Questions directes à René Abandi.

B.A.W.

11/10/08

 

rene_abandi.jpgAgé de 38 ans, juriste de formation, René Abandi est le commissaire chargé des Relations extérieures du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Dans un entretien réalisé par téléphone, vendredi 10 octobre, l’ancien porte-parole du mouvement politico-militaire de Laurent Nkunda évoque la situation sur le terrain et l’avenir. La photo de l’interviewé n’étant pas disponible sur le "Net", nous avons jugé bon d’illustrer cet article par une vue de Goma.

Quelle est la situation sur le terrain au Nord-Kivu au moment où nous parlons ?

Il y a une certaine accalmie. Après la prise du camp militaire de Rumangabo, la direction du CNDP a décidé de retirer ses forces de ce camp.

Nous pensons que c’est un signal fort qui pourrait aider le gouvernement à comprendre la nécessité d’aller à la table de négociation.

Que ferait le CNDP dans le cas contraire ?

Ce sera dommage ! C’est d’ailleurs pour cette raison que notre organisation a pris la décision d’appeler tous les Congolais à se lever pour le changement de régime à Kinshasa.

Dans l’interview accordée à notre journal en septembre 2007, Laurent Nkunda se présente comme le défenseur de «ses frères» tutsis. Dans l’interview accordée, début octobre 2008, à la BBC et à la RTBF, le même Nkunda se présente en défenseur de l’intérêt de «tous les Congolais». Comment expliquez-vous ce virage à 180 degrés ?

Il ne s’agit pas d’un virage ! Il s’agit simplement d’une expression de sensibilité à la souffrance de tous nos compatriotes. Il n’y a pas que les Tutsi qui souffrent au Congo. Toutes les ethnies souffrent. Certes les Tutsi sont visés par les Interahamwe physiquement. Il ne reste pas moins que les membres des 450 tribus congolaises vivent pareillement la souffrance, la pauvreté, la frustration et la misère.

Confirmez-vous que les soldats de l’armée rwandaise se battent aux côtés de vos combattants ?

Chaque fois que le CNDP remporte une victoire militaire, les FARDC en profitent pour dire que les Rwandais ont participé aux combats. Et chaque fois qu’elles sortent victorieuses d’un affrontement, elles estiment avoir battu des Congolais. C’est assez absurde. C’est ridicule qu’on pense qu’aucune partie congolaise ne peut être suffisamment «brave» pour engranger de «hauts faits» à son actif.

Dans son message à la nation, jeudi 9 octobre, Joseph Kabila a lancé un appel à la «mobilisation générale» et à la «vigilance». Quel est votre commentaire ?

C’est un message dangereux. En tant que chef de la nation, il doit toujours sauvegarder l’unité nationale. Il doit éviter que cet appel à la vigilance soit suivi de massacres à grande échelle. Il faut craindre que tout le monde commence à soupçonner son voisin. Dans un tel climat, on cherche plutôt de boucs émissaires. Les gens qui agissent ainsi ne sont pas qualifiés pour diriger un pays aussi grand au centre de l’Afrique.

En février 2007, le président Paul Kagame avait applaudi l’élection de Joseph Kabila. Dans l’interview qu’il a accordée, début septembre, au quotidien «Le Soir», le courant ne semble plus passer entre les deux hommes. Quelle est, selon vous, la cause du conflit ?

Je ne sais pas s’il existe un conflit entre les deux présidents. Même si un conflit existait, je ne suis pas qualifié pour interpréter les relations entre les deux Etats. En tant que citoyen congolais, je constate que le Congo n’a pas réussi dans plusieurs domaines dont la diplomatie. Le pays s’est brouillé avec le Congo-Brazzaville de Denis Sassou Nguesso. Il en est de même avec la Belgique et l’Union Européenne. La RD Congo ne s’entend qu’avec des pays «lointains» tels que le Zimbabwe de Robert Mugabe, la Chine ou Cuba. Il est clair que la diplomatie congolaise souffre des mêmes maux que les autres secteurs de la vie nationale. En tant que citoyen congolais, je peux commenter la manière dont le chef de l’Etat conduit les affaires. En revanche, je n’ai pas mandat pour commenter le point de vue du président rwandais. Je ne le ferai pas non plus à l’égard d’autres chefs d’Etat.

