RDC: le M23 et Kinshasa dans une délicate phase de négociations.

AFP

04/12/12

 

jm_runiga.jpgLa rébellion congolaise du M23, après s'être retirée de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), va désormais entrer dans des négociations qui s'annoncent difficiles avec Kinshasa, leur ordre du jour portant déjà à controverse.

Les délégations doivent se retrouver à Kampala, où les discussions sont censées débuter de façon imminente.

Pour les autorités congolaises, une délégation composée d'élus et conduite par le ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda est déjà partie pour la capitale ougandaise. Le principal parti d'opposition, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), n'est pas du voyage.

Notre première délégation va quitter (la RDC) demain" jeudi, si des problèmes logistiques, de transport notamment, sont levés, a indiqué mercredi matin le chef politique du M23, Jean-Marie Runiga. Bunagana, poste-frontière avec l'Ouganda situé à une centaine de km de Goma, est fermé. L'aéroport de la capitale de la province du Nord-Kivu vient juste de rouvrir.

"Nous espérons que (les discussions) commenceront dans les prochains jours", a indiqué le chef de l'administration du ministère ougandais des Affaires étrangères, James Mugume, confirmant "des consultations en cours sur le financement et la logistique" des négociations.

Parallèlement, se tiendra vendredi à Dar es Salaam un sommet des pays d'Afrique australe qui sera largement consacré à la RDC. Le président sud-africain Jacob Zuma devrait y prendre part. L'Angola, dans le passé important allié de la RDC, y sera aussi représenté.

M. Runiga a lui-même prévu de rejoindre Kampala pour les discussions avec Kinshasa "avant la fin de la semaine" et espère que le président de RDC, Joseph Kabila, participera aux négociations.

Mais l'exercice est difficile pour le chef de l'Etat, affaibli, et dont l'image, estiment les observateurs, serait encore davantage écornée par un face à face avec les rebelles. A ce stade, selon des sources au sein de la présidence congolaise, un déplacement de Joseph Kabila n'est pas prévu.

"Ce qui n'est pas clair, c'est l'agenda de ces négociations car le M23 semble avoir un agenda très extensible," relève Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group (ICG).

Le M23 est essentiellement composé d'ex-rebelles Tutsi congolais qui avaient été intégrés à l'armé régulière de RDC, les FARDC, après un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec les autorités congolaises.

Ils se sont mutinés il y a huit mois et combattent depuis les FARDC dans le Nord-Kivu, estimant que ces accords, portant notamment sur leur intégration politique et militaire, n'ont jamais été pleinement respectés.

Mais les rebelles n'entendent plus aujourd'hui se satisfaire d'une simple renégociation des accords de 2009.

Urgence humanitaire

"Kinshasa dit +on parle seulement des accords du 23 mars+," a noté mercredi M. Runiga. Mais "de notre côté, nous avons prévu de pouvoir parler (…) d'autres questions politiques et juridiques, ayant trait à la défense et à la sécurité, à l'économie et aux finances, au social et au développement."

Le 20 novembre, le M23 a réalisé un coup de force en prenant Goma. Le mouvement a accepté de s'en retirer au terme d'une médiation des pays des Grands Lacs orchestrée par l'Ouganda, qui prévoit, en échange, ces négociations avec Kinshasa.

Signe de la tension qui règne encore sur le terrain, la rébellion, qui était censée se retirer sur ses positions initiales à au moins 20 km de Goma, est encore postée aux portes de la capitale régionale.

Sur le terrain et dans les coulisses des négociations, les choses sont rendues d'autant plus compliquées que l'ONU et Kinshasa accusent le Rwanda et l'Ouganda, médiateur en chef, de soutenir la rébellion.

Kigali et Kampala s'en défendent mais un groupe d'experts du Conseil de sécurité de l'ONU vient de réitérer ces accusations, affirmant que les deux capitales avaient aidé les rebelles à prendre Goma.

Quelle que soit l'issue des négociations, il restera à appliquer un éventuel nouvel accord. "Ce qui a pêché la dernière fois était l'absence de mécanisme d'application, avec une mise en oeuvre finalement très biaisée de part et d'autre," rappelle M. Vircoulon.

Or, dans cette région en proie depuis des années aux exactions de multiples milices et rébellions, il y a urgence humanitaire. L'ONU estime à 130.000 le nombre de déplacés dans Goma et autour.

Mercredi, le pape Benoît XVI a lancé un appel au "dialogue" et à la "réconciliation" en RDC, soulignant le sort tragique de milliers d'habitants "contraints d'abandonner leurs maisons" ou "privés des biens de première nécessité" après des "mois d'affrontements armés et de violences".

© 2012 AFP

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