10 Questions à Kä Mana

Par Freddy Mulongo, mercredi 8 avril 2009 à 13:04

 

30 avril 2007, à Lungern en Suisse, Kä Mana était l'orateur, lors du séminaire international de la Fiacat sur le thème: l'interdit de la torture, un principe en péril

Philosophe, théologien et analyste politique congolais, Kä Mana est connu pour ses analyses pointues et acérées. "Depuis les indépendances de nos pays dans les années 1960, les élites intellectuelles d'Afrique ont pris l'habitude de poser à intervalles réguliers la question de la pertinence de leurs théories et de leurs pratiques sociales en regard des conditions politico-économiques et techno-scientifiques catastrophiques de notre continent.

Après avoir été liée aux nécessités du développement et de la libération de nos sociétés au cours des deux premières décennies de notre « autodétermination » où nous étions tous et toutes portés par d'étincelants rêves de prospérité, de liberté et de dignité, cette question a tendance à devenir l'expression d'une désillusion profonde face aux attentes lumineuses qui furent les nôtres.

Au début, les forces intellectuelles du Continent ont sérieusement cru à la grandeur du savoir pour construire l'Afrique post-coloniale. Elles ont misé sur les sciences dites exactes comme sur les sciences humaines pour libérer des dynamiques de la transformation sociale et sortir une fois pour toutes de l'état de « colonialité » à nos yeux inacceptable. Il existait comme un pacte évident entre la promotion des savoirs et des pratiques scientifiques dans les universités et les impératifs sociopolitiques d'une Afrique à construire hors des ornières du colonialisme. Il s'agissait en fait de briser l'étau qui étranglait la destinée du continent depuis cinq siècles d'humiliation dans nos relations avec le monde occidental.

Ce pacte entre science, développement et liberté a très vite fait long feu. Il a brillé pendant un temps dans le ciel de nos discours sans se transformer en pratiques politiques, sociales, culturelles et scientifiques à la mesure de nos rêves. Nos sociétés ont été précipitées dans une sorte de descente aux enfers vertigineuse : avec des dictatures militaires ubuesques, des partis uniques dévoyés, des logiques sociales débilitantes et une mentalité aux antipodes de nos attentes les plus orageuses.

Les préoccupations des forces intellectuelles se sont alors drapées d'une vaste désillusion et ont plongé nos intelligences dans une sorte « de dépression psychique» et « d'angoisse métaphysique » d'où jaillit constamment le besoin de comprendre ce qui nous arrive réellement. Le besoin de nous expliquer à nous-mêmes nos propres défaites, nos échecs patents en matière de développement, de libération et de construction d'une société de prospérité, de dignité et de bonheur." A Réveil FM, nous nous interdisons de saucissonner la pensée d'autrui.

1. Réveil FM: En République Démocratique du Congo, dans le Kasaï Oriental, votre province d’origine, les noms ne s’écrivent pas avec le tréma. Or votre Kä ressemble à celui de l’Egypte pharaonique. Est-ce que c’est par fantaisie ou conviction que vous avez changé votre nom ?

Kä Mana: A ma naissance, le 3 novembre 1953, ma famille m’a nommé Kangudie Tshibemba, du nom d’un de mes illustres ancêtres sans doute, mais un ancêtre dont on ne m’a jamais clairement parlé par la suite. Le 8 novembre, le jour de mon baptême, j’ai reçu le prénom du Saint que l’Eglise catholique célèbre ce jour-là : Godefroid. A l’état civil, je m’appelle donc Godefroid Kangudie Tshibemba. Vous posez la question de savoir d’où vient le nom Kä Mana par lequel je signe mes écrits et vous êtes intrigué par le tréma qui orne mon nom. Je voudrais vous dire simplement ce qui s’est passé.

Un jour, dans notre pays, le président Joseph-Désiré Mobutu décida, comme vous le savez, de lancer une vaste politique du recours à l’authenticité, pour débarrasser son peuple de tous les complexes d’infériorité et de toutes les attitudes d’aliénation face au monde occidental. Il supprima les prénoms chrétiens comme étant des noms d’esclavage, des signes ignobles d’une âme d’emprunt, comme il disait.

Mon prénom de Godefroid fut ainsi enterré par la politique de mon pays, le Zaïre d’antan. A cette occasion, dans la profondeur de ma conscience, au fin fond du travail de mon imaginaire, je n’ai pas voulu seulement assumer le nom que ma famille m’a donné, c’est-à-dire, mon identité familiale collective que m’assignait mes parents qui m’ont appelé Kangudie Tshibemba..

Grâce à la politique de l’authenticité lancée par le président Mobutu, j’ai tenté, inconsciemment sans doute, mais fermement, de me donner ma propre identité au sein de la famille. Il se fait que parmi les noms de gloire de mon illustre ancêtre dont j’avais hérité le nom comme symbole d’une appartenance collective, il y avait un nom de force qui me plaisait bien : celui de Mana Bintu.

Dans notre langue, le Tshiluba, parlée dans le Kasaï, ce nom de force peut se traduire soit par : Celui qui finit les choses, soit par Celui qui va jusqu’au bout de la logique des réalités. C’est ce nom de force que j’ai abrégé en Mana tout simplement.

Un impératif qui signifie pour moi : finis les choses ou va jusqu’au bout de ta logique. J’ai décidé seul, sans me référer aux parents ou à la famille élargie : c’était une manière de devenir « Je » face au « Nous » de l’existence familiale et communautaire.

Ce choix m’enchanta parce qu’il me désignait également par le nom d’un célèbre joueur de football de notre équipe nationale : les Léopards du Zaïre. Un véritable génie du milieu de terrain du Club Daring Faucons « Imana Matiti Mabe », ce club qui s’appelle aujourd’hui Daring Club « Motema Pembe », DCMP.

Dans ce choix du nom de Mana, inconsciemment sans doute, mais fermement aussi, l’ambition était pour moi de devenir un génial milieu de terrain de la pensée, parce que je savais en ces temps-là que mon destin serait littéraire, philosophique et théologique, depuis le petit séminaire de Mbujimayi où j’étais élève de terminale et grand admirateur des poètes, des romanciers et des philosophes qui figuraient au programme de nos études.

J’ai eu aussi pendant un temps quelques penchants pour la musique, mais ils furent vite brimés par ceux qui trouvaient que mes compositions dans ce domaine n’avaient rien de génial ni d’original.

Si j’avais réussi à m’accrocher à la musique, je me serais sans doute donné un autre nom de force de mon illustre ancêtre : Muzeele Nsankula Binsanji (le musicien virtuose, créateur d’émotions de haute tension, metteur en branle des rythmes majestueux sur des instruments de musique pour les grandes réjouissances).

Je me serais appelé Kangudie Tshibemba Mana Bintu Muzeele Nsakula Bisanji ! Cela aurait été comique. Je me serais rapproché du kilométrique nom de Mobutu Sese Seko Kuku Gbendu Wazabanga. Vous vous imaginez ? J’aurais pénétré alors dans la lignée ridicule d’un nom comme celui qu’un de nos romanciers africains couvre de ses railleries : Mandala Mandaba Mankunku Maximilien Massissi Mupepe.

J’ai refusé ce choix. Pendant un temps, au lieu de recourir aux procédés des pléthoriques noms de force dont raffolent nos compatriotes, j’ai désiré être tout simplement Kangudie Mana.

