Rwanda: Pas d’asile pour Mme Habyarimana

La Libre

16/02/2007

La demande, déposée en 2004 seulement, a été rejetée. L'instance de jugement a mis en cause le rôle de la veuve dans le déclenchement du génocide de 1994.

La Commission de recours des réfugiés (CRR) a rejeté jeudi à Paris la demande d'asile déposée en 2004 par Agathe Kanziga, veuve de l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana. L'attentat contre l'avion de ce dernier, le 6 avril 1994, donna le coup d'envoi au génocide préparé depuis plusieurs mois par les extrémistes hutus de son régime.

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait déjà rejeté cette demande le 4 janvier dernier en première instance. Les avocats de Mme Habyarimana ont indiqué qu'ils allaient former un recours devant le Conseil d'Etat.

Mandat d'arrêt secret ?

La Commission de recours des réfugiés estime que Mme Habyarimana ne peut recevoir l'asile en raison de son rôle ("instigatrice ou […] complice") dans la préparation du génocide. Selon la publication "Billets d'Afrique" (février 2007), de l'association "Survie", la Commission avait indiqué lors d'une précédente audience que Mme Habyarimana faisait l'objet d'un mandat d'arrêt secret du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), ce qui signifierait qu'un acte d'accusation a été rédigé contre elle.

Agathe Habyarimana, Hutue du nord comme son mari, est issue d'un clan puissant, ce qui a contribué à asseoir sa puissance personnelle au sein du régime de son mari même si, conformément aux usages rwandais, elle observait un effacement de façade. Celui-ci ne trompait pas les Rwandais : les partisans de son mari soulignaient l'influence d'Agathe Kanziga et de ses frère (en jugement devant le TPIR) et cousins, tandis que ses opposants la surnommaient Kanjogera, du nom d'une reine-mère de l'époque pré-coloniale, réputée pour sa cruauté et co-détentrice du pouvoir avec son fils, comme toutes les reines-mères rwandaises.

Création de la milice

Mme Habyarimana est considérée comme ayant été à la base de la création de la milice extrémiste Interahamwé ("ceux qui luttent ensemble") en 1991. Celle-ci a d'abord joué un rôle de service d'ordre dans les meetings du parti présidentiel MRND, attaquant les militants des partis adverses, avant de devenir le fer de lance du génocide. Elle a également soutenu la mise en place de la presse écrite et radio extrémiste, qui a soutenu le génocide.

La veuve avait été évacuée le 9 avril par les soldats français. Elle vit depuis lors en France sans statut ni titre de séjour, grâce à la protection de François Mitterrand, bien qu'elle ait refusé de lancer un appel public à cesser les massacres. Aujourd'hui, elle nie qu'il y ait eu génocide et affirme qu'il s'agissait d'une guerre civile.

Si le Conseil d'Etat devait prendre une décision confirmant le refus d'asile, la France devrait l'expulser et trouver un pays qui l'accueille. Sauf si le TPIR demandait son arrestation.

Une plainte pour complicité de génocide et complicité de crimes contre l'humanité a été déposée en France contre elle cette semaine au nom du Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

M.F.C.

 

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