La tentation de la dissolution…

Kenge Mukengeshayi

14/07/07

 

Christophe Lutundula Apala, premier Vice-président de l’Assemblée Nationale, est suffisamment brillant juriste pour savoir que l’affaire de la validation de 17 nouveaux députés en remplacement des 18 qui siègent déjà, affaire soulevée à la fois par les arrêts controversés de la Cour Suprême de Justice et la motion Matadi Nenga, est une véritable bombe à retardement. Raison sans doute pour laquelle, en suspendant la plénière jeudi, Apala a préféré botter en touche et s’esquiver en soulevant la clause de conscience. Il n’a manqué ni d’intelligence ni de courage, là où d’autres se seraient maladroitement jetés à l’eau, au risque de passer pour ceux par qui le scandale serait arrivé.

N’empêche : le problème reste entier. En repassant la patate chaude à Vital Kamerhe déjà revenu de son périple marocain, Christophe Lutundula Apala ne s’imaginait sans doute pas que son polyglotte de Président avait à sa disposition une fée bienfaisante ou une quelconque baguette magique. La question est même plus grave : au-delà du principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire, personne ne sait dire aujourd’hui ce qui sortira du bras de fer entre les deux institutions. La scène pourrait ressembler à un combat des gladiateurs entre d’un côté une Cour Suprême chargée de vider le contentieux électoral mais qui a violé les dispositions de la loi sur les délais, et de l’autre une Assemblée Nationale qui ne peut s’opposer à la Cour Suprême sans la disqualifier et sans remettre en question tous les actes antérieurs posés par la Haute Cour, y compris, par exemple, la validation du Règlement intérieur de la Chambre basse.

Vers une dissolution ?

Plus concrètement, comment invalider par exemple un Mbenza Thubi sans disqualifier tous les actes posés par ce dernier en tant que Président du Bureau provisoire de l’Assemblée, dont l’adoption du Règlement intérieur, la validation des mandats des députés, l’élection du Bureau définitif, bref sans remettre en cause l’existence même de l’Assemblée Nationale ? Ce n’est pas tout. La question est aussi de savoir comment organiser une nouvelle élection à Befale par exemple sans gonfler l’effectif de l’Assemblée Nationale qui passerait ainsi à 504 députés ? Comment valider un Kanku Ditu dont on dit – c’est un conditionnel – qu’il avait déjà renoncé à son mandat au profit de son suppléant ?
Reste que, paradoxalement, cette impasse serait une opportunité politique incomparable pour le Président de la République, si ce dernier tient à reprendre l’initiative. Dans l’hypothèse où la plupart des candidats réhabilités par la Cour Suprême seraient de sa famille politique, le Chef de l’Etat pourrait leur demander, par exemple, de renoncer à leurs mandats pour ne pas prolonger la crise et le dramatique face à face entre l’Assemblée Nationale et la Cour Suprême. Une opération qui devrait avoir, c’est vrai, un coût… en termes de compensation. Mais le Président de la République pourrait aussi se donner les moyens de bouleverser de fond en comble le paysage politique actuel en décidant la dissolution de l’Assemblée nationale, une prérogative constitutionnelle dont il dispose, et dont il peut user afin d’échapper au chantage de certains de ses alliés et d’inviter, dans un grand dessein national, celles des forces politiques qui n’avaient pas pu participer aux élections à y concourir loyalement et dans un climat plus apaisé.
Il se posera évidemment la question des moyens. Mais lorsqu’on a une grande vision, on s’en donne les moyens en sollicitant le soutien de toute la nation, et on convainc ceux des partenaires qui seraient prêts à accepter d’introduire des correctifs dans un processus qui n’a pas toujours été exempt de critiques. En fait, une variante du schéma togolais qui n’attend plus que l’accord de l’opposition radicale pour passer à l’organisation d’élections législatives anticipées avec l’aide de l’Union Européenne.
Les grandes décisions historiques dans l’intérêt de la nation, c’est aussi cela qui fait les grands leaders.

 

Le Phare

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