Je vous pose cette question parce que dans cette interview, le président Kagame demande à Kabila de prendre en compte certaines exigences que posent Nkunda…

Je crois que le président Kagame voudrait pousser les Congolais à s’entendre. J’ai noté avec étonnement la hargne avec laquelle la presse kinoise s’en est pris au chef d’Etat rwandais. Il ne mérite pas un tel traitement pour avoir demandé aux Congolais de s’entendre. Apparemment, on accepte difficilement des critiques sur la situation au Congo. Le ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht avait stigmatisé la manière dont le pays est conduit. Toute la presse kabiliste a rivalisé de rhétorique dans un élan pseudo-patriotique.

Le CNDP exige des négociations directes avec le gouvernement de Kinshasa. Pouvez-vous dire, sans langue de bois, sur quoi va porter les négociations ?

Nous allons négocier les questions se rapportant à la sécurité de citoyens congolais. Quelques exemples. En Ituri, on observe des maquisards ougandais qui font la loi sur le sol congolais. Les Interahamwe, accusés de génocide, font également la loi dans notre pays. En dehors de la sécurité, nous allons négocier le droit des personnes exilées à regagner le pays tranquillement. Il faut négocier parce que la réconciliation nationale est une chose primordiale. Je vois des Congolais qui se permettent d’injurier les autres en les traitant d’étrangers. A titre d’exemple, on dénature et falsifie tout ce qui concerne Monsieur Laurent Nkunda. On dit par exemple qu’il s’appelle Nkundabatware ou encore que c’est un citoyen rwandais venu au Congo avec l’AFDL. Tout ceci est parfaitement faux ! L’arrière-grand-père de Laurent Nkunda a été chef coutumier dans Rutshuru. Il a été destitué par le pouvoir colonial belge. Le pouvoir a besoin de réconciliation notamment au Katanga où les natifs et les originaires du Kasaï entretiennent des relations difficiles. C’est inimaginable qu’on exige un visa à un citoyen qui visite Lubumbashi. On constate qu’il se développe un discours haineux de type raciste qui se développe dans les médias. Tous ces problèmes doivent être reglés. Il faut une sorte de dialogue national où les gens se retrouvent ensemble pour trouver les solutions aux problèmes.

Ne pensez-vous pas que certains faits que vous évoquez sont du ressort plutôt du gouvernement de Kinshasa que du CNDP ?

Lorsqu’un Etat a failli dans l’accomplissement de ses missions régaliennes, nous avons le devoir de résoudre un certain nombre de problèmes. C’est une question de conscience. La Constitution congolaise dit clairement que les autorités de base doivent être élues par le peuple. Vous savez autant que moi que Kabila vient de les nommer. C’est une forme de coup de force.

Supposons que le gouvernement de Kinshasa accepte d’engager des négociations, le CNDP va-t-il exiger la démission de Joseph Kabila ?

En tous cas, ce sera le point le plus important. Un certain nombre de gens pensent qu’il faut commencer par ça.

Exiger son départ ?

Exact !

Dans quelques heures ou jours, la RD Congo aura un nouveau Premier ministre. Quel message votre organisation voudrait lui adresser ?

Espérons qu’on aura enfin un Premier ministre déterminé à servir les Congolais. Le peuple congolais a franchement besoin d’un homme ou d’une équipe pour le servir. Ce serait une désolation si une nouvelle équipe se mettait en place juste pour s’enrichir

 

Propos recuellis par B. Amba Wetshi

 

Congoindependant

 

   

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