD à Bukavu. J’ai ramené cinq camions pleins d’armes et de munitions de Bukavu. Je les garde encore. Nous nous ravitaillons souvent sur le terrain. Les forces gouvernementales abandonnaient armes et munitions. Quand ces forces battent en retraite, elles ne peuvent tout transporter. C’est une technique de ravitaillement dans une guérilla.

Aucun soutien d’une puissance amie, le Rwanda?
Nous n’avons reçu aucun appui.
MICHEL MUKEBAY NKOSO.

Son cachier de charge en exclusivité
Textuel: «Le gouvernement doit prendre la mesure de la gravité de la menace qui pèse sur le pays, si la réconciliation nationale et interethnique n’est pas réalisée. Pour éviter l’irréparable, il faut maintenir, renforcer et redynamiser la «Commission, Vérité et Réconciliation» puisque sans elle, aucune action gouvernementale ne saurait aboutir, ni sur le plan de la paix, de la sécurité, de la stabilité, ni sur celui du développement et du bien-être, la Réconciliation Nationale et Interethnique doit constituer pour le gouvernement de la République la priorité des priorités. Pour commencer, il faut réaménager le budget de l’État de telle manière que l’essentiel des moyens financiers disponibles soit affecté au moins à hauteur de 25% à cette priorité sans laquelle aucune entreprise gouvernementale d’aucune sorte ne saurait réussir. Cette priorité s’étendra sur toute la durée de la mandature, soit cinq ans».
C’est le CNDP, mouvement politico-militaire du «Général de Brigade» Laurent Nkunda Mihigo qui l’écrit dans une brochure A4 parfaitement reliée, et plastifiée avec couverture cartonnée sur papier bois qui en dit long sur le sérieux de ces «propositions du Congrès National pour la Défense du Peuple en vue de la consolidation du processus de paix en RDC».
Le document est daté mars 2007, Bwiza et signé le 1er mars par Nkunda lui-même, Général de Brigade, au titre de «Chairman». Le général est à la tête de la Direction Politique du CNDP.
Le cachet du CNDP est inspiré des armoiries du mouvement que domine un aigle…

Dans ses «propositions» – un véritable cahier de charges -, le CNDP suggère – est-ce le mot qui convienne.? – «la création des pôles de rapprochement citoyen».

«Il y en aura autant qu’il y a des foyers de tensions interethniques ou politiques, mais la priorité sera accordée aux foyers de tension du Sud-Kivu, Nord-Kivu, de l’Ituri, de Kinshasa et du Bas-Congo», écrit le texte. Il faut aussi «élaborer un programme d’éducation civique, politique et historique qui sera dispensé à la jeunesse, aux cadres territoriaux, aux militaires, aux policiers, aux services spéciaux, aux magistrats, aux fonctionnaires etc, ainsi que le calendrier approprié. Les lieux d’éducation seront choisis selon les groupes cibles». Et penser àp la création des «Centres de convivialité pour les jeunes, et les Territoriaux». Le CNDP appelle à l’élaboration d’une «loi pour réprimer les attitudes, les propos, les comportements et les actes racistes, exclusivistes, ethnicistes, tribales et xénophobes».

Quant à l’armée, le CNDP appelle à la mise en place d’une réforme.

«Le volet purement militaire reviendra au Conseil Supérieur de la Défense en ce qui concerne le côté technique et opérationnel et au Parlement en ce qui concerne les textes légaux nécessaires».

«Le CNDP a des propositions concrètes dans ce domaine. Elles feront l’objet d’un texte séparé», écrit le texte. Signe que le mouvement se présente désormais fortement comme un interlocuteur légitime face au Gouvernement et au Parlement.

Si son cachier de charges est pris en compte, le CNDP, dans une déclaration signée le 30 décembre 2006 dans la même localité de Bwiza, se déclare, «en guise de bonne foi», «disposé à observer un cessez-le-feu permanent pour tester la bonne volonté du régime en place d’engager un processus démocratique véritable dans l’esprit et la lettre de ce qui vient d’être dit.

Ainsi, poursuit le texte, le CNDP «adhère sans réserve à la position de tous ceux qui, comme l’Afrique du Sud, la MONUC et des forces politiques et sociales congolaises, appellent à une solution politique négociée de la crise actuelle, car à l’évidence, la solution militaire a montré toutes ses limites».

