RDC: Discours de Joseph Kabila ce samedi 15/12/12 sur l’état de la nation.

Honorable Président de l’Assemblée Nationale, 

Honorable Président du Sénat, 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Mes Chers Compatriotes, 

Comme de coutume, Me voici devant vous pour présenter l’état de la Nation. J’aurais bien voulu Me livrer à cet exercice dans une ambiance de paix et de sécurité sur l’ensemble du territoire et passer en revue les activités menées dans tous les secteurs de la vie nationale.

 

Mais hélas ! Notre pays traverse des moments difficiles. 

Une fois de plus, une guerre injuste nous est imposée. 

Tout a été dit sur cette guerre d’agression de la part du Rwanda. Des preuves suffisamment documentées sont fournies aussi bien par nos services spécialisés que par différents rapports des Nations Unies. 

Soyez cependant rassurés. 

La République Démocratique du Congo va rebondir. Et notre programme de reconstruction nationale et de modernisation va se poursuivre. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

La situation de notre pays étant telle, vous conviendrez avec Moi que Je focalise l’essentiel de mon propos sur la situation sécuritaire et humanitaire actuelle dans la Province du Nord-Kivu.En effet, pour Moi, dès lors qu’une partie du territoire national se trouve en péril, c’est toute la République Démocratique du Congo qui est concernée et interpellée. C’est tout son développement qui est hypothéqué. Car, sans paix, sans sécurité, tout effort de développement n’est qu’illusion. 

Je voudrais, dès lors, vous entretenir d’abord de cette situation. Je vous exposerai ensuite les efforts engagés ainsi que des pistes de solutions en vue à court, moyen et long terme pour y mettre fin. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

C’est depuis fin mars 2012 que des éléments à la solde des intérêts étrangers, ont entrepris de semer le trouble et la désolation dans la province du Nord-Kivu. 

A l’origine, ce fut une mutinerie, justifiée par des allégations de non-application, par le Gouvernement de la République, de l’Accord de Paix du 23 mars 2009, conclu entre le Gouvernement et une trentaine de groupes armés. 

Aujourd’hui, l’accord n’est contesté que par un seul d’entre eux, et en fait par quelques-uns d’entre eux. 

Cette mutinerie s’est ensuite muée en une rébellion, aux motivations fluctuantes et élastiques, variant en fonction des alliances et des circonstances. 

La stratégie mise en place est simple : susciter des foyers de tension, et provoquer l’insécurité à plusieurs endroits de la République ; décourager les investissements, et empêcher la mise en œuvre du programme de reconstruction nationale. Bref, créer le chaos et justifier la balkanisation de notre pays. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Au moment où Je vous parle, près d’un million de nos compatriotes du Nord-Kivu vivent le cauchemar d’une guerre que nous n’avons, ni directement, ni indirectement provoquée. 

Une guerre dont les véritables concepteurs et commanditaires sont aussi insaisissables que le sont leurs motivations profondes, sujets tabous, parce qu’inavouables. 

Poussés à l’errance, victimes d’actes de terrorisme et d’exactions propres à un autre âge, nos compatriotes des territoires de Rutshuru et Nyiragongo sont privés des droits les plus élémentaires reconnus à toute personne humaine : meurtres, assassinats, viols, enlèvements, détentions arbitraires, enrôlement forcé des enfants mineurs, pillage systématique des biens des particuliers et des biens publics, y sont perpétrés à grande échelle. 

Meurtris au plus profond de nous-mêmes, nous exprimons, à ces compatriotes affligés, notre fraternelle compassion. 

Nous nous inclinons devant la mémoire de tous ceux qui ont trouvé la mort, du fait de cette guerre. 

De même, nous rendons un hommage mérité aux vaillants soldats, caporaux, officiers, comme aux éléments de la Police Nationale et des services de sécurité, qui ont combattu avec bravoure, et dont certains sont tombés sur le champ d’honneur. 

En leur mémoire à tous, Je vous convie à garder une minute de silence.  