Une identité par laquelle on me désigne dans tous mes papiers officiels : passeport, carte de séjour, permis de conduire, diplômes. J’appartenais ainsi à une lignée familiale tout en ayant une identité personnelle à laquelle je tiens. Et Kä ? D’où ce nom vient-il alors ? Lorsque j’ai écrit mon premier texte publié, en 1975, dans la revue jésuite Zaïre-Afrique, à Kinshasa, pendant que j’étais étudiant en philosophie à la Faculté de théologie catholique de Kinhasa, j’ai voulu abréger Kangudie et je l’ai miniaturisé en Kä. J’aurais pu mettre K…, mais il y avait risque de confusion avec le célèbre Joseph K…, du roman de Kafka, Le Procès.

J’ai donc opté pour Kä. Les deux petits points sur le « a » signifiaient pour moi cette miniaturisation, d’abord.

Ensuite vint une signification plus profonde. Elle consistait à un retour à l’Egypte antique, région psychique que je découvrais en tant qu’étudiant, comme l’origine de la civilisation africaine dans son ensemble et comme notre capital symbolique africain primordial, le plus précieux et le plus chargé de sens parce qu’il nous conférait une identité historique prestigieuse et novatrice.

Le Ka était la force intérieure de la personnalité, dans la vision du monde de cette civilisation originelle. En miniaturisant mon nom, j’élargissais ainsi mon destin à toute l’Afrique. Je redécouvrais la source de notre destin commun en tant qu’Africains et je me désignais comme une force intérieure en action. Je découvrais, en fait, qui j’étais et je me donnais un projet de vie. Je m’inventais une destinée, pour ainsi dire.

Il se fait que le Ka, force intérieure, était lié, en Egypte antique, au Mana, une vaste force extérieure que beaucoup de civilisations connaissent, jusque dans les civilisations précolombiennes d’Amérique. Je découvrais ainsi que j’étais, par mon nom, une rencontre des forces.

Ce fut ma nouvelle naissance et j’ai signé mes écrits par ce nom de la nouvelle naissance. Je considère mon nom comme un programme du destin que je me suis fixé. Ce programme, je l’ai toujours en esprit.

Il constitue le fond de ma conscience, la zone la plus profonde de mon être. Un destin, pour tout dire. Une sorte d’aune pour mesurer la progression de ma personnalité et le développement de ma pensée, à la manière du poète français que je m’étais donné à moi-même comme modèle, Pierre Emmanuel. Lui aussi s’était défini comme personnalité par la rencontre des forces : la force du Dieu avec nous (Emmanuel) et la résistance que l’être humain oppose au souffle divin (Pierre).

2. Réveil FM: En France, après Paris, vous étiez en Alsace, puis à Bangui en Centrafrique, puis à Dakar au Sénégal, avant Porto-Novo au Béni et Bafoussam au Cameroun. Actuellement, vous êtes à Goma pour Pole Institute. Quel est votre rôle dans Pole Institute ? On raconte que votre ONG est financée par Kigali, est-ce vrai ?

Kä Mana: Aujourd’hui, Pole Institute est mon port d’attache pour mon travail de penseur, de chercheur, d’éducateur et d’animateur de la société civile dans beaucoup de pays où je travaille encore comme enseignant à l’université ou comme responsable des programmes de formation continue des jeunes et des adultes.

Notamment le Cameroun où je suis professeur à l’Institut Pédagogique pour sociétés en Mutation (IPSOM) et la Côte d’Ivoire où je donne cours à l’Ecole théologique d’une Eglise africaine indépendante : l’Eglise Harriste.

A partir de ce port d’attache de Goma, qui est le symbole de mon retour au pays natal après des années où Paris, Bangui, Dakar et Porto-Novo ont été successivement mes ancrages pour l’animation théologique et missionnaires dans le cadre des Eglises, je continue à semer dans le vaste monde qui est ma vraie patrie, intellectuellement, moralement et spirituellement parlant.

Comme beaucoup de Congolaises et Congolais, avant d’avoir connu Pole Institute comme l’Institut Interculturel dans la Région des Grands Lacs, j’avais vaguement entendu dire qu’il s’agissait d’une Organisation au service de Kigali, financé par Kigali, entretenu par les services secrets rwandais et fonctionnant comme une aile intellectuelle à côté du RCD comme aile politique et du CNDP comme aile militaire du monstre Rwanda, grand oiseau prédateur et destructeur.

C’est par un heureux hasard qu’au cours d’un atelier international organisé par une structure allemande de développement EED et ses partenaires africains à Limbé, au Cameroun, j’ai rencontré deux membres de Pole Institute : Marie-José Mavinga, une spécialiste congolaise du développement organisationnel, originaire du Bas-Congo et installée à Kinshasa ; et Christiane Kayser, une Luxembourgeoise vivant à Goma et rayonnant partout en Afrique comme consultante, dans le cadre des missions de formation et d’évaluation.

Ce sont ces deux femmes qui ont pensé que mes compétences seraient utiles à Pole Institute. Elles ont convaincu cet Institut de m’inviter pour participer à un atelier de réflexion sur les problèmes de la région des Grands Lacs à Goma.

A ma première visite dans cette ville, vous imaginez que ma préoccupation centrale a été de vérifier si j’étais bel et bien dans un « think tank » au service de Kagame ou s’il s’agissait d’une organisation engagée dans la recherche des solutions aux problèmes de la paix, comme son nom l’indique.

J’ai participé encore à deux ateliers de Pole et j’ai étudié le fonctionnement de cet Institut à partir de ses membres les plus influents et de leurs idées sur les problèmes du Kivu, du Congo, de la Région des Grands Lacs, de l’Afrique et du monde.

Quand je parle des membres les plus influents, je pense à une dizaine de congolais issus de plusieurs tribus du Nord et du Sud Kivu. J’insiste sur cet aspect de la diversité ethnique des membres de Pole Institute. Je n’ai décelé chez aucun d’eux un attachement particulier au pouvoir rwandais ni aux ambitions rwandaises au Congo.

J’ai vu au contraire des hommes et des femmes très lucides face aux enjeux de la guerre du Kivu et décidés à analyser avec rigueur toute la situation de la RDC, pour sortir de la logique de la violence, de la logique des identités meurtries et meurtrières, de la logique de la destruction et de l’anéantissement de l’humain, dans la perspective d’une nouvelle utopie du vivre-ensemble pacifique pour tous les peuples de Grands Lacs, grâce à une culture de la connaissance réciproque et de l’enrichissement mutuel. Quand je parle de membres influents de Pole, je pense aussi à un Français, à un Britannique et à la Luxembourgeoise par laquelle j’ai connu l’Institut Interculturel dans la Région des Grands Lacs.

Le Français est spécialiste du développement des organisations ; le Britannique vit en Allemagne où il est journaliste spécialiste des problèmes de l’Afrique contemporaine ; la Luxembourgeoise est consultante de haut niveau au service de beaucoup d’organisations en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest.

Aucun d’eux n’a de relations particulières avec le pouvoir rwandais. Aucun ne vise à promouvoir les intérêts rwandais au Congo. Ce sont des chercheurs dont l’engagement dans Pole Institue relève d’une ferme volonté de construire une mentalité de paix et de promouvoir la vision d’une politique de convivialité entre les pays des Grands Lacs.