Ci-après:

I. CONSTAT.
01. En dépit du fait que la Transition soit achevée et que le processus électoral y soit parvenu presque à son terme (il reste les élections urbaines, municipales et locales), de toute évidence, la paix demeure gravement troublée en RDC. Seuls les niveaux d’insécurité diffèrent d’un coin à l’autre du pays. C’est dire que processus électoral et processus démocratique ne coïncident pas toujours, même si, bien entendu, le premier est la condition «sine qua non» du second.

02. Le processus démocratique implique, en effet, l’instauration et la garantie par l’État impartial, mais aussi l’appropriation civique par les administrés des fondamentaux démocratiques qui se nomment: paix, sécurité, stabilité, promotion et respect des droits humains et des libertés publiques, égalité de tous devant la loi et égale protection de tous par la loi, primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers, développement et bien-être de la population etc.

03. Par conséquent, si l’esprit démocratique n’est pas au rendez-vous du processus électoral, il serait vain et illusoire de croire que la paix s’installera par le seul fait des élections. Pire, si celles-ci n’ont pas pour résultat d’installer et de faire progresser les fondamentaux de la démocratie, la remise en cause de la légitimité des institutions et de leurs animateurs issus des urnes est inévitable. Ainsi, en RDC, les élections présidentielles, législatives et provinciales ont eu lieu et ont permis l’installation de nouvelles institutions nationales et de leurs animateurs. Mais rien n’indique, jusqu’ici, que la démocratie en soit sortie gagnante autrement que sur le plan purement formel. Deux exemples parmi les plus frappants: le premier illustre la dérive centralisatrice – donc anticonstitutionnelle – du gouvernement qui s’obstine à refuser le partage -pourtant constitutionnel – des ressources financières entre l’État et les Provinces, avec pour effet de priver celles-ci des voies et moyens d’un développement plus assuré, parce que plus proche des citoyens.

04. Le second démontre la carence ou l’indifférence du gouvernement face à la nécessité de rapatrier les Congolais réfugiés dans des pays voisins depuis plus d’une décennie. Il suffirait, en effet, qu’il prenne l’initiative de la signature des Accords tripartites prévus en la matière pour que le HCR dispose d’instruments juridiques nécessaires en vue de procéder à ce rapatriement au moyen des fonds prélevés sur son budget propre. Il s’agit, par conséquent, de citoyens discriminés par un gouvernement qui a pour vocation et mission de les protéger. La raison d’être d’un tel gouvernement paraît, dès lors, de moins en moins probante et un tel comportement favorise naturellement l’émergence des frustrations, elles-mêmes génératrices des insécurités.

05. Dans certaines entités territoriales de la RDC – Province du Nord-Kivu, Province du Sud-Kivu, Province Orientale – l’insécurité est devenue quasi-structurelle, en ce sens qu’à force de durer et de faire de plus en plus mal, jour après jour, elle a fini par imprégner et asseoir au quotidien au sein des populations concernées les réflexes, les comportements, les relations sociales, les opérations économiques et commerciales, etc. Ces trois entités territoriales ont en commun d’être celles où, de façon permanente, l’intolérance, l’exclusion, les oppositions interethniques les plus exacerbées et le refus de cohabitation pacifique ont élu domicile. Mais aussi, elles sont celles où opèrent avec la plus grande violence et la plus insupportable barbarie des groupes armés étrangers en situation de rébellion à l’égard de leurs pays respectifs qui sont aussi parmi nos plus prochains voisins. Il s’agit de: FDLR/ex-FAR/lnterahamwe du Rwanda, ADF/NALU et LRA de l’Ouganda, FNL-Palipehutu du Burundi.

