RDC: quand les Maï-Maï partent à la “guerre”, sous l’oeil de l’armée et des FDLR

AFP

29/11/08

 

LUSHEBERE (AFP) — Des miliciens dévalent une montagne, sous l'oeil imperturbable de soldats de l'armée congolaise contrôlant la zone. "La guerre a débuté" contre la rébellion de Laurent Nkunda, commente un rebelle rwandais de passage.

Cette scène surréaliste n'est pourtant qu'à l'image de la complexité du conflit et de la confusion qui règne dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC).

Les combats ont repris fin août dans la province du Nord-Kivu (est) entre l'armée régulière, alliée à des groupes armés, et le mouvement du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) du chef rebelle Laurent Nkunda.

Chacun semble y faire "sa guerre", prenant tour à tour en otage une population civile éreintée par une série de tragédies humanitaires et de conflits meurtriers depuis le début des années 90 dans cette région.

La route entre Goma, capitale du Nord-Kivu, et la région du Masisi englobant la localité de Lushebere, est rendue impraticable par les intempéries.

Ce chemin de boue traverse des zones successivement contrôlées par les FARDC (Forces armés congolaises), par le CNDP, par trois groupes de Maï-Maï (Pareco "Saddam", Pareco "Janvier" et Pareco "Mugabo"), et enfin par la rébellion hutu rwandaise des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Certains éléments des FDLR ont participé au génocide de 1994 au Rwanda, qui a fait environ 800.000 morts selon l'ONU, perpétré par des extrémistes hutus contre les Tutsis et les Hutus modérés.

Jeudi matin, les troupes de Laurent Nkunda ont profité de l'absence du général Maï-Maï "Mugabo", en déplacement dans les montagnes de Lushebere, pour attaquer ses forces à quelques dizaines de km de là.

Mis en état d'alerte, au moins une cinquantaine de rebelles, en civil ou en uniformes dépareillés, ont ainsi dévalé à vive allure jeudi à l'aube les sentiers de cette localité déshéritée et très enclavée, en direction du "front", a constaté une journaliste de l'AFP.

Au gré des alliances toujours très mouvantes entre groupes armés dans l'est congolais, une sorte de coalition anti-CNDP semble s'être installée dans la zone de Lushebere: Maï-Maï, FDLR et soldats congolais luttent côte à côte contre les rebelles du tutsi Laurent Nkunda.

"Ils travaillent ensemble", commente une source sécuritaire sous couvert d'anonymat.

Dans le centre animé de Lushebere, des petits groupes d'éléments FDLR côtoient des patrouilles de FARDC, le tout au milieu d'environ 22.000 déplacés ayant fui des combats fin 2007 dans la région du Masisi.

Claude, déplacé et responsable du camp étiré en longueur sur la colline, estime qu'"avec les FDLR, il n'y a pas de problème, c'est avec les hommes de Nkunda le problème", alors qu'un officier FDLR écoute la conversation.

"Nous collaborons étroitement avec la population, ils nous hébergent", assure à l'AFP le lieutenant colonel Edmond Ngarambe, porte-parole des FDLR.

"Nous cohabitons avec les Maï-Maï et les FARDC, mais il ne s'agit pas de collaboration, chacun s'organise quand il y a des combats", tient à clarifier le porte-parole.

Un jeune FDLR, portant un uniforme siglé FARDC agrémenté d'un collier de perles en plastique, entame une conversation avec un militaire dépenaillé des FARDC.

Des cris retentissent près des kiosques du marché local. Un élément Pareco pointe son arme et menace un autre milicien, l'accusant de ne pas voir rendu son arme lorsqu'il a fait défection pour rejoindre un autre groupe Maï-Maï.

Le ton monte, un groupe de déplacés observent la scène avec flegme.

Soudain, alors que pointe la fin de l'après-midi, une série de tirs à la mitrailleuse lourde retentit sur l'une des montagnes surplombant Lushebere, à environ 7 km, sur la ligne de front entre les FDLR et le CNDP.

"Tiens, c'est la musique qui recommence", plaisante avec placidité le major "Gandhi", officier des FDLR.

 

AFP

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