Je vous remercie. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

N’en déplaise aux prophètes de malheur qui projettent le démembrement de notre pays, la République Démocratique du Congo est et restera toujours un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible. 

Il est vrai que nous avons, il y a peu, perdu une bataille. Mais, comme dans la vie d’un homme, un échec, dans l’existence d’une nation, n’est pas une fatalité. Le plus important c’est de se ressaisir et de se donner les moyens de se projeter positivement dans l’avenir. 

Apprêtons-nous donc à défendre notre mère patrie jusqu’au sacrifice suprême. 

C’est dire que nous ne ménagerons aucun effort pour reconquérir les territoires occupés. 

Rien, aucune souffrance, aucune privation, aucune adversité ne fera fléchir notre détermination à défendre l’intégrité territoriale, à préserver l’unité et la cohésion nationales. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Pour mettre fin à cette nouvelle guerre, nous nous sommes, dès le début, déployés sur trois fronts : diplomatique, politique et militaire. 

Sur le plan diplomatique, la guerre au Nord Kivu et la situation humanitaire qu’elle a engendrée, ont justifié, notamment, la convocation, en sept mois, de cinq Sommets extraordinaires de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs ; de deux Sommets de la SADC ; d’un Forum de Haut Niveau qui a réuni 24 entités, Etats et organisations, à l’initiative du Secrétaire Général des Nations Unies ; d’une rencontre tripartite République Démocratique du Congo, République du Rwanda et Etats Unis d’Amérique ; deux résolutions du Conseil de Sécurité et trois déclarations de son Président. 

Grâce à cette offensive diplomatique, les Etats de la Région des Grands Lacs ont officiellement et unanimement identifié toutes les forces négatives qui y sévissent. 

Vu la dégradation de la situation et l’érosion conséquente de la confiance entre notre pays et le Rwanda, l’intervention d’une Force Internationale Neutre a été décidée par la Région des Grands Lacs avec, pour mission, la surveillance de la frontière entre notre pays, le Rwanda et l’Ouganda d’une part, et d’autre part, l’éradication des forces négatives. 

S’agissant de cette force, notre pays, premier concerné par la crise, s’est déjà acquitté de ses engagements. 

Pour sa part, la SADC, afin de prêter main forte aux efforts du Gouvernement et de la Région des Grands Lacs, a décidé, lors de son dernier Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement, de participer directement à la concrétisation de la Force Internationale Neutre en activant et en rendant disponibles ses forces en attente. 

En ce qui concerne la Monusco, en dépit de certaines réalisations communes indiscutables, telles que la réunification du pays depuis 2003 et l’accompagnement dans le processus démocratique en cours dans notre pays, force est de constater que la crise actuelle a donné la preuve, une fois de plus, des limites de l’approche de son action dans notre pays. D’où une profonde frustration du Gouvernement et de la population congolaise. 

Au départ force d’observation, ensuite devenue une force de maintien de la paix avec pour mission particulière de protéger la population, ses résultats demeurent jusqu’ici mitigés. 

C’est pourquoi, tout en poursuivant notre collaboration avec les Nations Unies, nous avons exigé un réaménagement de son mandat afin de le mettre en phase avec les réalités du terrain. Nous attendons des discussions actuellement en cours au Conseil de Sécurité des Nations Unies qu’elles aboutissent à son renforcement. 

Sur le plan politique, poursuivant la quête d’une solution à ce conflit armé, le Gouvernement a accepté de rencontrer, sous l’égide de la Région des Grands Lacs, ceux qui ont comploté et agressé la République Démocratique du Congo afin de vider le prétexte de la déstabilisation. 

Une délégation officielle, représentative de toutes les institutions politiques de notre pays et de la société civile a été dépêchée à Kampala pour des échanges qui ont commencé lundi dernier. 

S’agissant de la nature de ce mouvement, de ses dirigeants, de ses motivations et de ses projets, la vérité est connue de tous. Au pays, dans la Région, comme partout ailleurs dans le monde. 

