Laurent Nkunda défie la Monuc et les FARDC.

Jean N’Saka wa N’Saka

04/07/07

 

general_laurent_nkunda.jpgOn le prendrait à première vue pour un arriviste farfelu qui voudrait forcer son entrée dans le monde politique et diplomatique. Mais Laurent Nkunda – puisque c’est de lui qu’il s’agit ici – semble savoir ce qu’il dit et ce qu’il fait. Coup sur coup à trois reprises, il s’est signalé par des faits et gestes troublants et prémonitoires qui ne paraissent pas ébranler la conscience des sphères officielles et diplomatiques. D’abord par son « Cahier des charges » du 14 octobre 2006 élaboré à l’occasion de sa rencontre avec un envoyé spécial du président Joseph Kabila à Kigali sous la modération du bras droit militaire du président Paul Kagamé, le général James Kabarebe, document dans lequel il dresse sévèrement le constat d’échec de la transition et du processus électoral ; ensuite le 17 mai 2007 par une lettre musclée adressée au Premier Ministre Antoine Gizenga, lui rappelant son cahier des charges et se plaignant que la réponse à ce document tarde toujours à lui parvenir. Cette fois-ci le 1er juin 2007 par sa Note d’évaluation du «Gentleman agreement» à plusieurs destinataires, président de la RDC ; président rwandais ; président sud-africain ; présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat de la RDC ; ministre de la Défense de la RDC ; Général d’Armée James Kabarebe du Rwanda ; Général-Major John Numbi de la Force aérienne de la RDC.

Laurent Nkunda agit graduellement dans ses travaux d’approche afin de pouvoir atteindre son objectif, s’imposer comme l’interlocuteur valable à l’Est et s’affirmer sur la scène politique congolaise où il se destine à jouer un rôle de premier plan sur les plans politique et militaire. Il fait étalage de ses prouesses et glorieux faits d’armes pour démontrer qu’il devient indispensable et incontournable dans les circonstances actuelles où le brasier de l’Est vient de se rallumer avec plus d’intensité et d’horreurs commises par les forces négatives résiduelles de l’armée rwandaise du régime déchu d’Habyarimana. Il énumère une vingtaine de localités que ses hommes mixés ont libérées de la férule de ces forces de destruction. Ces éléments ont été traqués et boutés hors des territoires de Rutshuru et de Masisi et Rive, Busendo, Kirama, Kahumiro, Nyamitwitwi, Numule, Kigalikigali en Territoire de Rutshuru, et Mahanga, Chugi, Remera, Nyabiondo, Kivuye, Kalmbe, Bibwe, Katoyi, Luhinzi et Mitimingi en Territoire de Masisi.
Nkunda n’arrête pas là l’énumération de son trophée d’exploits contre les forces négatives. Il révèle que « Les coupeurs de route ont été totalement éliminés sur la route Kanyabayonga-Kiwandja (Rutshuru) – Le parc national des Virunga (PNV) a été entièrement débarrassé des braconniers et ont voit déjà revenir les lions et les hippopotames. – Les bataillons fournis par les FARDC et ceux fournis par le CNDP opèrent dans un esprit de confiance retrouvé et d’entente parfaite et les commandements des brigades mixées maîtrisent parfaitement leurs unités sur terrain. » Cette énumération de ces faits d’armes est assortie d’un nota bene (NB) de défi en caractère gras pour attirer particulièrement l’attention et que l’on peut ainsi lire : « Monuc et FARDC n’ont jamais affiché un bilan comparable dans le passé et ceci explique en partie la hargne de la mission onusienne contre le mixage tout comme celle de certains députés et leurs membres du gouvernement proches des FDLR et des groupes armés incontrôlés ». J’emprunte toutes ces données au quotidien Le Phare du vendredi 22 juin 2007, qui a le génie d’obtenir énigmatiquement en exclusivité la primeur des documents issus de l’antre de Nkunda à Bwiza.

 

 

Sachant bien ce qu’il dit et ce qu’il fait, le général apparemment insoumis semble avoir conçu et mis au point cette note d’évaluation du « gentleman’s agreement » en prévision du passage imminent de la délégation du Conseil de sécurité à Kinshasa. Ce n’est pas par hasard que ce document, selon le quotidien de l’avenue Lukusa, commençait à circuler subitement dans la Capitale juste à la veille de l’arrivée de cette délégation. Ce n’est pas par hasard non plus qu’il l’a réservé à plusieurs destinataires, notamment les présidents sud-africain et rwandais, jusqu’aux président des deux Chambres du Parlement congolais et au ministre de la Défense de la RDC. Une façon d’en faire implicitement ses témoins à décharge en cas d’entrée en éruption du volcan sur lequel il estime la RDC assise depuis l’installation des institutions issues, selon son propre jugement, d’un processus électoral organisé vaille que vaille. Par l’étalage de ses prouesses militaires, il tente de prouver que le problème politique et diplomatique comme l’a suggéré le chef de la délégation du Conseil de sécurité lors de sa conférence de presse au Grand Hôtel Kinshasa.
On souhaiterait voir la Monuc, au cours de sa conférence de presse hebdomadaire de ce mercredi 27 juin, démentir Nkunda en disant que la débandade des forces négatives FDLR balayées d’une vingtaine de localités à Rutshuru et à Masisi par des brigades mixées CNDP-FARDC ne serait qu’une vue de l’esprit. Dans ce cas, Nkunda serait pris pour un menteur cynique. Dans le cas contraire, il faudrait renoncer à l’hypocrisie caractérisée par la politique de l’autruche et se rendre à l’évidence et purger l’Est du pays des forces nuisibles dont il est infesté depuis des années. Pourquoi cette fausse honte de rechigner à suivre une voie qui conduirait à la solution du problème et dont les résultats obtenus par Nkunda ne sont jamais démentis même par la Monuc omniprésente à l’Est ? Nkunda propose même de renforcer la capacité opérationnelle des Brigades mixées en vue de leur permettre d’éradiquer la présence des FDLR au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, et si possible partout ailleurs en RDC. A supposer qu’aidé par certains voisins annexionnistes – ce qui n’est pas impossible – Nkunda réussisse à triompher des forces négatives à l’Est du pays, que deviendrait alors la RDC ?
Plusieurs hypothèses sont imaginables. La première est que la thèse du règlement politique ou diplomatique deviendrait désuète. La deuxième est que Kinshasa deviendrait encore davantage la risée de ses voisins et du monde. La troisième est que la Communauté internationale par le truchement du Conseil de sécurité, rirait sous cape, car cela aurait contribué à la consolidation de son agenda caché. La quatrième et dernière hypothèse est que Laurent Nkunda dont la main tendue n’aurait pas été retenue, fort de ses prouesses comme il a volé de ses propres ailes, aurait acquis une position confortable inexpugnable aux conséquences fatales pour l’intégrité territoriale d’un pays déjà en déliquescence. Le silence qu’on garde dans les hautes sphères officielles depuis la divulgation de trois documents successifs de Nkunda et l’attitude équivoque du Conseil de sécurité concernant la solution du problème des forces négatives à l’Est du pays, tendent à mettre les Congolais, du terrain où vont les choses, devant le fait accompli tôt ou tard.

 

http://www.cndp-congo.org/ruthsuruHQinterahamwe2.ppt

Le Phare

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