Il y a plus. Par un autre hasard heureux, les responsables de Pole m’ont sollicité, avec une Française qui a longtemps vécu au Congo et qui travaille actuellement à Nairobi, de conduire le travail d’évaluation du programme triennal de l’Institut.

J’étais chargé d’analyser les dimensions de l’utopie, de la vision et de l’engagement de Pole dans la société. La Française étudiait quant à elle la dimension institutionnelle, organisationnelle, administrative et gestionnaire.

Au cours de cette évaluation, nous avons eu entre nos mains tous les documents concernant la vie de Pole. Nous avons vu quelles organisations sont engagées dans le soutien de l’Institut. Nous avons pu mettre la main sur les correspondances et les rapports. Nous avons parlé avec chaque membre de cette organisation, en privé. Nulle part n’est apparu un quelconque appui financier du gouvernement ou des services secrets rwandais.

Dans une structure où l’on trouve une Mukongo, des Nande, des Tutsi, des Hutu et des membres de plusieurs tribus travaillant ensemble et animant ensemble des programmes de formation humaine, de développement communautaire, d’éducation à la paix, d’animation culturelle et de promotion des valeurs d’enrichissement interethnique, programmes auxquels sont associés des Burundais, des Rwandais et des partenaires occidentaux, si le projet Pole était vraiment au service du Rwanda contre le Congo, cela n’aurait pas pu se cacher et j’aurais pu déceler des indices allant dans ce sens. Ne répondez pas que les « perfides » Tutsi m’ont caché la vérité et qu’ils m’ont manipulé pour que je ne puisse rien voir, comme prétendent certaines de mes connaissances à Kinshasa. Je n’ai vu aucune personnalité perfide à Pole Institue à Goma.

Je n’ai perçu aucune logique de domination ethnique des Tutsi sur les membres de Pole. Bien au contraire, moi, un Muluba du Kasaï, tout comme Marie-José Mavinga, une Mukongo du Bas-Congo, nous sommes dans Pole Institute dans la même dynamique de réflexion et d’action que nos collègues qui viennent d’autres ethnies, pour la même cause, loin de toutes les suspicions et divisions qui fragilisent, anémient et émasculent la RDC.

C’est donc par pure mythologie et fantasmagorie malveillantes que l’idée de Pole comme « Think Tank » de Kagame se propage en RDC. Je me demande pourquoi une telle idée circule.

Ma réponse est qu’elle est propagée par certains membres qui ont été aux origines de la création de Pole et qui sont maintenant dans les cercles du pouvoir à Kinshasa et qui ne supportent pas que l’Institut fonctionne sans eux ni qu’il s’affirme loin d’eux comme l’une des organisations les plus solides dans l’espace de la société civile africaine.

Par un jeu des rumeurs inoculées dans un pays où nous n’avons pas la culture du contrôle et de la vérification sérieuse de l’information, des mensonges peuvent circuler à la vitesse de la lumière et du son.

Je refuse de travailler à partir de ses rumeurs et de ces mensonges à la congolaise. Je tiens à vérifier moi-même les informations et à analyser rigoureusement moi-même les réalités telles qu’elles se donnent à ma conscience, en dehors des préjugés, des mailles, des œillères et des moules fabriqués idéologiquement pour des intérêts toujours pas avouables.

Je suis venu à Pole, j’ai vu ce que j’ai vu, j’ai analysé l’Institution dans une évaluation scientifique et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il s’agit d’un lieu où l’on peut s’investir pour changer le Congo et la région des Grands Lacs, loin des mensonges politiciens et des colportages malveillants qui ne nous conduisent qu’à des divisions et des dénigrements dont l’espace congolais est aujourd’hui le haut lieu d’exubérance, d’efflorescence, d’incandescence et de magnificence destructrices.

Si j’ai décidé, pour ma part, de m’engager dans Pole, Institute, c’est sur la base de mon actuelle connaissance de cette organisation et sur ma conviction que cette institution n’a rien à voir avec la politique politicienne et ses manœuvres de l’ombre. Chaque membre y participe, en son âme en conscience, au déploiement d’une vision d’un vivre-ensemble et d’une communauté de destin entre les peuples des Grands Lacs.

Je ne suis pas à Pole pour un projet rwandais ou pour un quelconque intérêt nuisible à mon pays. Je suis dans un lieu qui fait honneur à ma nation, où des hommes et des femmes de grande qualité humaine luttent pour construire une nouvelle société.

Je contribue à ce projet dans la production d’une pensée qui puisse ouvrir des horizons de convivialité à nos peuples et enrichir la réflexion commune sur l’avènement d’une politique de l’humain en Afrique. Une pensée que je veux lucide, même à contre-courant.

Une pensée qui cherche la vérité, qui creuse en profondeur les problèmes, qui dégage les enjeux en présence et qui dégage l’horizon des solutions les plus fécondes dans un contexte de turbulences et de violences.

3. Réveil FM: Quel est votre sentiment lorsque vous lisez sur le net : « Godefroid Kä Mana a rejoint Kagame. Il affirme que le Rwanda a gagné la guerre à l’Est et il l’a gagnée non pas seulement au sens militaire où son armée constitue désormais la clé de la paix au Congo et dans toute la région des Grands Lacs, mais au sens plus profond où ses visées stratégiques sont désormais accomplies comme elles étaient conçues depuis le renversement de Mobutu ». Avez-vous l’impression que vos prises de position face à la guerre de l’Est vous ont joué un mauvais tour ? Que répondez-vous à ceux qui vous traitent de tous les noms d’oiseaux à ce sujet ? Comprenez-vous quand même les positions anti-Kagame de vos compatriotes ?

Kä Mana: Vous demandez quel est mon sentiment face à ce que certains de mes compatriotes disent de mes prises de position sur la guerre de l’Est. Je vous dis d’emblée que j’éprouve une profonde tristesse devant l’absence du sens de l’analyse géostratégique et du souci de regarder les choses en face, les yeux bien ouverts, afin de dire ce qui se passe réellement comme cela se passe réellement, avec la ferme détermination de tirer les leçons et les conclusions qui s’imposent, en vue de construire l’avenir.

Je suis étonné par le complexe d’autruche qui caractérise une certaine production intellectuelle congolaise sur le net. Quand je dis : « le Rwanda a gagné la guerre de l’Est », j’énonce une réalité visible et vérifiable par le monde entier.

Dire cela veut-il signifier qu’on est passé du côté de Kagame et qu’on a trahi son pays au profit des intérêts étrangers ?

Je pense qu’il s’agit plutôt d’un point de départ pour imaginer des stratégies d’avenir à partir de cette évidence. Un point de départ pour chercher à savoir pourquoi nous avons perdu cette guerre, quelles sont nos responsabilités individuelles et collectives, en quoi le leadership du pays nous a conduits à cette catastrophe, vers quel horizon nous devons cheminer, à partir de quelles solutions il convient de repenser notre destinée.

J’espérais que mes compatriotes entreraient dans ce débat et que nous pourrions mener ensemble une réflexion de fond sur ce que nous sommes aujourd’hui dans le monde. Je me suis trompé : à la place de la réflexion à mener ensemble, je reçois sur ma tête tous les noms d’oiseaux, pour avoir pensé à contre-courant des vaincus qui ne veulent pas s’avouer vaincus.