Je tiens à préciser que les échanges de Kampala ont pour objet de clarifier les enjeux et de situer les responsabilités dans cette guerre. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Le troisième front est celui dans lequel se trouvent engagées le Forces Armées de la République Démocratique du Congo. 

Certes, nous poursuivons nos efforts diplomatiques et politiques. 

Mais, après toutes les expériences vécues, comment ne pas constater que l’attitude et les agissements de ceux qui nous font la guerre de manière récurrente, prouvent que seule une armée républicaine forte nous permettra de garder notre dignité et de sauvegarder l’intégrité territoriale de notre pays. 

Désormais, au-delà de toutes nos actions pour le développement, notre priorité sera la défense de la patrie. 

La défense, rien que la défense, avec une armée dissuasive. Une armée nationale, apolitique et professionnelle. Bref, une armée qui rassure notre peuple dans toute sa diversité ; une armée dont notre peuple sera fier, et qu’il soutiendra en tous temps et en toutes circonstances. 

C’est dans cette optique que nous entendons poursuivre, à un rythme plus accéléré, le renforcement des capacités de nos forces armées. 

A cet effet, toutes les Lois concernant la réforme des forces armées ainsi que leurs mesures d’application devront être scrupuleusement observées. 

C’est ici, pour Moi, l’occasion de lancer un appel à la Nation toute entière pour que, désormais, elle s’approprie l’enjeu de la défense nationale. 

De même, conformément au programme du Gouvernement, Je demande à chacun d’entre nous, dans sa sphère d’action et d’influence, de sensibiliser notre jeunesse à s’enrôler massivement au sein de nos forces de défense et de sécurité, afin que celles-ci deviennent le rempart implacable de la défense de la patrie. 

Sur ces trois fronts, diplomatique, politique et militaire, nos efforts vont se poursuivre sans relâche jusqu’à la victoire et à une paix définitive et durable pour nous-mêmes et pour la Région. 

Honorables Députés Honorables Sénateurs, 

La gravité de la situation dans laquelle se trouve notre pays ne doit pas détourner notre attention et nos énergies de la recherche d’un Congo plus radieux. 

Certes, l’année qui s’écoule a été difficile. Mais, elle nous a permis de réaliser des avancées incontestables. 

Au plan politique, les différentes actions engagées ont été focalisées sur le renforcement de notre jeune démocratie et la consolidation de l’Etat de droit. 

Les dernières élections des Gouverneurs de province dans le Bas-Congo, la Province Orientale et le Kasaï-Occidental ont démontré la vivacité de notre système politique dans lequel toutes les libertés sont admises et les contradictions, acceptées. 

La Commission Electorale Nationale Indépendante, qui a fait l’objet d’un large débat dans les deux Chambres du Parlement, est en cours de réforme. 

La décentralisation, exigence de notre Constitution, se poursuit. D’importantes étapes ont été franchies. Il en est ainsi du transfert de certaines compétences aux instances provinciales. Les projets de lois organiques fixant les limites des provinces et celles de la Ville de Kinshasa ainsi que celui portant programmation des modalités d’installation des nouvelles provinces sont en examen au Parlement. 

Je voudrais, cependant, attirer votre attention sur quelques pratiques en cours dans nos Assemblées. 

Si le débat caractérise la démocratie, les agissements de certains responsables n’augurent pas de l’exercice d’une bonne gouvernance. 

Le débat politique doit se tenir dans le respect des règles de la décence, de la courtoisie et avec un sens de responsabilité. L’homme d’Etat, attentif aux intérêts de la Nation, ne saurait se confondre à ces politiciens qui ne privilégient que leurs propres calculs. En cette période de guerre, la mobilisation de tous est requise. 