06. Dans d’autres parties du pays, l’insécurité revêt un caractère plutôt conjoncturel.
– Ainsi, depuis les pillages de 1991 et 1993 et le massacre des Chrétiens de 1992, en pleine Conférence Nationale Souveraine (CNS), la ville de Kinshasa, à la veille ou au lendemain de chaque échéance politique, tend à devenir le théâtre de violences de plus en plus meurtrières.
– La Province du Katanga, à la même époque de la CNS, a connu une épuration ethnique dirigée par Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, l’actuel président de l’Assemblée Provinciale contre les non-originaires, en particulier les Baluba ressortissants du Kasaï. Ces derniers avaient déjà connu les mêmes pogroms, à une échelle plus vaste, lors de la sécession katangaise, au lendemain de l’indépendance, le 30 juin 1960. Cette menace-là n’est pas définitivement écartée, mais encore la rivalité entre Balubakat et «Katangais utiles» ne met pas la Province à l’abri d’éventuelles secousses porteuses de drames humains. Sans parler des groupuscules armés de la mouvance Maï-Maï qui ont mis à sac, il y a peu, le nord de la province et des représailles FARDC qui se sont ensuivies (cfr les exactions contre les populations de Kilwa).
– Plus récemment, la Province du Bas-Congo a été confrontée à des violences meurtrières d’une ampleur qui lui était jusqu’alors inconnue. Elles sont dues à l’apparition d’un mouvement à caractère politico-religieux et à visées probablement autonomistes, à moins qu’elles ne soient irrédentistes.
Le Bundu-dia-Kongo (BDK), puisqu’il s’agit de lui, a été, par deux fois, l’objet d’une répression sanglante de la police et de l’armée qui ont utilisé des moyens disproportionnés pour en venir à bout. Le BDK n’a probablement pas fini de faire parler de lui.
– Dans la province de Bandundu, les récentes revendications territoriales angolaises en territoire de Kahemba ne sont pas pour rassurer sa population ni les autres Congolais qui doivent s’inquiéter de l’avenir de la paix dans cette partie de la RDC.
– Quant à la province de l’Équateur, des signes avant-coureurs d’une instabilité chronique à venir ont déjà été observés à la suite des contestations électorales et des violences qui en ont résulté.
– Par conséquent, si les comptes sont bons, sur les 11 provinces (dont Kinshasa) qui forment la RDC, au moins huit connaissent une insécurité plus ou moins grande. C’est beaucoup, c’est trop, cela mérite que les pouvoirs publics y consacrent le maximum d’énergies, de talents et de ressources matérielles et financières disponibles. Faute qu’il en soit ainsi, notre pays serait condamné à l’impuissance et à la mort lente, mais sûre. Et cela, le CNDP se refuse à l’admettre.

07. Nous savons que chez certaines élites politiciennes passées maîtresses dans l’art de la manipulation de la base, mais aussi chez quelque organisation onusienne désireuse de faire diversion pour durer au Congo, la mode est aujourd’hui de diaboliser le CNDP par le biais de la condamnation du processus de mixage et de faire de celui-ci la cause de toutes les insécurités. Il y a quelques raisons à cela: les brigades mixées ont la particularité de comporter des bataillons au sein desquels des éléments appartenant à l’ethnie Tutsie sont plus visibles qu’ailleurs au sein des FARDC. C’est le cas de la Brigade Bravo déployée dans le Groupement Binza, en chefferie de Bwisha, Territoire de RUTSHURU où les FDLR se meuvent comme poissons dans l’eau. D’une part, parce que, pendant très longtemps, et l’ancien Commandant de la 9ème Brigade brassée leur avait reconnu droit de cité sur l’axe KIWANDJA- ISHASHA et en avait fait les alliés naturels de l’extrémisme anti-tutsi. D’autre part, des milices Maï-Maï incontrôlés s’allient aux FDLR pour piller les camions des commerçants sur l’axe KIWANDJA-KANYABAYONGA afin d’achalander leurs boutiques qui s’étirent de KIWANDJA à ISHASHA en passant par KISEGURO, KINYANDONYI, KISHARU, KATWIGURU, BURAMBA et NYAMILIMA. On comprend dès lors pourquoi quelques députés à l’Assemblée Nationale, partisans de ces deux mouvances hors-la-loi, se trouvent en alliance objective pour fustiger une Brigade Bravo mixée dont le seul tort est d’empêcher les FDLR de dormir tranquilles, de piller, de violer et de tuer.

08. Le CNDP est conscient que le processus de mixage est une étape vers la formation d’une véritable armée nationale et républicaine, garante de la souveraineté nationale, de l’intégrité du territoire et de l’exercice légitime de l’autorité de l’État sur l’ensemble du pays. Cette étape est nécessaire et incontournable pour, d’une part, ressouder entre elles des unités de l’armée qui se sont militairement affrontées au cours d’une guerre meurtrière qui aura duré plus de 40 jours et, d’autre part, pour permettre au Gouvernement d’élaborer des réponses adéquates aux revendications contenues dans le cahier des charges du CNDP.

