Le feuilleton de l’Assemblée nationale : Un coup de fil précipite le retour du MLC.

Jean Kenge Mukengeshayi

26/04/07

" Je ne suis pas de ton niveau. J'ai été élu par la population dans cette ville de Kinshasa ", lance, furieux, le MLC Thomas Luhaka à un député ODR. Réponse musclée de ce dernier : " Et, moi, j'ai été nommé député, n'est-ce pas ? "
Echange surréaliste dans le hall du Palais du peuple mercredi en début d'après-midi. La tension est palpable. Le jeune Yves Kisombe tente, tant bien que mal, de calmer les esprits, mais rien n'y fait.
ODR et MLC, les deux groupes parlementaires de l'Opposition à n'avoir pas encore réintégré à cet instant la plénière viennent de se séparer en queue de poisson. Depuis la " défection " des chrétiens démocrates mardi , on savait que les fissures s'agrandiraient et que les positions des uns et des autres seraient difficiles à tenir.

Alors que l'ODR fait bloc avec un Bofassa Charles dans tous ses états, un Lisanga Bonganga perplexe et un Franck Diongo de plus en plus déçu, en face, le MLC n'a pas mieux à offrir que le lamentable visage de la division. Thomas Luhaka se dirige ostensiblement vers la plénière, interpellé par Delly Sessanga qui se débat pour éviter ce scandale de trop devant la Presse. De l'autre côté de l'immense hall, un certain nombre de députés MLC boudent et veulent comprendre.

Le coup de fil

Survient alors " le " coup de fil. Thomas Luhaka s'éloigne, parle longuement avant de revenir vers ses collègues. Il actionne la main courante afin que chacun suive le message. La messe est ainsi dite et, un à un, les députés MLC rejoignent la plénière, introduits par la motion d'usage présentée par Thomas Luhaka. Applaudissements, sourires et accolades dans la salle des Congrès. Rideaux ?
Personne n'ose avancer le moindre pronostic. Un seul mot se chuchote : " Portugal ". Aucune preuve, bien sûr, mais tout le monde semble convaincu que le coup de téléphone magique qui a permis de calmer les esprits au sein du groupe parlementaire MLC ne pouvait provenir que du leader du parti en personne, en séjour dans ce pays pour des raisons de santé depuis les affrontements des 22 et 23 mars.
Beaucoup d'analystes y voient, bien sûr, un geste de décrispation. Après la libération du siège du MLC et des médias appartenant à Jean-Pierre Bemba la semaine dernière, le parti du chairman se devait lui aussi de poser, en guise de réciprocité, un geste d'apaisement, même au prix de douloureux déchirements internes. Argument supplémentaire : l'audience promise par le chef de l'Etat venait d'être fixée à ce jeudi.

L'ODR entend évaluer

N'empêche, l'évaluation promise pour mercredi par Thomas Luhaka pour décider de la suite du mouvement de boycott des députés de l'opposition s'est cruellement transformée en farce, laissant comme un arrière-goût de cendres et faisant planer un air d'irresponsabilité. Un jugement certes tempéré à la fois par le fait des pressions multiples, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, poussant à l'apaisement, et par la conviction que c'est la multiplication des gages et gestes de bonne volonté qui permettrait de dénouer la question du retour au pays de Jean-Pierre Bemba.
Au total, il n'y avait plus donc, mercredi, que l'ODR pour tenter de sauver la face d'une opposition parlementaire en pleine déroute. Et qui vient d'offrir, sur un plateau d'argent, au chef de l'Etat une splendide victoire politique dont il avait grandement besoin après la victoire militaire des Fardc sur la garde de JP Bemba fin mars. La boucle semblait ainsi définitivement bouclée avec ce retour de l'opposition parlementaire, qui ne court plus désormais qu'un seul risque : celui d'être plus parlementaire que " forte et républicaine ".
Dans une déclaration datée de mercredi et signée par les honorables Alain Mbaya, 2è vice-président, et JP Lisanga, rapporteur, le groupe parlementaire de l'Ordre des Démocrates Républicains prend effectivement acte de toutes les évolutions intervenues. Il constate néanmoins la persistance de l'insécurité dans laquelle vivent certains parlementaires, à l'instar de l'honorable Jacques Ebweme Yonzaba, attaqué à son domicile et qui n'a eu la vie sauve qu'à la suite de l'intervention du président de l'Assemblée nationale et de la police. Prônant le dialogue, l'ODR salue et souscrit à l'initiative du chef de l'Etat de recevoir l'opposition ce jeudi. Avant de conclure que c'est à l'issue de cette rencontre que le groupe fera son évaluation avant de reprendre sa place dans l'hémicycle.
Evidemment, si cela ne s'appelle pas retour programmé, on peut toujours se demander combien de temps l'ODR tiendrait dans son isolement.

 

 

Le Phare

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