Ne tombons pas non plus dans le piège de la stigmatisation, quelle qu’elle soit : ethnique ou communautaire, régionale ou politique. Il n’y a pas une République pour la Majorité et une autre pour l’Opposition. Nous n’avons qu’une seule République : la République Démocratique du Congo. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Dans l’élan de consolidation de l’Etat démocratique, différentes autres initiatives et actions ont été menées. 

Le Parlement vient de voter la loi relative à la création de la Commission Nationale des Droits de l’Homme. 

Un projet de loi sur la parité Homme–Femme a été adopté. 

Et dans un autre registre, notre pays a accueilli avec dignité, organisé et dirigé avec efficacité le Sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui, pour sa 14ème session, s’est réuni, pour la première fois de son histoire, en Afrique Centrale. 

Quant aux réformes économiques, elles ont donné des résultats encourageants : un taux de croissance de 7,2%, un taux d’inflation de 3%, un des plus bas de notre histoire, une monnaie nationale stable, et des réserves de change de plus en plus importantes. 

Cependant, beaucoup de Congolais semblent fatigués d’entendre parler d’excédents budgétaires, et de stabilité du cadre macro-économique, alors que les conditions de vie de nos populations ne s’améliorent pas dans les mêmes proportions. 

Un peu de créativité, doublée de volontarisme, s’impose. 

La dure réalité est qu’aussi significatifs qu’ils soient, les acquis de ces dernières années ne sont qu’une étape de la longue marche vers la pleine satisfaction des attentes de la population, singulièrement en termes d’emplois et de revenus. 

Nous devons donc redoubler d’efforts. 

En ce qui concerne notre programme de reconstruction nationale et de modernisation, comme je l’ai dit au début de mon adresse, nous sommes déterminés à le poursuivre sans désemparer. 

C’est, pour notre pays, la condition de son émergence. 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale, 

Honorable Président du Sénat, 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Chers Compatriotes, 

Pour nous affaiblir, la guerre nous a été imposée à nouveau. 

Il nous incombe, en tant que Nation, de la transformer en opportunités : 

Opportunité de raffermir encore davantage notre volonté de vivre ensemble en tant que Congolais, convaincus d’être unis par le sort, et délibérément unis dans l’effort, pour bâtir un pays toujours plus beau, et préserver à jamais, notre indépendance, et notre souveraineté. 

Opportunité aussi de repenser nos priorités et de consacrer à la défense du territoire national, une part conséquente de nos énergies, et de nos ressources. 

Opportunité de jeter les bases qui permettent à notre pays de devenir, à tous égards, une véritable puissance, ultime assurance contre tout projet diabolique, garantie de la sécurité des Congolais et de leurs biens, de la paix sociale et de la stabilité nationale et régionale. 

Il est en effet important, au sortir de cette guerre, par les décisions que nous prendrons et les réformes que nous poursuivrons, par l’unité de volonté et d’action dont notre peuple fera la démonstration, que notre message aux ennemis de notre pays soit clair et sans équivoque, à savoir : toute nouvelle tentative d’agression sera suicidaire. 

Pour y parvenir, la cohésion nationale est plus que nécessaire. Elle requiert que nous oubliions nos divergences pour nous retrouver autour de ce qui nous est le plus cher à tous : le Congo. 

Cette cohésion ne peut souffrir d’aucune conditionnalité. Elle se réalisera dans un cadre approprié et ouvert à toutes les forces politiques et sociales du pays. Une initiative sera prise incessamment à cet effet et les modalités de sa réalisation en seront précisées le moment venu.  Face à une situation historique qui met la Nation en péril, plus qu’une responsabilité, la cohésion nationale s’impose à nous tous : acteurs politiques, société civile, forces de défense et de sécurité et toutes les forces vives de la Nation. 

La défense de notre cher et beau pays est l’affaire de tous, de même que la préservation de la paix nous concerne tous. 

Je suis convaincu qu’avec l’implication de chacun de nous, et avec l’aide de Dieu, ce défi sera relevé. 

Honorables Députés et Sénateurs, 

Mes Chers Compatriotes, 

Je vous remercie pour votre attention.

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