Des vaincus qui se prennent pour De Gaulle après la débâcle française en 1940 et qui me considèrent comme Pétain à Vichy, sans se rendre compte que je ne suis ni Maréchal, ni Chef de gouvernement ni responsable d’une quelconque stratégie militaire ; sans non plus se rendre compte qu’il n’ont eux-mêmes aucune dimension d’un De Gaulle ni aucune perspective de faire entrer en guerre des tirailleurs africains ou de compter sur une grande puissance de feu comme les Etats-Unis.

Il faut vraiment un aveuglement volontairement entretenu pour ne pas voir ce que tout le monde voit : le Congo est en faillite économique et en ruine morale ; le Congo est militairement étouffée et politiquement exsangue ; le Congo n’a plus aucun poids de leadership au sein de l’ordre mondial ; il est à genoux devant les institutions financières mondiales et le Rwanda lui sert maintenant de mentor pour sa sécurité, avec l’aval, le soutien et l’appui de ce que l’on appelle la communauté internationale.

Ce Congo vaincu a beau faire de développer chez certains de nos compatriotes un profond complexe de grenouille pour gonfler dans des phraséologies guerrières et des imprécations verbeuses, le pouvoir rwandais sait, lui, qu’il a atteint ses objectifs en vassalisant le pouvoir congolais, en affaiblissant les FDLR, en s’assurant du soutien international et en disposant d’un énorme potentiel économique qu’un Congo vaincu représente désormais pour lui.

J’ai cherché à faire comprendre comment, dans la situation actuelle, la seule question qui compte est celle de savoir ce que nous devons faire, nous Congolaises et Congolais. J’ai dit que la solution militaire ne mène nulle part, non pas seulement parce qu’elle présuppose une arrière base militaire et géostratégique que nous n’avons pas, mais dans son principe même comme solution à nos problèmes. Ce n’est pas du pétainisme.

C’est de la lucidité. Cette lucidité, que je tire de quelques expériences historiques majeures.

La première expérience vient du plus profond de l’histoire de l’Afrique. Elle concerne la défaite de l’Egypte pharaonique devant les armées des Hyksos, redoutables guerriers phéniciens qui s’emparèrent de l’Etat égyptien antique, chassèrent les autorités légitimes, installèrent des roitelets fantoches, divisèrent la nation à leur guise et s’emparèrent de toutes les richesses du sol et du sous-sol.

En ces temps anciens, la force de l’Egypte pharaonique fut de ne pas répondre à la violence par la violence, mais de faire des temples les hauts lieux d’une nouvelle conscience égyptienne, avec une éducation ésotérique fondée sur des nouveaux mythes comme ceux de la mort et de la résurrection d’Osiris, roi assassiné et dépecé par ses ennemis, que l’énergie de sa femme Isis, parvint à ressusciter par le pouvoir de la science, de la spiritualité et de l’éthique de l’unité nationale.

C’est par le développement de la science, de la spiritualité et de l’éthique que l’Egypte créa un nouveau type de citoyen et parvint à imposer un leadership culturel et une conscience sociale contre lesquelles les armées hyksos ne purent rien, à long terme. Plus que toutes les armes, cette nouvelle conscience culturelle fit surgir une indomptable énergie humaine sur laquelle s’appuiera plus tard une armée idéologiquement formatée pour libérer la nation.

En même temps que l’éducation interne, l’Egypte pharaonique mit sur pied un réseau d’une diaspora dont le travail diplomatique et la mobilisation des forces morales internationales usa les Hypsos dans leur capacité à faire approuver à d’autres puissances de ces temps-là leurs visées annexionnistes. C’est ainsi que l’intelligence et la culture avaient eu raison de la violence militaire et de la barbarie inhumaine.

Face à notre défaite actuelle dans la guerre de l’Est, j’ai pensé à l’aventure hyksos et j’ai parlé de l’éducation, de la culture, de l’intelligence et de la science comme la voie d’avenir. Voilà l’idée qui m’a valu tous les noms d’oiseaux de la part des stratèges de la violence congolaise qui veulent une nouvelle guerre, de nouveaux fleuves de sang, de nouvelles laves de larmes, avec notre Hiroshima à nous, notre Nagasaki et notre bombardement de Dresde, cette fois contre le Rwanda que l’on souhaite voir disparaître de l’Est de notre pays.

En réfléchissant à la question de savoir ce qu’il y a à faire après notre défaite, j’ai pensé à une autre expérience : celle de la terrible expérience de la défaite des Hébreux face aux Babyloniens. C’est dans la Bible.

Le peuple qui se disait élu de Dieu était tombé dans une telle décrépitude spirituelle et morale que ses forces armées ne pouvaient lui être d’aucune utilité face à la puissance de leurs ennemis. Vaincu, il subit l’exil, la pire des humiliations pour une nation qui avait d’elle-même l’idée d’un peuple d’élite.

Parmi ses prophètes, ceux qui n’avaient pas saisi l’enjeu de la situation proférèrent des oracles optimistes, ils annoncèrent une revanche militaire rapide et firent croire au peuple que Dieu interviendrait en sa faveur et le libérerait du joug de la défaite et de l’humiliation. Le prophète Jérémie ne fut pas de cet avis : il proposa une autre voie.

Celle de prendre la défaite et l’exil comme un enjeu spirituel de conversion éthique : avec la promotion d’une nouvelle éducation qui consiste à tirer profit de la nouvelle situation afin d’apprendre aux nouvelles générations à déplacer l’axe de la guerre. L’essentiel n’était plus les armes, mais le développement humain, intellectuel, scientifique, la construction d’une prospérité individuelle et communautaire pour une nouvelle conscience de la présence de Dieu au cours même de l’exil.

L’exil devenait ainsi une opportunité de conversion intérieure et de la préparation du renouveau national dont le judaïsme affirmera la puissance créatrice après les années passées à Babylone. J’ai pensé à cette expérience comme source d’inspiration dans le débat sur la reconstruction nationale de la RDC. Voilà ce qui m’a valu les beaux noms d’oiseaux et toutes les amabilités féroces de certains de mes compatriotes.

Ces détracteurs ont une stratégie de taureau dans les arènes des jeux. Dès que le taureau voit le tissu rouge du toréador, il fonce, tête baissée. Le toréador le fatigue en le faisant courir dans tous les sens avant de l’abattre, une fois qu’il le sent épuisé.

Le Rwanda a déjà utilisé face au pouvoir congolais la stratégie du toréador : comme le taureau, nos dirigeants ont foncé vers les tissus rouges des rébellions de toutes sortes qui les ont épuisés avant que le maître du jeu, le toréador de Kigali, ne mette fin au jeu en mettant le taureau congolais sur les quatre pattes pour mieux l’abattre.

Quand je vois que d’autres Congolais veulent réagir comme des taureaux en se prenant pour De Gaulle, je pense au prophète Jérémie et j’imagine qu’il y a mieux à faire.

J’ai pensé à une autre expérience : celle que consigne le génial général Zu-Tsu dans son livre célèbre : L’art de la guerre. Dans cette œuvre, l’art de la guerre consiste essentiellement à gagner la guerre sans faire la guerre.