Faire du mixage le bouc-émissaire de l’impuissance de l’État en matière d’insécurité et de l’Incapacité de la MONUC à trouver ses marques en RDC est une faute. Pendant trois ans, en effet, de 2003 à 2006, les bataillons ex-CNDP aujourd’hui mixés, ont toujours été exemplaires dans la sécurisation de la population en territoire de Masisi et dans la Chefferie de Bwito où ils étaient déployés. Prétendre que tout d’un coup leur déploiement dans le Bwisha a suffi pour faire d’eux des bandes de tueurs sans foi ni loi est une imposture.

09. En réalité, le processus de mixage est combattu parce que sa réussite renvoie ses détracteurs (nationaux et internationaux) à leurs propres échecs:
a. À ce jour, les Brigades mixées ont détruit la quasi-totalité des bases FDLR dans les Territoires de Masisi et de Rutshuru, à savoir: Nyamilima, Katwiguru,. Riva, Nyakakoma, Busendo, Kirama, Nyamitwitwi, Kahumiro et Kinyamwiga en Territoire de Rutshuru; Mahanga, Chugi, Remeka, Katoyi, Mitimingi, Nyabiondo, Kalembe, Kivuye, Bitwe, Luhinzi en Territoire de Masisi. Une action d’une telle ampleur n’avait jamais été réalisée dans le passé ni par les troupes brassées ni par la MONUC.
b. Les coupeurs de route ont été définitivement balayés sur l’axe Kanyabayonga – Rutshuru.
c. Les braconniers de toutes sortes ont été chassés du Parc National de Virunga où l’on peut voir à nouveau des lions et des hippopotames en sécurité.
d. Au sein des Brigades mixées, la cohabitation entre bataillons venus respectivement des FARDC et du CNDP est parfaite et cela rend les opérations militaires extrêmement aisées et coordonnées.

II. CAUSE DE L’INSECURITE.
01. Depuis près de 20 ans, la RDC est devenue le ventre mou du continent africain. Une fausse démocratisation, débutée le 24 avril 1990 et marquée par une interminable Transition de plus de 15 ans a entretenu dans le pays une lutte chaotique entre une irrépressible aspiration populaire à l’émergence démocratique et un fol instinct de survie autocratique dans le chef des régimes en place. Ce fut vrai du temps du Maréchal-Président Mobutu tout comme à l’époque de Mzee Laurent-Désiré Kabila. C’est encore vrai aujourd’hui où une question aussi mineure que celle relative à la garde rapprochée d’une personnalité politique en vient à transformer Kinshasa, la capitale, en un champ de bataille terriblement meurtrier, apportant du coup la preuve sanglante de l’adage ancestral selon lequel «deux têtes de taureau ne sauraient cuire dans la même marmite». C’est la négation même de l’esprit démocratique.

02. Une telle lutte à mort pour la conquête ou la conservation du pouvoir a débouché sur la déliquescence de l’autorité de l’État et sur l’affaiblissement du pays. Ayant perdu son autorité et, par voie de conséquence, son impartialité, l’État a cessé d’être le garant de l’ordre et de la sécurité des personnes et de leurs biens, laissant aux individus ou aux groupes d’individus le soin de régler les rapports sociaux par «le droit de la force» au lieu de le faire par «la force du droit». D’où l’intolérance, la discrimination, l’exclusion, la xénophobie, l’injustice, la corruption, la prédation des ressources nationales, la violation des droits humains et des libertés publiques, l’impunité qui sont la caractéristique de l’État congolais.D’où aussi la naissance des mouvements insurrectionnels armés qui prétendaient combler la vacance de l’État et susciter le rétablissement ou la refondation de celui-ci.

03. La carence prolongée de l’autorité de l’État a eu également pour conséquence de transformer le pays en base-arrière impuissante de toutes les rébellions armées des pays limitrophes (UNITA et FLEC de l’Angola, SPLA du Soudan, ADF/NALU et LRA de l’Ouganda, FDLR et ex-FAR/Interahamwe du Rwanda, CNDD-FDD et FNL-Palipehutu du Burundi, etc.).

Ces groupes armés étrangers ont fait ou continuent de faire la loi dans les zones où ils opèrent et les plus violents d’entre eux sèment la terreur, la désolation et la mort parmi les populations congolaises, souvent en connivence avec des hors-la-loi nationaux ou, plus grave, avec la complaisance de certaines unités de l’armée gouvernementale qui n’hésitent pas à fraterniser avec eux ou à les engager comme supplétifs.

