RDC:Confusions autour de la Force d’Intervention de l’ONU, les perspectives d’une nouvelle escalade.

Ange Michel Murangwa

23/04/13

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L’occupation de Goma  aura failli ne plus se conjuguer  uniquement au passé.  On aura un moment  pensé que sa réédition  constituait  la seule  garantie pour Makenga et la cause des Rwandophones du Kivu. Makenga n’est fort heureusement pas tombé et ne risque pas de tomber  dans ce piège.  Cependant la tentation était et est toujours aussi forte. Par les contradictions manifestes  de son  plan hybride de guerre et de paix, les positions de l’ONU invitent clairement le M23 à faire un pas vers l’inconnu.

Le déploiement de la force spéciale des Nations-Unies ne  semble en réalité rassurer personne. Les intellectuels congolais cachent de moins en moins  leur inquiétude face à la Résolution 2098  dont ils saisissent si  peu le contour. L’intervention d’une nouvelle force étrangère au Congo pourrait surtout entériner et conforter la dictature du Président Kabila. Les jubilations puériles de ses ministres rajoutent à la confusion.

Sans contester la nécessité de sa présence comme moyen de dissuasion, la Ministre Mushikiwabo  estime à juste raison  qu’une action militaire ne pourrait être la solution aux problèmes dans l’Est de la RDC. Sa réaction contre le déploiement de la force d’Intervention suppose que l’ONU  ait passé  au second plan, ou ait fait peu de cas de l’aspect politique qui est à la base de la crise multiforme qui secoue le Congo.

L’ONU a beau s’en défendre et clamer fort que  le rôle premier confié à la Force Spéciale d’Intervention serait la création des conditions qui faciliteraient la « continuation du dialogue politique entre les différents acteurs politique afin de trouver une paix durable en République Démocratique du Congo.  Comment pourrait-on parler de « continuité  d’un dialogue  dont ne voit pas se profiler à l’horizon le début ?

Il y a bien sur Kampala…Mais que pouvait-on espérer de Kampala ? Dans une analyse antérieure publiée ici même, nous estimions déjà  que le problème Rwandophone  ne pourrait être résolu ni à New York, ni à Kampala, ni encore moins à Kigali. Elle ne le sera pas non plus  avec  le seul Kabila car elle ne dépend pas de la seule bonne volonté ou aptitudes du seul  Kabila et de son gouvernement. Elle est une affaire  socio-politique qui exige la participation de tous les congolais…». Nous disions d’autre part que : « les revendications sur la démocratie et la bonne gouvernance étaient  des revendications légitimes mais qu’elles étaient une affaire de tous  les congolais et que ces questions  devrait être  débattues par des institutions  nationales existantes ou à créer, au besoin ».

Monsieur Vital Kamerhe, un des rares Congolais qui réfléchissent froidement, affirme que la résolution des problèmes  du Congo ne doit pas « être suspendue sur le M23 car la crise congolaise est constituée de deux volets dont il faut tenir compte : Les dégâts collatéraux issus des élections bâclées, la crise de légitimité qui a entamé la cohésion nationale, brisé le consensus national et mené à la guerre ».

L’ONU  ne pourrait ignorer le degré de pourriture qui gangrène le Congo. Des profondes réformes s’imposent partout et dans tous les secteurs.  Du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, toutes les communautés congolaises s’agitent et sont en droit de réclamer  des reformes qui garantissent et protègent  leurs droits à jouir équitablement des richesses de leur pays. Les Rwandophones   devraient   jouir paisiblement de leur citoyenneté et cesser de croupir oubliés   dans des camps de réfugiés…

Toutes ces reformes avaient été décrétées à Sun City, mais, comme le rappelle encore une fois Monsieur Kamerhe : « aucune de reformes structurelles ou fondamentales de l’Etat prévue par des nombreux instruments juridiques antérieurs n’a été réalisé avec succès jusqu’à ce jour».

Le cahier de charge du M23 reflète au mieux le sentiment d’injustice que l’on retrouve dans toutes les provinces du Congo. L’action de toutes les forces  étiquetées  trop facilement de «  forces négatives » n’est  le plus souvent que la réponse à des situations dramatiques  imposées à des  populations qui croupissent dans la misère malgré les richesses incommensurables du pays qui ne profitent qu’ à  certains leaders politiques de Kinshasa et, à la même communauté internationale qui, quand les choses  vont trop mal, s’érige en juge et impose des solutions qui tendent à maintenir le statuquo générateur de nouvelles guerres.

Par conséquent, les Nations Unies auraient le grand tort de s’attarder sur les conséquences d’une  situation de guerre et de catastrophes humanitaires sans se pencher aux causes de ces calamités.  La volonté d’autonomie ou de décentralisation clairement signifiée à ce jour par la multiplication des rebellions et milices qui se manifestent un peu partout au Congo, ne date pas de ce jour et ne sont pas à mettre sur le dos de ses voisins. Le Président Mobutu a eu lui-même à faire face à des situations pareilles et n’a pu garder les griffes sur l’ensemble du territoire que par le concours  des pays occidentaux, des mercenaires ou de la corruption des leaders de chaque province. Les choses ont changé dans le monde et personne ne devrait penser à ramener le Congo ni à la dictature ni au colonialisme déguisé.

Le plan proposé par les pays de la Région et l’Organisation de l’Unité Africaine avait suscité des espoirs et l’on s’attendait plutôt au soutien déterminant de  la Communauté Internationale pour accompagner le processus de paix en marche.  Sans faire table rase des propositions et du travail avancé de Kampala et d’Addis- Ababa,  le conseil de Sécurité a finalement imposé un nouvel élément  qui  risque de bloquer incontestablement tout le travail déjà abattu. Certes, le déploiement d’une force africaine pourrait se révéler utile si bien utilisée mais si tel n’est pas le cas, il pourrait compliquer d’avantage la donne, et  étendre la  guerre sur les pays de la sous-région.

