RDC : une pépinière de cobayes pour la CPI.

Jean Nsaka wa Nsaka

07/07/08

 

jp_bemba_cpi.jpgLes premières expériences de la Cour pénale internationale pour la République Démocratique du Congo s’avèrent tristes, bizarres et malheureuses, tournent en romans-feuilletons d’une justice internationale innommable. La RDC apparaît comme une pépinière choisie de cobayes pour cette cour. Thomas Lubanga, Germain Katanga, Matthieu Ngudjolo, Jean-Pierre Bemba, sont déjà livrés à la merci de La Haye. De 2006 à 2008, quatre pièces de gibier en un temps record au trophée de chasse de Luis Moreno Ocampo, ce procureur de la CPI de nationalité argentine. Y a-t-il un pays qui peut égaler la RDC pour avoir immolé autant d’éléments justiciables de la Cour pénale internationale ? Mais l’évolution des dossiers de ces compatriotes n’est pas tout à fait claire. On dirait qu’ils sont pris et gardés comme des otages pour des raisons politiques ou des intérêts inavoués, plutôt que comme des criminels présumés devant répondre de leurs actes. Première victime, Thomas Lubanga est resté plus de deux ans sans que son procès ait lieu à La Haye. Il n’en sera pas autrement pour Germain Gatanga et Mathieu Ngudjolo qui doivent s’estimer logés à la même enseigne que lui. Quant à Jean-Pierre Bemba, les manœuvres dilatoires qui se sont dessinées à partir de Bruxelles préfigurent aussi une longue temporisation pareille à celle des cas de ses compatriotes qui l’ont précédé.

On avait fait beaucoup de bruit à propos de l’arrestation de Thomas Lubanga comme pour faire croire à l’opinion que la Cour pénale internationale était déterminée à faire rétablir la justice en RDC. Pas mal de personnes ont été mises à contribution, y compris des ONG fabriquées de toutes pièces, pour déposer à charge de Thomas Lubanga. Même la Monuc avait cru bon de mêler son grain de sel en mettant à la disposition du procureur Luis Moreno Ocampo, le sanctuaire de ses archives et rapports sous le sceau du secret, pour lui permettre de mieux se documenter sur la situation en Ituri concernant Thomas Lubanga. Lorsque le moment psychologique est venu de convaincre Thomas Lubanga des crimes qu’il aurait commis, le procès tourne drôlement court, de façon tout à fait inattendue et spectaculaire. L’Onu s’oppose à la divulgation des 156 pièces que la Monuc avait mises à la disposition du procureur de la CPI. La défense de l’inculpé devait absolument prendre connaissance de ces pièces, autrement le procès ne serait pas équitable. Se trouvant devant cette impasse qui équivaut à un non-lieu, les juges décident finalement de libérer Thomas Lubanga. Curieusement, le Parquet s’est empressé d’aller en appel !

Il y a de quoi se perdre en conjectures. Si Thomas Lubanga était arrêté et gardé depuis plus de deux ans pour les besoins de la justice, pourquoi l’Onu s’opposerait-t-elle à la communication à la défense par le procureur de la CPI, des pièces maîtresses susceptibles de faciliter l’épilogue du procès en cours ? Comment pouvait-on s’imaginer à l’Onu que le procès aurait lieu pour un dossier si grave dont la défense de l’inculpé serait privée de la connaissance des éléments essentiels d’accusation ? On peut en déduire que l’arrestation et la détention de Thomas Lubanga aura été dictées par des mobiles politiques ou des intérêts économiques, et non par les besoins de la justice à rétablir en RDC. Il fallait l’effrayer et le mettre à l’ombre comme otage pendant un temps relativement long, sous le prétexte d’un procès bidon qu’on pourrait faire tourner court plus tard. C’est vers cela qu’on s’achemine, par une tactique astucieuse. Le président Philippe Kirsch et le procureur Luis Moreno Ocampo conviennent de dire à la cantonade que les « obstacles sont levés ». Quoi qu’il en soit, le procès contre Thomas Lubanga à la Cour pénale internationale, est condamné à finir en queue de poisson. Il ne peut avoir lieu sans que la défense s’imprègne de tout le contenu du dossier. Il ne peut avoir lieu non plus parce que son contenu a des révélations susceptibles d’éclabousser et d’anéantir l’ordre institutionnel laborieusement échafaudé en RDC. Pourquoi serait-il devenu indésirable dans son propre pays ?