Cet art est devenu un principe militaire fondamental où les moyens armés sont limités à l’extrême au profit de l’utilisation de la matière grise pour contraindre l’ennemi à cesser les hostilités de par lui-même, de se rendre à l’évidence de l’intérêt qu’il aurait à se laisser conquérir et dompter au lieu de se laisser détruire dans des campagnes militaires vaines et inutiles.

J’ignore si le général chinois a gagné beaucoup de guerre avec son art, mais je sais que cette stratégie a réussi au Rwanda qui a chassé Mobutu du pouvoir en prenant Kinshasa sans coup férir et qui a vassalité Joseph Kabila sans que sa campagne congolaise lui coûte réellement en moyens militaires ou en pertes humaines.

A mon sens, le Congo a beaucoup à apprendre de sa défaite pour mieux préparer l’avenir à travers des stratégies qui consisteraient à user de l’imagination et de la raison pour transformer la débâcle actuelle en principe de résurrection future, grâce à la formation des hommes capables de renoncer aux moyens militaires pour gagner la guerre du développement, de la paix, du bonheur.

Pour cela, il est utile de savoir que la guerre que le Rwanda a gagnée n’est pas une bonne guerre : c’est la guerre du mal, basée sur un projet de despotisme qui ne peut pas avoir l’avenir avec lui, car l’avenir est à la démocratie et à la politique du bien.

De ce point de vue, Paul Kagame s’est mal servi de Zu-Tsu en l’intégrant dans la perspective de Machiavel, avec ses stratégies du lion et du renard.

Il a su être lion un moment et vaincre par la force. Il a su être renard à un autre moment, et vaincre par la ruse. Mais l’intention de sa politique est restée, du point de vue du Congo, féroce et inhumaine. Si les Congolais ont tendance à développer des attitudes anti-Kagame, avec tout que cela entraîne d’injures et de vociférations inutiles, c’est justement parce que l’idée directrice de la guerre du Kivu du côté rwandais n’a pas intégrée une politique du bien pour toute la région des Grands Lacs, même si, côté rwandais, les impératifs de sécurité reçoivent un vaste soutien de la part de la population.

A mes yeux, les injures et les vociférations congolaises à l’égard de Paul Kagame ne constituent pas une stratégie d’avenir. La seule stratégie qui compte, c’est l’invention d’une politique du bien qui pourrait séduire toute la population rwandaise et conduire à un espace de paix dans la région des Grands Lacs non pas par les armes, mais par la culture de la paix et de la promotion humaine.

Pour cela, il faut des Congolaises et des Congolais plus intérieurement solides que ceux qui conçoivent actuellement nos visions de l’avenir congolais et ceux qui portent nos politiques sociales et économiques actuellement en ruine. C’est pour avoir dit cela que j’encaisse tous les coups sur le net aujourd’hui.

Cela est pour moi étonnant parce que la logique de l’injure à mon égard ne fait que dévoiler un mal congolais plus profond : la répétition sans fin des choses que l’on entend sur des sujets essentiels sans se donner le temps de réfléchir soi-même en profondeur sur ces questions, de manière essentielle.

C’est le complexe de perroquet qui empêche que les réflexions congolaises sur le net deviennent un espace de débat fertile et d’engagement solide dans des programmes d’action sur le terrain pour la transformation de notre société.

Or, aujourd’hui, il n’est pas question de faire le perroquet, il faut sortir de la défaite avec des idées claires sur ce que nous voulons faire de la nation. Si l’option militaire est inutile et ruineuse, comme je le pense, il nous reste la stratégie la plus moderne que dévoile la réflexion sur la guerre : De Gaulle appelait cela la dissuasion.

Il l’appliquait dans le champ de l’arme nucléaire.

Nous pouvons l’appliquer, nous, dans le champ des idées à partir desquelles l’avenir devra se construire. Il s’agit de montrer au pouvoir rwandais que sa conquête du Congo sur la base des idées despotiques desservira le Rwanda à long terme, quand la guerre cessera d’être une guerre des armes pour devenir une guerre des idées et de projets de société.

Ce jour-là, le despotisme rwandais cessera d’avoir le vent en poupe au Rwanda même et l’idée congolaise d’une démocratie heureuse dans tout l’espace des Grands Lacs sera la vraie idée politique d’avenir. Nous aurons alors gagné la bonne guerre : la guerre des valeurs humaines, la guerre du bien, la guerre d’humanité, la guerre de civilisation.

C’est au nom de cette victoire d’un Congo fascinant et rayonnant que je m’inscris profondément en faux contre les complexes d’autruche, de grenouille, de taureau et de perroquet qui dominent l’espace de la discussion congolaise sur le net.

Kä Mana en terre africaine

4. Réveil FM: Comment imaginer des stratégies fertiles pour la vie d’un peuple libre et créateur de sa propre destinée dans un pays comme la République Démocratique du Congo en proie aux prédateurs voraces ?

Kä Mana: J’espère que vous ne désignez pas par prédateurs voraces les seuls conglomérats financiers et industriels qui veulent les richesses du Congo et alimentent les guerres d’intérêts sur notre sol.

J’espère que vous incluez dans l’expression « prédateur voraces » les Congolaises et les Congolais qui, bien assis au cœur du pouvoir politique, pillent leur propre pays en le vendant aux Conglomérats étrangers et aux vautours de la mondialisation.

J’espère que vous pensez aussi aux structures mentales congolaises de désorganisation et aux pratiques de déstructuration de l’espace social, qui laissent au désordre le soin d’être le régulateur de la vie.

Comme le désordre est devenu l’esprit de notre société en même temps que le cadre de notre vie, l’exigence majeure aujourd’hui est principalement de susciter partout dans notre pays l’esprit d’organisation des citoyens autour des projets locaux de réponse concrète aux questions vitales, primaires, celles qui concernent la santé, l’éducation, la nourriture, en fait la lutte contre la misère et la pauvreté par la capacité d’être ensemble et d’agir ensemble.

Il faudra en même temps élever ce sens de l’organisation au niveau des projets politiques d’action locale, où prend corps une démocratie des terroirs capable de conduire les populations à défendre, à protéger, à promouvoir et à enrichir leurs droits, leurs devoirs et leurs pouvoirs, de manière à faire essaimer à toutes les échelles une mentalité du refus de la domination, une mentalité de foi dans la construction d’un Congo nouveau, dont le destin ne dépende pas de la politique politicienne, mais d’une politique de profondeur irriguée par des projets communautaires.

C’est à travers de tels projets qu’un esprit de résistance à l’oppression et de révolte contre la dynamique prédatrice sera libéré, avec de nouveaux leaders capables d’animer l’action de transformation sociale autour des valeurs fondamentales de l’humain. Dans la mesure où les Congolaises et les Congolais qui veulent le changement pourront agir ensemble dans de nouvelles structures socioculturelles et économico-politiques dynamiques, tous les espoirs sont permis.

Il convient que la société, à l’intérieur du pays comme au sein de sa diaspora, mobilise ses énergies autour des organisateurs de communautés, des impulseurs de nouvelles idées et des animateurs d’action de transformation sociale non pourris par les structures actuelles du mal dans le pays. Nous avons besoin d’une révolution de l’Homme, d’une révolution dans les profondeurs de notre vision du monde et dans nos capacités à agir dans la construction de nouvelles structures à l’échelle nationale.