Designer le M23 comme la cause des tous les maux du Congo et chercher à l’« éradiquer » à coup des canons sans faire cas des motivations à la base de sa révolte serait irresponsable. Tant que ces motivations seront présentes, d’autre M23 renaitront de leur cendre et se multiplieront à l’infini. Si rien de fondamental ne change au Congo, chaque citoyenne, chaque citoyen sera  toujours porteur de  mêmes germes qui fabriquent les Bosco Ntaganda et autres clients du Tribunal International de la Haye. Les femmes subiront continuellement leur calvaire des viols  et des centaines des milliers des déplacés  seront nourris par des organismes qui tirent si bien profit de la situation.

Quand bien même la force internationale des Nations Unies parvenait à imposer la paix dans l’Est du Congo en anéantissant comme il se dit le M23, ce serait pour un temps. Le temps de  voir cette force repartir, car elle ne pourrait prétendre demeurer indéfiniment sur le territoire congolais.

La Communauté International  croit pouvoir former une armée congolaise capable d’assurer la relève et maintenir la paix dans les circonstances politiques actuelles. C’est là une autre erreur de perception du Congo. L’Occident  devrait se référer à l’histoire du Congo pour comprendre que ce n’est  ni la volonté, ni les moyens qui ont manqué à celui-ci pour se doter d’une armée efficace. Le soldat congolais n’a jamais pu comprendre la cause pour laquelle il devait se sacrifier et donner sa vie. Lui demander de se battre contre ses frères rebelles avec lesquels il partagent les mêmes frustrations, est un non-sens.  Aujourd’hui comme hier et demain, dans les mêmes circonstances, la Capacité du Congo d’assurer à lui seul la stabilité de son territoire  est tout simplement  impossible.

Tout aussi impossible est   l’idée  de l’anéantissement totale du M23. Il est fort douteux que cet anéantissement  soit techniquement  possible  pour les 3,000 hommes de la  future force d’intervention. Le M23 n‘est pas une armée de garçons de chœur. Il dit clairement être déterminé à se battre jusqu’ à son dernier souffle et ses déclarations devraient être prises pour des promesses, plutôt que des menaces.

La débâcle certaine de cette force en face du M23 nécessiterait forcement l’implication de quelque  armée  occidentale et c’est peut-être  là  le souhait  non avoué de la France, qui, ne l’oublions pas, a initié la Résolution  2098.  Mais Il est aussi peu probable que le Conseil de Sécurité de Nations Unies puisse unanimement voter une autre résolution  allant dans ce sens car les risques d’embraser les pays de la sous-région seraient trop grands.

Il ne serait alors pas besoins de recourir  à des faux experts pour connaitre les pays qui s’impliqueraient, au grand jour, dans la mêlée.

Une piste de solution :

Comme le dit si bien Monsieur Mwenze Kongolo dans son intervention sur RFI, L’Onu ne devrait pas emboiter le pas à Kabila en décrétant  tout simplement que l’existence du M23 est  négative sur le processus de Paix, si l’ONU possède la volonté réelle de faciliter le dialogue congolais, il devrait s’y prendre autrement en évitant des discours qui semblent entériner  les déclarations du Gouvernement Congolais quand il affirme que  « la cible principale de la Force d’Intervention Spéciale est le M23 ».

Addis Ababa a eu le mérite d’engager le Gouvernement congolais à promouvoir la réforme structurelle des institutions de l’Etat, y compris la réforme des finances publiques, la promotion des  objectifs de réconciliation nationale, de tolérance et de la démocratisation. Il est évident que si ces reformes étaient mis en exécution ou si tout au moins le Gouvernement Congolais démontrait sa bonne volonté pour ce faire, le M23 n’aurait alors plus  aucune  raison d’exister. Mais nous n’y sommes pas encore, et personne ne devrait exiger de lui de déposer naïvement les armes, alors que le Gouvernement Congolais ne fait  montre d’aucune volonté pour engager un dialogue franc avec son opposition armée ou non armée. Le semblant de Kampala ne devrait distraire personne.

Les tensions entre le M23 et la Monusco sont aussi en grande partie exacerbées par l’inexplicable long silence de Madame Mary Robinson. Celle-ci a été chargée par le Conseil de la mission la plus délicate, celle de « conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes, en vue de remédier aux causes profondes du conflit dans la région ». Elle  est donc toute désignée pour pousser le Gouvernement Congolais à entamer au plus tôt  le dialogue inclusif et  surtout veiller au bon déroulement de ses travaux.  La MONUSCO qui se complait à évoquer les actions  punitives de la Force d’intervention s’attribue à tort  le premier rôle et place sa charrue devant le bœuf.

Il est aussi vrai que la présence d’une administration parallèle irrite et ne faciliterait aucunement le dialogue national. L’Onu serait bien inspirée en décrétant par exemple la démilitarisation de la zone occupée par le M23. Des éléments de celui-ci pourraient intégrer une police spéciale chargée d’assurer la sécurité sur l’entièreté de la  zone du Nord-Kivu et faciliter le retour des refugies rwandophone. Le reste de ses forces serait cantonné dans un périmètre désigné de commun accord en attendant l’issue des négociations d’un Dialogue inclusif congolais ou tout autre compromis susceptible de résoudre définitivement l’équation des Congolais Rwandophones.

La force d’intervention Spéciale pourrait ainsi s’atteler à désarmer et renvoyer dans leurs patries toutes les forces négatives étrangères qui écument la région, à désarmer et  aider à la réinsertion  ceux-là  qui combattent sans autre raison que celui de survivre notamment par le contrôle des zones minières.

 

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