La France prépare une initiative de paix pour l’est de la République démocratique du Congo.

Le Monde

17/01/09

 

La France, faiseur de paix dans le Nord-Kivu ? C'est l'ambition de Nicolas Sarkozy. Le président français a partiellement levé le voile, vendredi 16 janvier, lors d'un discours à l'Elysée à l'occasion des voeux annuels du corps diplomatique, sur la teneur des propositions que Paris prépare pour tenter de remédier à l'un des conflits les plus dramatiques en Afrique.

Au Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les exactions contre les civils ont repris de plus belle après l'assaut lancé dans la région de Goma, en octobre 2008, par des rebelles que soutient le Rwanda, contre les forces gouvernementales.

L'Elysée, qui s'est opposé ces derniers mois à l'idée d'envoyer des troupes européennes d'interposition dans le Nord-Kivu, veut promouvoir une nouvelle approche qui traiterait des problèmes de fond au coeur du conflit depuis des années. Cette tentative, qui a déjà fait l'objet de consultations délicates avec le régime congolais, s'inscrit en outre dans le cadre de la volonté de Paris de normaliser sa relation avec le Rwanda.

La France met en avant trois axes principaux pour son nouvel effort diplomatique, qui doit avoir comme point d'orgue la tournée prévue en mars de M. Sarkozy en Afrique (RDC, Congo-Brazzaville, Niger). D'abord, lancer l'idée d'une coopération pacifique fondée sur des projets concrets, tels que l'exploitation en commun, par la RDC et le Rwanda, des ressources minières du Nord-Kivu, qui font l'objet de toutes les convoitises des protagonistes de la guerre. Cette piste pourrait comporter la mise en place d'une société mixte. Cela permettrait au pouvoir congolais de récupérer des revenus aujourd'hui détournés par l'exportation illégale de minerais évacués vers l'océan Indien, via le Rwanda.

Deuxième axe : une initiative sur la question foncière, qui est au coeur des tensions intercommunautaires dans le Nord-Kivu en raison d'une longue histoire de déplacements de populations.

Troisième point : travailler sur les problèmes de statut pour les minorités au Congo, singulièrement celui de la représentation politique de la minorité tutsi au niveau local.

"Il faut trouver une nouvelle approche", a dit M. Sarkozy vendredi, "pour apporter aux pays de la région l'assurance que l'ensemble des questions sera réglé d'une façon globale". Décrivant le Rwanda comme un "pays à la démographie dynamique et à la superficie petite", et la RDC comme "un pays à la superficie immense" avec une "organisation étrange des richesses frontalières", M. Sarkozy a indiqué qu'il fallait mettre en place "un dialogue non seulement conjoncturel mais structurel". Il inclurait la question du "partage de l'espace et des richesses".

L'initiative française a été au centre d'un récent déplacement à Kinshasa du conseiller de M. Sarkozy pour l'Afrique, le diplomate Bruno Joubert.  Le président congolais Joseph Kabila a marqué de "l'intérêt" pour ces propositions, indique-t-on de source française, mais aucun accord ne s'est encore dessiné. La difficulté de l'exercice expliquerait en partie le report, au mois de mars, du voyage de M. Sarkozy à Kinshasa, alors qu'il était, à l'origine, prévu pour la fin janvier.

L'approche française constitue une grande nouveauté, dans la mesure où la communauté internationale s'est jusqu'à présent essentiellement concentrée sur les déficiences de la force de l'ONU en RDC, la Monuc.

La tournée de M. Sarkozy en Afrique ne comportera pas d'étape au Rwanda, pays qui a rompu ses relations diplomatiques avec la France. Mais Paris rappelle que Kigali ne pourrait que bénéficier d'une nouvelle attitude en direction de la RDC, alors que son implication dans le conflit du Nord-Kivu lui a déjà valu des coupures d'aides européennes. La Suède et les Pays-Bas ont suspendu leur assistance, et le Royaume-Uni envisage d'en faire autant.

Natalie Nougayrède (avec Jean-Philippe Rémy à Nairobi)
Reuters

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