Plus largement encore, nous sommes appelés à concrétiser tous nos rêves d’une nouvelle société en mettant sur pied des réseaux de réflexion et d’action partout dans le monde, pour l’émergence d’une culture de l’anti-destin, comme aurait dit Malraux : une culture du développement de nos capacités créatrices et de notre imagination prospective.

Je ne doute pas que du sein de cette culture jaillira un nouveau monde de gouvernance incarné par des hommes susceptibles de diriger autrement le Congo, à partir des normes aux antipodes de l’esprit de prédation qui est notre mode de vie aujourd’hui.

Vous comprenez pourquoi l’éducation est aujourd’hui la voie royale du renouveau de notre nation : le projet d’ensemble autour duquel des initiatives devraient surgir pour que les nouvelles générations s’inscrivent dans la dynamique de l’histoire de notre pays dans tout le tissu de ses forces de résistance, de révolte et de résilience : forces religieuses et spirituelles, forces politiques et économiques, forces mentales et culturelles.

A ce niveau de l’éducation, nos terroirs locaux peuvent fonctionner à fond, avec les atouts et les apports de tous ceux qui pensent que l’avenir est entre nos mains, particulièrement tous les activistes de la société civile et toutes les énergies des communautés qui savent que la reconstruction du pays dépend de notre état mental, moral et spirituel.

Evidemment, tout ce que je dis ici est un projet d’ensemble, avec des idées directrices et des orientations de fond. Un tel projet ne pourra réussir que s’il est porté par des hommes et des femmes déterminés à changer l’ordre des choses.

Si j’en juge par les débats congolais dans les médias mondiaux aujourd’hui, je sais que ces hommes et ces femmes existent : ils parlent, ils échangent, ils discutent, ils s’insultent même face à la ruine et la faillite de notre nation. Il est impératif qu’ils s’organisent et qu’ils impulsent à leur discours une nouvelle dynamique éducative congolaise pour le salut de la nation.

Cela est possible. Cela est urgent. Cela doit se faire.

5. Les Eglises congolaises jouent-elles leur rôle prophétique? Quelle théologie pour la République Démocratique du Congo aujourd’hui ? Théologie de libération ? Théologie de non-occupation ? Ou théologie de reconstruction ?

Kä Mana: On ne peut pas affirmer de façon unilatérale que les Eglises congolaises ne jouent pas un rôle prophétique. Il y a des Eglises qui ont joué et qui jouent encore ce rôle. Il y en d’autres qui ne le font pas.

Parmi celles qui jouent ce rôle, je signalerai l’impact fondamental des paroles et des actions de la Conférence épiscopale de notre pays (CNECO). Depuis la dictature de Mobutu jusqu’à nos jours, les Evêques du Congo ont su maintenir le cap de la liberté et de la dignité, à travers des lettres aux chrétiens, aux chrétiennes ainsi qu’à toutes les personnes de bonne volonté.

Dans la dynamique de leur parole ont pu naître des mouvements d’action chrétienne qui ont animé la société civile et lutté pour la reconstruction du Congo. Nous connaissons, tous et toutes, ces groupes d’action chrétienne dont le point culminant d’action a été la manifestation du 16 février avec ses martyrs.

Dans le monde protestant, évangélique et kimbanguiste, malgré une tendance à ne pas promouvoir un esprit de révolte claire face aux dérives du pouvoir en place, je connais des hommes et des femmes de grande valeur qui ont refusé la structuration du pays autour du leadership de la violence, du pillage et de la destruction.

Ils ont parlé pour affirmer l’Evangile comme projet de vie et de liberté. A travers eux tous, une conscience congolaise du changement en profondeur anime une énergie d’ensemble que l’on peut qualifier de prophétique.

Le problème est que les énergies en présence ne sont pas devenues une avalanche des synergies capables d’imposer les Eglises comme un lieu du refus global des structures du mal qui détruisent la nation.

La conformation de beaucoup de chrétiens et chrétiennes à l’esprit ambiant fragilise l’esprit prophétique des communautés.

Le problème aujourd’hui, c’est de pouvoir créer des synergies fondées sur la foi en la fécondité de l’Evangile comme force de transformation sociale. C’est une tâche à entreprendre et certaines personnalités s’y attellent avec ardeur.

Même s’ils ont contre elles l’esprit d’un certain christianisme du délire, de la crétinisation et de l’imbécillisation collective, elles travaillent et incarnent l’aile prophétique des Eglises face à l’aile de la conformation aux structures du mal.

Il ne faut pas s’attendre à ce que, comme par enchantement magique, cette dimension prophétique prenne le pas sur les forces du mal. Il y a plutôt lieu de former, de forger, d’éduquer la conscience chrétienne afin qu’elle devienne une énergie de responsabilisation des chrétiens et des chrétiennes à leurs tâches de transformation de la société, sur la base d’une théologie à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et des batailles de demain.

Sur ce terrain de la théologie, notre pays a produit une conscience prophétique incandescente : il a produit la théologie de la recherche de l’identité africaine, une théologie de l’affirmation de l’humanité africaine au moment où cette humanité était niée par des forces coloniales et néo-coloniales ; il a produit une théologie de l’inculturation de l’Evangile, théologie grâce à laquelle notre pays est devenu une référence dans la production de la pensée théologique ; il a aussi fortement contribué à l’émergence d’une théologie africaine de la libération contre les pouvoirs oppressifs ; de même, il a participé à la consolidation d’une théologie de la reconstruction dans la perspective de l’édification d’une nouvelle société africaine.

Ce que l’on ne sait pas aujourd’hui, c’est le fait qu’actuellement, les courants théologiques novateurs dans le monde d’aujourd’hui sont des théologies congolaises.

Je pense à la théologie de la guérison holistique que notre compatriote, le Père Benoît Awazi Mbambi Kungua développe à partir du Canada. Cette théologie cherche à construire une vision globale d’une nouvelle évangélisation, où les énergies de la guérison physique des personnes et les énergies de leur guérison morale, politique et socioculturelle vont ensemble, en liant toutes les richesses de diverses confessions chrétiennes dans un commun limon de transformation sociale, avec le Christ crucifié comme puissance d’humanisation.

A l’intérieur même de notre pays, l’Abbé Léonard Santedi, secrétaire de la Conférence épiscopale du Congo, anime une théologie de l’invention dont le projet est la libération de toutes les énergies créatrices des Congolaises et Congolais pour bâtir une nouvelle destinée.

Quand vous demandez quelle théologie devrait être promue au Congo aujourd’hui, je n’hésite pas à dire que nos Eglises ont à promouvoir une théologie de la guérison holistique du pays et une théologie de l’invention, sur la base de tout ce que nous avons déjà engrangé comme leçons de nos théologies de l’identité et de l’inculturation, théologies dont les ténors comme le Cardinal Joseph-Albert Malula, Mgr Tharcisse Tshibangu Tshishiku et l’Abbé Oscar Bimwenyi-Kweshi ont été de geysers d’idées créatrices entre 1960 et 1990..

Si nous arrivons à donner à toutes ces théologies un souffle capable de soulever les communautés chrétiennes dans une nouvelle perspective d’évangélisation pour la transformation sociale en profondeur, le rôle prophétique de l’Eglise n’en sera que plus renforcé en ces temps où le pays a besoin de prophètes pour éveiller nos consciences et engager notre être dans le sens de notre résurrection, de notre renaissance et de notre rayonnement dans le monde, avec l’ambition de contribuer à l’émergence d’une nouvelle humanité à l’échelle mondiale.

