Kampala ou la quadrature du cercle.

Makoko Firmin

31/01/13

 

kampala.jpgA Kampala, le M23  et  le gouvernement congolais parlent Bonne gouvernance, transparence, décentralisation et de manière plus générale, démocratie et respect des droits de l’homme… Tel est le vocabulaire devenu récurrent depuis les années 1990 dans le discours des hommes politiques africains en général et congolais en particulier. 

On oublie trop souvent que ce brusque intérêt des dirigeants africains aux principes démocratiques et à l’État de droit, loin d’être fortuit, est en réalité provoqué à la fois par une aspiration de plus en plus pressante des populations au respect de leurs droits et libertés fondamentales, mais également et surtout par les bailleurs de fonds, suivis en cela par les pays riches du Nord, qui depuis les années 1980, ont lié l’octroi de leurs aides à l’existence, dans les pays qui en seraient bénéficiaires, à un minimum de démocratie dans l’exercice du pouvoir et à une gestion plus saine des deniers publics.

Cette « conditionnalité démocratique » apparue ainsi après la guerre froide, a eu davantage de retentissement pour les pays francophones d’Afrique notamment, lorsque le président François Mitterand, dans son discours du 20 juin 1990 à La Baule, l’a brusquement introduite dans la politique africaine de la France jusque là marquée par une opacité et un paternalisme qui ne pouvaient qu’entraîner, à long terme, un discrédit auprès des Africains eux-mêmes et de l’opinion internationale, témoins des importants bouleversements intervenus, à la même époque, dans les pays de l’Est.

Où en est-on 23 ans après La Baule ?

Alors que la plupart des Etats africains ont adopté des systèmes politiques dits représentatifs, on constate encore trop souvent une confiscation des destins collectifs par les gouvernants que ce soit par des modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir ou par des distributions parcellaires et inégalitaires de revenus. Des progrès au niveau du multipartisme et de la liberté de la presse ont été accomplis depuis une vingtaine d’années, certaines élections se sont bien déroulées, par exemple au Ghana. Mais pour la RDC, il reste encore un long chemin à parcourir pour concilier élections et démocratie.

Les populations fragilisées par l’extrême pauvreté sont la proie des politiciens qui recourent à des pressions alimentaires, médiatiques, religieuses, tribales. A quelle sorte d’hommes d’Etat a-t-on affaire lorsqu’ils faussent le résultat des urnes par la distribution généreuse de cadeaux et de billets de banque pour l’achat des voix ? Un proverbe qui n’est pas qu’africain dit « Ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Un adage, fort dommage, confirmé  lors des dernières élections en RDCongo.

Dans un contexte où l’analphabétisme, conséquence du manque de moyens consacrés à l’éducation, est encore trop répandu, les hommes politiques ont la facilité de formuler des promesses ou des affirmations qui ne sont pas écrites et qu’il est difficile de contrôler ou de réfuter par la suite. Les classes moyennes, bien qu’averties, ne sont pas maîtresses de leur souveraineté. Pire, ces hommes politiques ont créé des milices tribales qui mettent à feu et à sang leurs propres terroir, l’exemple du Nord-kivu, de l’ Ituri, du Katanga,  du Sud-kivu, du Kasai, de l’Equateur ne sont pas des exceptions qui confirment la règle. Comme on peut le constater, quasi toutes les provinces de la RDC sont la proies des guerres ethniques entretenues par le pouvoir et ses représentants.

Alors que dans la plupart des sociétés africaines, la culture politique est celle du consensus, la règle de la victoire de la majorité, qui est celle des démocraties occidentales, crée des gagnants et des perdants. Perdre est alors perçu par les dirigeants en place comme une humiliation et gagner signifie que le sort du peuple, qu’il le veuille ou non, est entre les mains de quelques « gros bonnets » qui ont tout le pouvoir de décider pour les autres. En RDCongo, le PPRD et ses partis alliés, très souvent par opportunisme, estiment que l’opposition n’a pas voix au chapitre. Le risque au niveau des jeunes et du peuple en général est d’en arriver à un tel dégoût de la politique qu’il conduise à la passivité, ou au pire à la violence. Que dire aussi du poids résiduel des anciennes puissances coloniales et d’autres interventions externes, notamment lorsqu’elles financent officiellement une partie du budget des élections ou garantissent aux gouvernants politiques une part de prédation des richesses naturelles qu’elles exploitent ?

C’est pourquoi des voix indignées, à l’instar du M23 s’élèvent de plus en plus dans la société congolaise pour tenter de changer la politique afin qu’elle s’exerce au bénéfice du peuple souverain primaire et non au profit d’intérêts particuliers. Et ça, Kinshasa ne veut surtout pas en parler.

 

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