RDC: Le problème de l’Est, encore et toujours.

Marie- France Cros

27/04/07

La situation est à nouveau tendue dans les Kivus où l'on est mécontent de Kinshasa.

"Aujourd'hui, les deux Kivus n'éliraient probablement plus Joseph Kabila." Analystes et originaires de l'Est sont nombreux à soutenir cette thèse à Kinshasa.

Et de citer plusieurs raisons à ce retournement d'opinion, alors que Joseph Kabila avait écrasé Jean-Pierre Bemba dans les Kivus au second tour de la présidentielle de 2006. D'abord, l'absence générale de progrès dans la vie quotidienne des Congolais, à l'Est comme à l'Ouest, depuis les élections. Mais surtout, la persistance de l'insécurité.

Ainsi, les extrémistes hutus rwandais FDLR (ex-génocidaires et jeunes recrues) continuent leurs exactions. Au Nord-Kivu, des progrès ont été enregistrés contre eux mais le Sud-Kivu subit toujours de plein fouet leur violence qui atteint parfois des seuils de cruauté incompréhensibles, alors que les opérations conjointes armée congolaise/casques bleus sont insuffisantes.

L'accord avec Nkunda

Au Nord-Kivu, c'est l'accord passé entre l'armée congolaise et le général mutin Laurent Nkunda, un Tutsi de la province, qui suscite la colère des non-Tutsis. A la suite d'une offensive des mutins fin 2006, un accord a été passé à Kigali entre le général John Numbi, chef d'état-major de la force aérienne congolaise, et le général Nkunda.

Cet accord prévoit le "mixage" des troupes de Nkunda avec l'armée congolaise : au lieu d'être "brassées" (mêlées à des soldats des divers camps ex-belligérants) , elles sont simplement mélangées à des unités non brassées de l'ex-armée kabiliste et restent au Kivu.

Ce dernier point est l'une des principales revendications des mutins qui appartiennent généralement à la minorité ethnique tutsie et refusent de quitter la région par crainte de voir les autres soldats s'en prendre aux civils tutsis. Ceux-ci sont l'objet d'exactions en raison de vieilles rivalités ethniques pour le pouvoir, renforcées depuis que nombre de Tutsis se sont alliés à l'envahisseur rwandais durant la guerre de 1998-2003 au sein de la rébellion du RCD-Goma.

L'accord de Kigali prévoit aussi que les unités mixées traquent les FDLR, que Nkunda soit amnistié et que les réfugiés rentrent chez eux.

A noter que "personne ne semble avoir vu cet accord", précise Azarias Ruberwa, président du RCD-Goma devenu un parti. "Ce qu'on en sait ressort des déclarations des deux parties. Lors de sa dernière conférence de presse, le président Kabila a toutefois indiqué que le texte ordonnant des poursuites contre Nkunda se trouvait sur son bureau", poursuit le politicien sud-kivutien.

L'accord a soulevé, à l'assemblée nationale, un tollé de protestations ("à 95 pc de la part de la majorité présidentielle" , précise un élu du Nord-Kivu).

"Certains députés ont fait du zèle, croyant faire plaisir au Président en tenant des propos racistes et présentant les Tutsis comme des étrangers", juge, de son côté, Azarias Ruberwa qui appartient à cette ethnie. "Cela m'a beaucoup choqué, car les Kivutiens qui ont suivi le débat parlementaire à la télévision se sont sentis légitimés à nuire à leurs voisins tutsis. On n'a visiblement pas tiré les leçons de ce qui avait conduit à la guerre : il faudrait travailler beaucoup plus à la réconciliation" , ajoute-t-il.

Contre la traque des FDLR

Vingt-cinq députés du Nord-Kivu exigent, sous peine de boycott de l'Assemblée nationale, la suspension de la traque contre les FDLR, qui a connu une dynamisation avec les brigades mixées, mais aussi des victimes civiles. Pour certains de ses adversaires, le mixage "a abouti à ce que 5 et non plus 2 brigades obéissent à Nkunda".

"Il faut évaluer l'accord de Kigali mais pas faire comme s'il était mieux de revenir à la situation antérieure, quand pratiquement rien n'était fait contre les FDLR", proteste Azarias Ruberwa. Un homme d'affaires tutsi, lui, ne met pas de gants pour juger que, "dans ce dossier, on ne peut oublier qu'une série de proches du président Kabila sont des Hutus" – et de citer une demi-douzaine de personnalités.

Dans les chancelleries, enfin, on constate avec préoccupation "quelques signes avant-coureurs identiques à ceux observés fin 1996" , quand la première guerre congolaise avait commencé, déjà sur ce problème ethnique : "L'exacerbation des tensions entre communautés; une grande défiance vis-à-vis de Kinshasa; beaucoup de gens frustrés ( cette fois par les résultats électoraux ); une forte concentration de militaires; un regain d'activité des Maï Maï ( combattants anti-Tutsis et bandits ) et toujours les FDLR"…

 

La Libre

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