Je travaille personnellement avec cette théologie de la nouvelle humanité sur la base des valeurs africaines comme force pour un nouveau projet mondial de civilisation. Dans cette perspective d’une théologie de la nouvelle mondialisation, je cherche à mettre en lumière ce que les Eglises et les communautés de foi en Afrique ont de radicalement nouveau : leur capacité à changer l’Afrique et le monde sur la base de leur richesse irréductible : la parole de Dieu.

6. Réveil FM: D’après vous, au Congo, sommes-nous en IIIème République ou en IIème République (bis) ? Quels sont les signes perturbateurs qui tirent le pays vers le bas ?

Kä Mana: Vous me demandez, en fait, si Mobutu est mort ou s’il est vivant ? Je dirais que son paraclet maléfique est toujours présent dans notre société : son système dictatorial anime notre mode de gouvernement, son esprit de prédation et de pillage est au cœur de notre gouvernance, ses principes de violence et d’immoralité règnent dans notre vision de la politique et de la vie sociale, ses méthodes d’achat de consciences et la terreur permanente de ses services de renseignement et de torture sont les modèles du pouvoir en place ; les liens de vassalité avec les puissances étrangères dans une politique de destruction nationale règnent toujours.

Le mobutisme est devenu l’essence de la politique en RDC. On peut donc dire que la IIIème République n’est qu’une illusion d’optique, un avatar de la IIème République, le même esprit du mal qui a détruit et ruiné la nation.

Je veux dire que le combat pour la libération du Congo par rapport à l’esprit du mobutisme comme essence de la politique n’est pas fini. Il continue et devrait même s’intensifier.

De ce point de vue, l’opposition congolaise a encore du pain sur la planche pour inventer des méthodes de libération qui soient autres que la conflagration des armes meurtrières.

Cette conflagration a fait inutilement coulé du sang congolais. Nous sommes devant la tâche d’inventer une nouvelle politique, à partir d’un nouvel esprit d’opposition créative.

J’avais jusqu’ici pensé que l’une des modalités efficaces de cette nouvelle politique serait l’union sacrée des partis et groupes d’opposition. Gilbert Kankonda, notre compatriote, qui a de l’opposition congolaise une expérience plus profonde et plus concrète que moi, m’a dit : la voie d’avenir n’est pas dans une hypothétique et irréalisable union sacrée de l’opposition, il convient plutôt de miser sur des personnes déterminées, qui s’opposent de manière résolue au pouvoir en place, avec des idées directrices refusant les armes au profit de l’éducation, de l’éthique et de la spiritualité.

7. Réveil FM: Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que Nkunda a brandi sa nationalité rwandaise à Gisenyi où il vit en villégiature dans un hôtel ?

Kä Mana: Permettez-moi de commencer ma réponse par une anecdote que m’a un jour racontée un ancien président de l’Eglise presbytérienne du Togo.

Dans son pays, l’opposition prétendit un jour que le Général Eyadema avait massacré les opposants et que leurs corps avaient été jetés dans la mer. Une commission fut mise en place pour enquêter, avec des experts internationaux. Aucun cadavre ne fut découvert. La commission en conclut qu’il n’y avait pas de massacre du tout.

Dans un éclat de rire caustique, le président de l’Eglise presbytérienne me signifia que la commission n’avait compris rien à rien à cette affaire. : « que l’on ait pas trouvé un seul cadavre est la preuve même que c’est Eyadema qui a tué. C’est sa signature même. »

J’ai pensé à cette anecdote le jour où j’ai entendu l’histoire de la carte d’identité de Nkunda. Face à beaucoup de nos compatriotes qui voyaient là la preuve de ce qu’ils ont toujours affirmé de la nationalité rwandaise du chef rebelle, un faux congolais et un suppôt de Kagame à leurs yeux, j’y ai vu exactement le contraire.

Si NKunda, trahi par tous ses amis et traqué par ses ennemis congolais, a brandi sa carte d’identité rwandaise, c’est la preuve même qu’il n’est pas rwandais.

Il a agi comme un parfait congolais, qui a toujours sur lui des preuves d’une multitude d’identités dont il peut se servir en tant que de besoin, dans un monde où il n’est sûr de rien et où le vent peut tourner à tout moment.

Dans notre diaspora congolaise que je connais bien, la multiplicité des cartes d’identité est monnaie courante. Qui vous dit que Nkunda n’a pas aussi, quelque part dans ses valises, une carte d’identité ougandaise et une carte d’identité américaine, qui pourront servir un jour, dans un contexte nouveau.

Seule la personne qui manie toutes ces identités sait que le Congo est sa patrie. Nkunda ne déroge pas à la règle.

D’ailleurs, le pouvoir congolais actuel ne s’est pas laissé abuser : il réclame Nkunda comme un congolais qui devra être jugé au Congo.

Paul Kagame non plus ne s’y est pas apparemment trompé : il affirme que le cas du Congolais Nkunda devra être traité dans le cadre de la politique congolaise, même si lui-même Kagame, sait qu’il est maintenant le vrai maître de la nouvelle province rwandaise, du nouveau département rwandais qu’est devenue pratiquement la RDC (Rwandese Department of Congo).

Parlons sérieusement maintenant : personnellement, nos nationalités néocoloniales décrétées par des Occidentaux dans la balkanisation de l’espace africain ne m’intéressent pas.

Notre problème est de nous en débarrasser le plus vite possible pour construire la nationalité panafricaine qui nous permettrait de nous libérer du joug colonial et d’agir comme des Africains ancrés dans des terroirs locaux pour le développement de notre continent.

Etre congolais ou rwandais n’a aucun sens, en profondeur dans l’univers néocolonial.

Le vrai sens est dans le choix que l’on fait de travailler dans le cadre politique local, national, régional et continental, pour que l’action que l’on doit mener soit une action de développement et de libération de l’Afrique. Le jour où nous comprendrons cela, nous aurons fait un pas de plus dans la bonne direction.

Que Nkunda soit ougandais, rwandais, burundais ou américain, je sais moi que son village s’appelle Jambo et que c’est ce terroir là qui le définit prioritairement comme Africain né quelque part au centre du continent noir.

L’important est ce qu’il fera pour ce terroir, pour le pays où il est né, pour la région où il a grandi et pour le continent qui l’a vu naître.

Je peux même dire que sa vraie identité, c’est d’être un homme, tout simplement. Cette humanité suffit pour qu’il puisse se réclamer de n’importe quelle nationalité où l’Homme est respecté et promu dans ses droits, dans ses devoirs et dans ses pouvoirs.

Nkunda, c’est vous et moi dans notre humanité profonde, malgré nos cartes d’identité qui ne sont que des astuces juridiques pour s’orienter quelque peu dans un monde violent et fou.

Qu’il soit en villégiature dans un hôtel, comme vous dites, ou en résidence surveillée dans une villa quelque part à Gisenyi, comme dit Paul Kagame, Nkunda est pour moi un compatriote en humanité, qui doit être jugé en toute transparence, s’il y a des charges contre lui, ou libéré purement et simplement, s’il est une simple victime de la géopolitique des Grands Lacs où tous ceux qui sont au pouvoir ne peuvent pas se définir comme des hommes aux mains propres.