III. L’ABSENCE DE L’ETAT-NATION.
01. La condition première pour mettre fin à cette situation, à tous égards dramatique, c’est le rétablissement de l’État impartial qui, de ce fait, réussira à imposer son autorité à tous, parce que son impartialité l’accréditera comme le garant irrécusable de la sécurité de tous. Mais pour que l’autorité de l’État impartial soit en mesure de se faire respecter, il se doit de procéder à la rénovation en profondeur des instruments de la puissance publique au premier rang desquels: les Forces Armées, la Police, les Services Spéciaux, la Magistrature et l’Administration. Cette rénovation consistera avant tout à inculquer à ces services l’esprit impartial, c’est à dire les fondamentaux démocratiques, pour qu’ils se mettent au diapason de l’État impartial qu’ils ont vocation et mission de servir.

02. Seulement, ces instruments. de la puissance publique congolaise, de l’État impartial congolais, sont recrutés au sein de la population congolaise.

Ils ne peuvent donc en être que le reflet. Par conséquent, si la population congolaise demeure divisée, intolérante, encline à l’exclusion, au refus de la cohabitation pacifique, au rejet de l’autre, non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est, les hommes et les femmes qui en sortent pour se mettre au service de l’État ne seront naturellement pas préparés pour garantir à celui-ci son caractère impartial et donc l’exposeraient à voir son autorité d’abord s’effriter, puis contestée, ensuite combattue et finalement disparaître. C’est un processus inévitable.

03. L’État congolais, par le biais de son nouveau gouvernement formé à la suite des élections doit mettre un point d’honneur à entreprendre de forger une véritable Nation Congolaise, c’est-à-dire une communauté nationale consciente, convaincue et décidée à se donner une communauté de destin dans la diversité de ses composantes.

Aujourd’hui, nos élites politiques font semblant, dans leur discours démagogique de défendre l’unité du peuple congolais, de la nation congolaise. Mais ce discours, destiné à se donner bonne conscience à peu de frais, ressemble plus à un slogan qu’à une conviction. En réalité, la Nation congolaise n’existe pas encore, même si l’on peut espérer que le processus de sa formation soit en cours.

Il y a aujourd’hui une juxtaposition de 450 ethnies congolaises qui sont autant des nations et qui forment le peuple congolais, mais pas encore la nation congolaise. Observons au plus haut niveau de l’État: Tous les ministres, sans exception, qui fêtent leur entrée au gouvernement, le font uniquement en compagnie d’invités qui sont tous des ressortissants, non pas de leurs partis, non pas de leurs Provinces ni de leurs Districts ou Territoires, mais bel et bien de leurs ethnies respectives, c’est-à-dire des gens qui ont en commun la langue, la culture, l’histoire et le terroir. La solidarité est d’abord ethnique, elle est rarement nationale. Si bien que l’on peut affirmer, sans peur de se tromper, qu’il y a autant de nations qu’il y a d’ethnies. C’est cela la vérité telle qu’elle ressort de la pratique quotidienne en République Démocratique du Congo.

04. Quand la Nation existe, le signe le plus marquant, le plus visible et le plus fiable de cette existence, c’est le lien solidaire.

Lorsqu’une nation est agressée de l’extérieur et que tous ses enfants se rassemblent pour faire face, c’est bien que la solidarité joue en plein et que donc le caractère national de la cause est évidente. Quand, par ailleurs – c’est des exemples – les Baluba du Kasaï sont expulsés massivement du Katanga, que les Lendu massacrent les Hema en Ituri et vice-versa, que les Tutsis Banyamulenge sont massacrés à Gatumba, que les Tutsis du Nord-Kivu font l’objet d’une épuration systématique et sont massivement expulsés au Rwanda où, depuis plus de dix ans, ils ne sont l’objet d’aucune attention de leur Gouvernement, que les Nande, dans Beni ou Lubero, font tout ce qu’il faut pour rester entre eux, sans possibilité pour aucun non-Nande de s’y établir, de s’y mouvoir et d’y prospérer sans entraves, quand la vie à Bukavu est rythmée par le rapport des forces permanent entre les Bashi et les Barega et que la seule chose qui les unisse est leur refus commun du retour des Tutsis, que dans toutes les provinces de la République Démocratique du Congo l’entendement commun est que tous les services publics doivent être entre les mains des seuls originaires, que face à l’expansion de l’exclusion, la tendance de chaque communauté qui se sent menacée est de tenter de se doter d’une force armée capable de la défendre, tout cela montre bien que la Nation Congolaise est encore à reconstruire.

