RDC : Une lecture du voyage de Kabila à Goma à la lumière de l’assemblée générale des Nations Unies.

Antoinette K. Kankindi

Navarre, 28/09/07

mugunga.jpgGoma, cette petite bourgade noircie par la lave du Nyiragongo était presque une ville à l'époque de l'inauguration d'un aéroport international construite par les entreprises françaises Dumez et Spa-Batignoles. Il n'en reste pas grand-chose. Néanmoins Goma est plus que jamais inscrite dans la même verticalité que Bruxelles et New York suivant les priorités de Kabila. Elles sont généralement en contradiction flagrante avec les déclarations qu'il délivre parcimonieusement à la presse. Question de caractère. C'est un homme discret, dit-on. C'est un homme déterminé aussi, il veut donner cette image par sa position dans les affaires de l'Est. Des rumeurs courent comme toujours. Comme au temps des élections. Il semble donc que ses sbires sont allés distribuer de l'argent aux officiers FARDC-FDLR et aux notables des entités contrôlées par les insurgés. Car il ne s'agit surtout pas d'apparaître à Bruxelles ni à New York avec une défaite dans l'attaché-case. Il faut donner l'impression de maîtriser la situation, puisque la décision de faire la guerre à l'Est a été prise contre les recommandations de la communauté internationales qu'il faut aller séduire à New York, une chance unique. A coup de dollars, les officiers opérant au Nord-Kivu doivent gagner la guerre du président. Les notables doivent provoquer le déplacement des milliers de populations pour permettre aux ONG de crier à la situation humanitaire catastrophique, qu'il faudra imputer naturellement aux insurgés.

Il y aura bel et bien catastrophe humanitaire parce que la coalition FARDC-FDLR veillera à littéralement terroriser ces populations pour les empêcher de rentrer chez eux. Les deux alliés excellent dans l'art de piller, tuer, violer suffisamment pour que la population craigne de regagner les villages vraiment. Leur dernière trouvaille diabolique consiste à enlever les enfants de ces familles en débandade pour les présenter aux ONG en affirmant, devant les « experts » des affaires de l'Afrique Centrale et des Grands Lacs que rengorgent ces organisations, qu'il s'agit de les mettre à l'abri du danger de recrutement militaire. Dans les rangs des insurgés bien entendu ! A propos d'experts des affaires africaines, les congolais devraient s'en méfier, ou tout au moins prendre la peine de vérifier leurs CV fabriqués de toutes pièces. Ce n'est pas difficile, ils les affichent sur des très accessibles sites Internet. Aussi il ne faut pas oublier qu'un congolais qui est né du temps où on était membre du parti-Etat par naissance connaît bien mieux la région. Et c'est un crime contre la patrie de se laisser berner par ces gens qui touchent des salaires exorbitants en vivant   dans les hôtels au bord du lac Kivu, et qui, pour rien au monde ne voudraient pas d'un Congo stable qui leur ferait perdre leur statut d'expert et leur vie princière sous les tropiques.

Donc, contre toute attente, le tour à Goma avant New York avait un double objectif : attiser la guerre contre les insurgés par tous les moyens, et utiliser la veine humanitaire pour séduire à New York, quitte à mentir et calomnier comme toujours le même bouc émissaire. Le président est sûr de sa démarche : ses officiers ne résistent pas face à l'argent même en sachant les défaites successives qu'ils essuient dans les montagnes. L'appui des FDLR désormais avoué sans façons par son leader sur les ondes de la BBC, à la date stratégique, elle aussi du 22 septembre, est un acquis. En fait c'est cela la force du président et de son gouvernement. Il semble ne pas tenir compte du fait que l'utilisation effrontée des forces génocidaires est quand même chose sérieuse pour la communauté internationale. Elle n'en est pas à son premier génocide, mais   peut-être aujourd'hui elle est moins encline à y tremper. La soif de sang de la diplomatie française à l'ONU obéissant aux ordres de la Françafrique réussira-t-elle au président Kabila ? On ne saurait le dire. N'a-t-on pas vu le très arriviste Bernard Koutchner faire des tentatives en direction du rétablissement des relations diplomatiques avec Kigali ? Serait-il alors prêt à soutenir la Françafrique qui voudrait que la MONUC combatte Nkunda directement, et dans le délai de trois semaines intimé par Kabila à ses officiers et aux autorités provinciales à Goma ? Il ne faudrait pas négliger le fait que Bernard Koutchner sait très bien ce qui s'est passé avec l'opération Turquoise. Il était là avec Médecins sans frontières entre autres. Il était également en Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, pour le compte de l'Onu après un autre génocide causé par l'implosion de l'ex-Yougoslavie. Ici il s'agit de voir qui roule pour Kabila entre lui et Jean-Marc de la Sablière ; ou plutôt pour qui roule Kabila et que feront les belges dans tout cela.

La chose la plus funeste de toutes ces machinations guerrières du Président de la République est que cela est devenu son unique chantier pour le moment. Les autres attendent. Mais il a une réponse de ce côté-là, les chinois sont arrivés avec des milliards qui vont tout résoudre. On suppose que le président a la prudence de considérer dans quels enjeux, au niveau global, s'inscrit la stratégie de la Chine, qui se meut plutôt dans le sens de l'axe Russie-Iran. Une corde très sensible en ce moment, pour cette chère communauté internationale. Cependant, malgré l'argent chinois, qui du reste un prêt, pas un don, les écoles congolaises demeurent en grève illimitée. La misère des enseignants ne semble pas émouvoir un homme discret mais qui n'hésite pas à verser du sang. Au lieu de payer ces vrais héros de la République, il est allé payer les hommes en uniformes qui ont utilisé tant de fois leurs armes pour se payer sur la population. En plus en donnant de l'argent aux officiers, il n'a pas soulagé la misère de simples soldats dont les familles vivent en situations infrahumaines, tenez-vous bien, dans les centres de brassages. De quoi démoraliser même le plus motivé d'entre eux. Et tout ceci pour différer ou même éviter catégoriquement de suivre la voix de la raison et du cœur qui conseille une négociation politique pour en finir avec la crise à l'Est. Que c'est dommage de s'embarquer dans une guerre sans avoir d'abord essayé la paix !

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