Des épouvantails à brandir

D’ailleurs, on laisse entendre que si Thomas Lubanga est effectivement libéré, il lui serait conseillé d’aller plutôt vivre dans un pays de son choix que de retourner en RDC. Serait-il un élément extrêmement gênant pour certains intérêts économiques en rapport avec l’exploitation du pétrole ou de l’or en Ituri ? Sa période de captivité terminée comme otage, on s’en débarrasse par un procès bidon qui se termine par un non-lieu fantaisiste. De fil en aiguille, on en arrive au cas du sénateur Jean-Pierre Bemba. Les simagrées jouées à Bruxelles étaient des gestes temporisateurs peu intéressants qui ne pouvaient manquer d’agacer l’inculpé qui, las d’être tourné en bourrique, a finalement exigé lui-même son transfèrement à La Haye. Le sénateur Jean-Pierre Bemba est inculpé par le procureur de la Cour pénale internationale des faits qui se seraient produits en République Centrafricaine et non dans son pays, la RDC. Il n’était même pas physiquement présent sur le théâtre des événements. Il s’était engagé à porter secours au président Félix Ange Patassé en difficulté, qui avait sollicité son concours. La rébellion qui menaçait de déstabiliser le président Patassé était dirigée par l’actuel Chef de l’Etat centrafricain, François Bozizé.

Des troupes du MLC de Jean-Pierre Bemba n’étaient pas les seules qui étaient envoyées pour aller prêter main-forte au régime de Bangui. Il y avait aussi des Tchadiens, des Libyens, des Soudanais qui appuyaient des éléments rebelles de Bozizé. Jusqu’ici le procureur Luis Moreno Ocampo n’inculpe que Jean-Pierre Bemba. L’ancien président Patassé et son Etat-major général qui dirigeait les opérations, et sous le commandement duquel le contingent en provenance de la RDC dans le fief du MLC aurait opéré, ne sont pas cités. Des Tchadiens, des Libyens, des Soudanais, ne sont pas cités non plus. On est perplexe devant ce roman à plusieurs personnages, mais dont on ne fait apparaître qu’un seul qui n’en était pas le principal. Le transfèrement de Jean-Pierre Bemba à La Haye à sa propre requête, ne pourrait manquer d’interloquer Luis Moreno Ocampo. Par cette attitude de pression sur la Cour, il se fait l’acteur principal du roman et embarasse l’accusation qu’il met à court de subterfuges. Il voudrait que la Cour et l’accusation soient expéditives pour mettre fin à son calvaire, au lieu de s’installer dans des manœuvres indéfinies de diversion auxquelles semble recourir souvent Luis Moreno Ocampo. Qui trop embrasse mal étreint. Ce procureur de la CPI s’est emparé de plusieurs dossiers couverts en fanfare comme pour amuser la galerie, mais qu’il fait avancer d’un pas de tortue.

Thomas Lubanga a fait deux ans et trois mois de détention préventive à La Haye pour des faits supposés gravissimes, susceptibles de lui coûter une condamnation très sévère d’une longue durée. Combien de temps faudra-t-il pour Germain Katanga, Matthieu Ngudjolo et Jean-Pierre Bemba, ces cobayes prélevés et expédiés sur le banc d’essai longtemps après lui ? La durée de captivité de chacun de ces otages de la Cour pénale internationale à La Haye dépendra du bon vouloir de ceux qui détiennent discrètement la liste noire des acteurs politiques de la RDC comme du gibier potentiel de la CPI. Grâce aux révélations faites sur les pièces du dossier Thomas Lubanga, l’opinion a appris que la Monuc disposerait par-devers elle en exclusivité, des fiches signalétiques accablantes bien documentées, de tous les acteurs politiques de la RDC. Ce sont des épouvantails que ceux qui sont persuadés avoir mis la RDC et ses ressources sous tutelle, se réservent de brandir à tout moment contre ceux qui voudraient afficher des tendances à l’émancipation, ou tenter de remettre en question cette tutelle. La nationalité et le nombre des inculpés de la Cour pénale internationale, l’évolution de leurs dossiers, l’immixtion criante de l’Onu dans l’affaire Thomas Lubanga en cherchant à étouffer le jaillissement de la vérité, tout cela amène les esprits réfléchis à s’interroger sur le rôle que la RDC est destinée à jouer pour la Cour pénale internationale.

 

Le Phare

Leave a Reply