Sud-Kivu: La triste réputation des réfugiés rwandais sème la confusion.

Déo Namujimbo
13/07/07
sud-kivu.pngLes réfugiés rwandais installés dans les villages du Sud-Kivu s'efforcent de s'intégrer à la population locale. Mais ils continuent à faire peur et leurs anciens complices, les Rastas, en profitent pour imposer leur loi. Reportage en territoire de Walungu.
Impossible d'entrer ou de sortir des marchés hebdomadaires du territoire de Walungu, le plus dense de la province du Sud-Kivu, sans remettre 100 Fc et une partie des marchandises aux hommes qui gardent les barrières. "C’est depuis deux ans que la Monuc et les Fardc [militaires de l'armée congolaise, Ndlr] ont repoussé les Rwandais ici, explique Jean-Marie, un vendeur de vêtements usagés, assis devant son étal en bambou. "Si on refuse de s’exécuter, on ne peut pas vendre dans le marché ce jour-là." André Kafunga, un récalcitrant, a ainsi été bastonné publiquement par les hommes du nouveau chef de groupement installé par les Rwandais. Seul le marché de Lukiki est réservé aux soldats congolais et aux taxateurs officiels qui y récoltent des vivres et de l’argent pour eux et leurs supérieurs.

Il est bien difficile de savoir qui fait vraiment la loi dans la région. Certes, se sont installés ici des réfugiés rwandais, la plupart jeunes, qui se sont désolidarisés, il y a deux ans, des anciens soldats des Forces armées rwandaises (Far) qui se terrent toujours dans les forêts et les montagnes. "Nous n’avons rien à voir avec ceux-là. Nous étions à peine des enfants en 1994. Nous n’avons pas vécu leur génocide et ne voyons donc pas pourquoi nous devrions en payer les conséquences dans les prisons rwandaises", explique Paul Munyeshuli, l'un des réfugiés.

"Mauvais garçons"

Lorsque les réfugiés rwandais vivaient dans les montagnes et commettaient des exactions dans les villages, ils avaient pour guides et complices des habitants de la région, des mauvais garçons connus sous le nom de Rastas, prêts à tous les mauvais coups. Après leur séparation d'avec les autres, ces Rwandais sont venus vivre dans les villages de leurs amis. Les Rastas ont alors profité de la terreur qu'inspirent les Rwandais : ils se sont autoproclamés chefs de village, lèvent des taxes sur les marchés et aux barrières qu'ils érigent sur les routes, prétendant à chaque fois que ce sont les réfugiés qui les emploient. Personne ne sait plus très bien qui agit mais même les notables, selon Placide Mushagalusa, un habitant, "n’osent trop se plaindre de peur d’exposer leur population". Dans certains villages, ces "mauvais garçons", plus ou moins de mèche avec les Rwandais, sont allés jusqu’à imposer des cotisations hebdomadaires. "Si on ne donne pas les vivres et le bétail demandés, ils attaquent le village et emportent ce qu’ils veulent, pour servir d’exemple aux autres chefs de village", explique Kabugi, le chef de groupement de Luntukulu, qu'ils ont démis de ses fonctions au profit de son cousin, leur ami. "C’est inadmissible, se plaint-il, que les autorités voient tout cela et ne disent rien."
"Ce sont des hommes comme nous"

Les Rwandais s'efforcent de s'intégrer. "Nous, on n’a rien à voir avec ces assassins, même si on vient du même pays. Tout ce qu’on veut, c’est vivre tranquillement avec nos frères congolais qui nous ont accueillis", témoigne un réfugié, rencontré au marché de Kisungi à environ 70 km de Bukavu. Et d’ajouter avec un clin d'œil qu’il a voté aux dernières élections sans que personne y trouve à redire… "Il y en a de deux sortes [des Rwandais, Ndlr] : ceux de Kabare et Bunyakiri qui tuent, violent et pillent et ceux d’ici qui s’efforcent de faire oublier qu’ils viennent de loin, confirme une vieille femme. Ils parlent le mashi comme nous, si pas mieux que certains d’entre nous, et ils ont en très peu de temps pris la couleur locale." Certains se sont mariés à des femmes bashi, ont eu des enfants et même pris des noms de la contrée dont ils ont rapidement adopté les coutumes et les mœurs. La population du Sud-Kivu, ne voit aucun mal à vivre avec ces nouveaux venus. Comme le dit Alphonse, un commerçant, "ce sont des hommes comme nous et qui ont aussi connu bien des malheurs. Il faut leur donner une chance, mais aussi leur demander de cesser de faire souffrir les autochtones qui les ont accueillis". D’ailleurs, souligne un enseignant, "nous avons les mêmes coutumes ; notre histoire s’emmêle tellement qu’à part les frontières, on ne saurait parfois distinguer les Bashi des Banyarwanda, notamment ceux de Cyangugu". . De l’avis de plusieurs personnes, ce n’est pas de leur faute s’ils sont parfois un peu durs, mais celles de leurs propres frères qui étaient leurs complices lorsqu'ils vivaient dans les montagnes.
Forum Congolais

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