POURQUOI LE CNDP S’EST RETIRE MOMENTENEMENT DU PROCESSUS DE GOMA ?

Bahati Amani

27/02/08

 

denis_kalume.jpgTous ces derniers jours, les supputations vont bon train pour commenter la décision du CNDP de surseoir sa participation au processus de Goma. Mais des débats se multiplient et des interviews abondent sur les raisons de ce retrait. Cette décision n’est pas une affaire réactionnaire, comme le fait souvent le gouvernement congolais, chaque fois qu’il fait face à l’incohérence de son système ou, qu’il veut divertir les partenaires nationaux et étrangers. Cette décision du CNDP est le fruit d’une longue observation et surtout, elle fait suite à l’attitude du gouvernement congolais qui abuse de la bonne foi des autres signataires de l’acte d’engagement. Tout commence à Goma, lorsqu’on prive la conférence de tout pouvoir décisionnel. On ne lui avait conféré qu’un pouvoir d’écoute et de suggestion. Quant aux décisions, elles devraient être l’œuvre du gouvernement de Kinshasa. C’est là l’origine du problème qui est en train de mettre en mal tout le processus.

Après avoir mobilisé des millions des dollars, après avoir déplacé des délégations de partout, pour venir souffrir des jours durant à Goma, la conférence sur la paix et le développement s’est contentée de faire des propositions que le gouvernement devait avaliser. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Monsieur Joseph Kabila, président de la république a publié une ordonnance taillée à sa mesure. Alors que, le CNDP est le principal protagoniste de la crise, contre le gouvernement et ses supplétifs, l’ordonnance est venue accorder au CNDP deux places au milieu des groupes armés proches du pouvoir. Le CNDP devrait donc se retrouver seul, face à un armada de groupes armés plus le gouvernement, ce qui ne peut lui permettre de faire passer aucune idée. En agissant ainsi, le gouvernement sait ce qu’il fait. Il a confirmé la logique selon laquelle, ce qu’il a perdu par les armes, qu’il le récupérait par un semblant de dialogue. Le jeu du gouvernement consiste à armer les miliciens Pareco, pour leur permettre de déstabiliser le CNDP en permanence. Dès que le CNDP a annoncé la suspension de sa participation, les Mai Mai, poussés par le gouvernement en ont fait autant. Pourtant, l’attitude du CNDP est à situer dans un contexte large où, le gouvernement profite de son pouvoir médiatique, financier, politique et social, pour asservir la population congolaise. A ce sujet, le Ministre d’Etat à l’intérieur, le Général Denis Kalume a déclaré que : « Le gouvernement a pris les engagements à la demande du CNDP, et l’ordonnance de la désignation des animateurs a été signée par le président de la république. Le gouvernement respectera ses engagements et ira jusqu’au bout de sa logique de mettre la paix partout. Même s’il faut l’imposer par la force, il le fera ». C’est la parole d’un militaire ! Mais peut-on imposer la paix en RDC ?

  

Cette déclaration est saisissante de légèreté. Le gouvernement congolais prend les autres pour des idiots et pense qu’il peut les manipuler comme il le fait avec les groupes armés à sa solde. En prenant la responsabilité de falsifier les acquis de la conférence de Goma, en signant une ordonnance taillée sur mesure, il fait le choix du pire comme à son habitude. Cette attitude est une suite logique aux déclarations incendiaires de Monsieur Tchikez Diemu, ministre de la défense nationale à la rencontre de Bunia, en fin janvier dernier. Elle suit aussi la logique de plusieurs caciques du
gouvernement, qui croient à la thèse « mythique » de la trahison, pour justifier la défaite de Mushake. Cette attitude a été confirmée par les affrontements de Kamina, leur origine est essentiellement tribale. Il y a d’une part, les commandos congolais et d’autre part, les « autres » : c’est-à-dire, les Kivutiens. Cette situation a montré les limites du processus de brassage de l’armée en RDC et le simplisme des militaires, incapables de défendre l’intégrité du territoire pour passer leur temps à jouir des biens volés ou pillés auprès des civils. Alors que, les militaires venus du Kivu sont taxés injustement de rwandais, les autres ont été retirés des zones occupées par les Mbororo et la LRA, notamment Gambari, Kengezi ou Aba, où ils ont été incapables de défendre les intérêts de la nation contre ces étrangers. C’est à Kamina qu’ils viennent montrer qu’ils sont congolais, laissant le territoire
entre les mains des éleveurs centrafricains et des rebelles ougandais. Les responsables de la société civile du Nord et du Sud Kivu qui ne sont rien d’autre que des représentants des Mai Mai, ont profité du micro de radio Okapi pour dire tout le mal qu’ils pensent du CNDP, sans proposer aucun alternatif excepté l’allégeance au pouvoir de Kinshasa.

La décision du CNDP de se retirer momentanément du processus de Goma, est bel et bien justifiée. Il met à nue, la manœuvre gouvernementale, consistant à jouer avec le feu, fondant tout sur des méthodes mensongères. En fait, le CNDP n’a fait que demander, la mise en place d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur les allégations portées contre lui, au sujet des violations du cessez-le feu et le meurtre d’une trentaine des civils. Ce qui est tout à fait normal. Il est hors de question, que les torts commis par des tiers soient arbitrairement imputés à un mouvement qui se
bat, avec les moyens de bord, pour rétablir l’ordre, la sécurité, la paix et le développement dans une province meurtrie. Au Kivu, les populations vivent parfois comme des citoyens sans dirigeants. On ne voit les services étatiques que pour réclamer les impôts et les taxes. Pour le reste, c’est le chacun pour soi. Il était donc nécessaire que le CNDP suspende sa participation à cette blague initiée par les assoiffés des frais des missions. Cette décision permettra de faire le point sur les avancées dans la mise en œuvre des accords de Goma, et sur les différents blocages que connaît le processus et leurs auteurs. Mais, les déclarations des membres du gouvernement, la situation sociale chaotique, l’injustice dans les casernes militaires dont le massacre de Kamina est la nette manifestation montrant que le miracle de développement en RDC doit attendre.
Lorsqu’on se trouve sur une route et que la direction semble confuse, on s’arrête pour vérifier la carte, afin de voir si on ne s’est pas trompé de route. C’est pareil lorsqu’on roule dans une voiture et qu’un mauvais bruit apparaît. On s’arrête pour vérifier si tout va bien, sinon on le regrette plus tard. Le CNDP reste dans cette
logique consistant à faire le bilan du chemin parcouru par la nation, depuis la signature des engagements à Goma.

Toute interprétation tendancieuse de la décision du CNDP, n’est qu’une allégation de plus, pour confirmer la mauvaise foi du gouvernement de Kinshasa. Mais personne ne le laissera faire. 

www.kivupeace.org 

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