L’émancipation politique du CNDP.

AFP

07/11/08

 

En l'espace de deux ans, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) est passé du statut de consortium d'ONG locales à celui de mouvement dissident militaire mais aussi politique. Il est aujourd'hui un interlocuteur incontournable.

 Grande absente du sommet de Nairobi vendredi  sur la crise dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la rébellion de Laurent Nkunda, à ses débuts une dissidence de soldats mécontents, se veut désormais un mouvement politico-militaire aux ambitions nationales.
  
Sur le papier, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), qui a infligé ces derniers jours une défaite cuisante à l'armée congolaise dans l'est, se présente comme un rassemblement "social-démocrate et humaniste ouvert à tous", avec pour programme de "restaurer la dignité des Congolais".

Le CNDP a officiellement vu le jour en juillet 2006 dans la province du Nord-Kivu. Il est l'héritier d'ONG locales, comme Synergie nationale pour la paix, qui entendait lutter contre "l'idéologie du génocide" anti-tutsi.
  
Son chef Laurent Nkunda, un Tutsi du Nord-Kivu, a fait son apparition sur la scène internationale en s'emparant brièvement en juin 2004, avec plusieurs centaines de soldats mutins, de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu. Il s'agit d'un ex-général mutin de l'armée congolaise.
  
"D'un petit groupe au discours victimaire, on est passé à un mouvement se positionnant au niveau national", analyse Stewart Andrew Scott, auteur d'une biographie à paraître de Laurent Nkunda.
  
"Le CNDP est désormais un mouvement politico-militaire avec deux branches bien organisées et un discours politique de plus en plus structuré", explique M. Scott.
  
Le groupe a achevé sa mue fin septembre, quand il a annoncé sa transformation en "mouvement de libération nationale", appelant les Congolais à se soulever contre le gouvernement.
  
Avec 3.500 hommes, le CNDP "veut se donner une image politique, mais reste un mouvement militaire", observe une source diplomatique.
  
Le CNDP, qui se présentait jusqu'à récemment avant tout comme un défenseur de la communauté tutsie congolaise, affiche plusieurs revendications: d'abord et toujours, la neutralisation des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
  
Il réclame le retour dans leur pays des Congolais –essentiellement tutsis– réfugiés au Rwanda, Burundi et en Ouganda voisins.
  
Les rebelles exigent aussi une redéfinition des modalités de "brassage" au sein de l'armée congolaise, conditions qui avaient poussé Nkunda à prendre le maquis.
  
Lancé en 2004, le "brassage" prévoyait le désarmement de tous les groupes armés de RDC, puis la démobilisation ou l'intégration de ces éléments dans une armée unifiée.
  
Les combats entre le CNDP et l'armée congolaise sont récurrents depuis 2006. Depuis la reprise des violences à grande échelle fin août, le CNDP veut désormais imposer au président Joseph Kabila des négociations en tête-à-tête.
  
Selon tous les observateurs indépendants, les Tutsis du Nord-Kivu, plus particulièrement ceux de Rutshuru, constituent la moelle épinière du CNDP.
  
Nkunda a tenté, apparemment sans succès jusqu'à présent, de recruter des Banyamulenge, Tutsis du Sud-Kivu.
  
"La base combattante, ainsi que la branche politique du mouvement, sont en revanche beaucoup plus diversifiées" que la direction, avec des Hutus, des Nandes…etc, observe M. Scott.
  
Nkunda "a compris l'importance d'élargir sa base, il veut être plus représentatif de toutes les communautés du pays".
  
"Notre chef est un Tutsi, c'est pourquoi la culture de la haine ethnique nous désigne comme un mouvement tutsi", assure le porte-parole du CNDP, Bertrand Bisimwa, lui-même Shi du Sud-Kivu.
  
Le CNDP est bien organisé, avec une chaîne de commandement efficace, et des méthodes semblables au Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion tutsi). La rébellion nie cependant tout soutien direct du Rwanda, malgré les accusations récurrentes de Kinshasa.
  
Le chef d'état-major du CNDP, Bosco Ntaganda, est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour son implication présumée dans des crimes de guerre et enrôlement d'enfants-soldats en Ituri (Province Orientale, nord-est).

 

AFP

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