Plus fondamentalement, dans un contexte où le sang humain a été versé et des crimes indescriptibles commis, il convient de recourir aux pratiques africaines d’exorcisme collectif, avec un nouveau pacte de paix social qui décrète de tourner la page, une fois pour toutes, malgré la férocité et l’inhumanité de ce qui a été commis. L’important, c’est de construire un avenir qui garantisse que de tels actes ne se reproduiront plus.

Quand j’étais enfant, j’ai vu les chefs Lulua et Luba du Kasaï recourir à ce pacte de sang pour éviter le retour de la violence meurtrière. Depuis ce pacte et malgré tous les crimes, Luba et Lulua ne sont jamais plus massacrés.

C’est une expérience d’humanité africaine profonde à laquelle on devrait recourir, au lieu de perdre du temps avec la fausse justice qui punit certains criminels en laissant d’autres criminels au pouvoir dans des pays qu’ils ont mis à feu et à sang.

8. Réveil FM: Vous avez vécu en France, puis en Centrafrique, au Sénégal, au Bénin et au Cameroun. Quelle est votre analyse de la question de la nationalité congolaise comme une et exclusive ?

Kä Mana: La nationalité congolaise une et exclusive est un héritage de la dictature. Héritage dont la diaspora congolaise sait qu’il ne nous est d’aucune utilité.

Les pratiques ont déjà dépassé le droit congolais actuel et beaucoup de nos compatriotes ont deux ou trois nationalités de fait.

S’il était donné à chaque Congolais et à Chaque Congolaise de décider sur cette question, je parie que la majorité ne verrait aucun inconvénient à voir nos compatriotes devenir à la fois Congolais et Américains, Congolais et Belges, Congolais et Français.

La double ou triple nationalité les enrichirait et enrichirait le pays, tellement il est évident qu’un Congolais reste toujours Congolais, même s’il devient Américain, Belge ou Français.

J’ai dernièrement posé à mes étudiants au Cameroun la question de savoir de quelle nationalité étaient les personnalités suivantes : Léopold Sédar Senghor, V.Y. Mudimbe, Bertin Mampaka et Cheikh Modibo Diarra. Personne n’a répondu que Senghor était français, V.Y. Mudimbe américain, Bertin Mampaka belge et Cheikh Modibo Diarra américain.

Pour tous les étudiants, l’académicien français Senghor est sénégalais, le professeur américain Mudimbe est congolais, l’échevin belge Mampaka est congolais et le scientifique américain Modibo Diarra est malien.

Cela veut dire qu’une deuxième nationalité n’annule pas la première. Tous les Congolais, toutes les Congolaises le savent, malgré l’étroitesse du droit congolais qui est hors de la réalité.

A mon sens, il est bon de reprendre sur cette question de la nationalité le message du prophète Jérémie à ses compatriotes : installez-vous sur les terres étrangères, prenez leurs femmes, mettez des enfants au monde, enracinez-vous là-bas, prenez la nationalité locale, enrichissez-vous en enrichissant vos terres d’accueil, ouvrez-vous au vaste monde sans jamais oublier votre terre natale que vous devez enrichir de votre expérience.

Les Juifs n’ont jamais oublié ce message de Jérémie. Nous connaissons leur place dans l’histoire de l’humanité et leur vitalité dans le monde d’aujourd’hui. Je rêve d’un même destin pour les Congolais.

9. Réveil FM: Les élections ne sont pas une panacée pour signifier qu’un pays est démocratique, disent certains. Quelles sont les leçons à tirer des élections de 2006 en RDC ? Quelles sont les erreurs à éviter pour les futures élections dont nous espérons quelles auront lieu en 2011 ?

Kä Mana: Comme je considère qu’il n’y a pas eu élections au Congo en 2006, je ne peux pas répondre à cette question. Joseph Kabila a été nommé Président de la République par des faiseurs de Rois. Il est là par leur volonté et je ne pense pas qu’actuellement ces maîtres du jeu ont changé d’avis.

Je suis même sûr, à la lumière de ce qui se passe dans la ruine économique et politique de notre pays, qu’ils ont fait avaler à Joseph Kabila la pilule de la soumission à la communauté internationale et de la vassalité face Rwanda comme condition de son maintien au pouvoir en 2011.

Comme le trône sur lequel il est assis ne lui a pas été donné par le peuple congolais, rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

Je traduis : laissez à Joseph Kabila la logique qui est celle de Joseph Kabila, entrez plutôt dans la logique d’une autre politique dont Dieu serait le centre d’impulsion.

C’est cette politique du bien qui, si elle est incarnée dans des pratiques concrètes du refus de la violence et du mensonge au nom de la vérité et de l’authenticité humaines, aura raison de l’actuelle politique des fausses élections.

Je précise : si vous voulez attaquer la politique actuelle avec les moyens et les méthodes de la politique actuelle, vous donnez à la politique actuelle l’espace pour gagner une bataille qui correspond à sa vision du monde.

En revanche, si vous inventez de nouvelles méthodes où la raison, la foi, l’éthique et la spiritualité irriguent la politique, vous contribuez à créer un autre monde possible.

Contre la voie courte de la violence meurtrière, je crois à la voie longue d’une politique de l’humain. Ce n’est pas du pétainisme, c’est la force de l’Esprit dont les hommes comme Gandhi et Martin Luther King ont manifesté la fécondité.

Ces hommes ont changé le monde en profondeur, Pétain pas.

Ce sont ces hommes qui devraient inspirer notre action politique en RDC, face aux forces intérieures et extérieures de destruction et d’anéantissement.

10. Réveil FM: L’année prochaine, la RDC fêtera son 50ème anniversaire d’indépendance. Quel bilan pour l’intelligentsia congolaise ?

Kä Mana: L’indépendance du Congo n’est pas derrière nous comme un acquis, elle est devant nous comme exigence. En 1960, nous sommes passés du système colonial au système néocolonial, avec les résultats que nous voyons aujourd’hui : un pays exsangue, ruiné, étranglé et cassé dans ses ressorts vitaux.

Mais ce pays n’est pas mort. Brisé dans sa créativité par une élite néocoloniale aliénée et étourdie, il a réussi à susciter une nouvelle élite qui lutte aujourd’hui pour notre vraie indépendance.

Dans les débats congolais sur le net aujourd’hui, je sens de vraies douleurs d’enfantement, j’entends des cris de souffrance d’un pays en parturition. Un pays qui a le devoir de former et d’éduquer une nouvelle élite dont l’esprit sera bâti sur la liberté, la dignité, la reprise de l’initiative historique et le bonheur communautairement partagé, dans le cadre d’une région des Grands Lacs pacifiée, d’une Afrique unie et d’un monde devenu une maison commune pour tous ses habitants, idéalement parlant.

Si nous tentons une démarche évaluative de nos 50 ans d’indépendance, nous devons dire clairement que nous avons besoin d’une nouvelle intelligentsia pour une nouvelle indépendance.

C’est devant nous que nous devons regarder, dans de nouvelles utopies et de nouveaux rêves au lieu de nous focaliser sur le passé, avec ses défaites et ses catastrophes dont nous savons à quel point nous en sommes responsables, nous Congolaises et Congolais, dans la structuration de notre esprit, de nos mentalités, de notre imaginaire et de nos pratiques sociales.

 

 

Réveil-FM

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