IV. PISTES DE SOLUTION.
A. Au plan de la sécurité à très court terme.

01. Régler militairement la question des FDLR: Le problème le plus immédiat à résoudre est celui des personnes déplacées. Leur nombre atteint des sommets insupportables et elles sont déplacées du fait des violences exercées sur elles par les groupes armés, les FDLR étant les plus nombreuses et les plus violentes au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Des opérations militaires doivent être entreprises et ne prendre fin que lorsque les forces négatives seront mises hors d’état de nuire et que les déplacés seront de retour dans leurs milieux habituels.

02. Procéder à la récupération des armes légères au sein de la population: Ceux qui détiennent illégalement les armes sont: les milliers de démobilisés qui ne les ont pas rendues, les nombreux déserteurs qui les ont emportées ainsi que des milices privées. Il faut identifier toutes ces personnes et entreprendre une forte action de sensibilisation et de mobilisation pour récupérer toutes ces armes.

03. Encadrer les démobilisés, les réinsérer véritablement et faire le suivi de cette réinsertion pour éviter leur recrutement par les groupes armés.

04. Entreprendre une politique intelligente d’intégration des groupes armés nationaux toujours actifs tels que:
a. Ceux qui se recrutent chez les Hema et les Lendu (le MRC de Ngundjolo et Mbuni, les FNI de Peter Karimu et le FRPI de Cobra Matata) dont seule une infime partie a été présentée pour l’intégration, la quasi-totalité étant restée en réserve.
b. Les groupes armés contrôlés par Dunia (Fizi), Mugabo (Masisi), Tasibanga (Walikale), Jackson, Lafontaine, Kakolele (Beni et Lubero), Bisogo (Minembwe), Mudundu40 (Walungu), Raia mutomboki (Mwenga et Shabunda).

5. Payer régulièrement et décemment la solde et la ration des militaires et s’assurer que ceux-ci sont réellement servis pour éviter qu’ils ne se servent sur la population qu’ils sont censés protéger.

B. Au plan de la Sécurité à moyen terme.
01. Entreprendre une mobilisation destinée à ressouder les communautés en créant des Centres d’Accueil viables pour les retournés. Si ces centres apparaissent comme attractifs par l’encadrement dont ils sont l’objet, les déplacés et les réfugiés se sentiront d’autant plu incités à rentrer massivement dans leurs milieux.

02. Pratiquer une véritable politique de l’habitat pour ces déplacés et ces réfugiés (habitations groupées), ensuite la généraliser, car il sera plus facile d’en faire des foyers de développement intégré dotés d’infrastructure de base comme eau potable, écoles, centres de santé, énergie etc.

03. Faciliter les échanges et les communications entre les différents centres par l’ouverture ou l’entretien des routes de desserte agricole. Le regroupement et les communications facilitent la sécurisation .

04. Instauration et généralisation de la contribution personnelle minimum (CPM) en lieu et place des taxes diverses (dans les marchés, sur l’élevage et les cultures) qui sont à la fois dérisoires et tracassières, alors qu’une CPM bien organisée et bien gérée peut être une ressource sûre pour le développement.

05. Encadrement de la chefferie coutumière à laquelle, grâce à la CPM, on peut assurer de la dignité et un revenu décent. Maintenir les Chefs coutumiers dans des fonctions honorifiques et en faire les garants de notre mémoire collective. Trouver un mécanisme adéquat pour trancher les conflits au sein du pouvoir coutumier, car en divisant la population, entre des prétendants, on en vient à susciter des conflits générateurs d’insécurité.

06. Encourager la création des coopératives intercommunautaires: ceux qui partagent les mêmes intérêts s’affrontent rarement et sont, au contraire, portés à s’épauler et à se solidariser pour le protéger.

07. Réformer la justice et son auxiliaire la police, promouvoir la justice participative à la base et la police de proximité, ce qui permet de régler les conflits dès leur apparition et avant leur extension.

08. Abolir les mutualités tribales par la loi, car elles conduisent les groupes tribaux à se replier sur eux-mêmes et à diaboliser les autres pour finalement s’affronter et créer l’insécurité (…).
Fait à Bwiza le 01 mars 2007.

lesoftonline.net

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