Rwanda: Un accusé qui traverse le génocide en “fantôme”

Belga

24/04/07

Réinterrogé sur la mort des casques bleus le 7 avril 1994, il a répété qu'il n'avait pas reçu d'ordre de les désarmer et de les emmener au camp Kigali où ils seront assassinés

Le major Bernard Ntuyahaga a laissé entendre mardi au cours de son interrogatoire devant la cour d'assises de Bruxelles-capitale qu'il n'a pas été confronté à des massacres pendant le génocide rwandais de 1994. Répétant son innocence, il s'est présenté comme un bouc émissaire que l'on veut charger.

"C'est comme si vous ne connaissiez personne. On a l'impression que vous étiez comme un fantôme" au Rwanda en 1994, a résumé la présidente de la cour d'assises après avoir interrogé l'accusé pendant huit heures. Pendant cet interrogatoire, M. Ntuyahaga avait expliqué qu'il n'avait aucun contact avec ses voisins à Kigali lorsque les tueries avaient éclaté et qu'il n'avait rien vu des massacres, ni à Kigali, ni à Burare où il a été muté en juin 1994.

M. Ntuyahaga s'est présenté exclusivement comme un militaire, ballotté de poste en poste entre 1990 et 1994 et qui, une fois à Kigali en-dehors de ses heures de service, se préoccupait uniquement du chantier de sa maison. "Toutes mes heures de disponibilité étaient consacrées à ce projet", a-t-il dit.

Interrogé sur l'existence d'un génocide au Rwanda en 1994, il s'est retranché derrière sa qualité de militaire. "Je ne suis pas en mesure de répondre. Il faut laisser cela aux experts. Me le demander en tant que militaire, c'est trop", a-t-il dit.

"Il y a eu une guerre classique et une guerre civile car la population s'en est mêlée. Avec le multipartisme, chaque parti avait sa milice", a-t-il précisé.

Réinterrogé sur la mort des casques bleus le 7 avril 1994, il a répété qu'il n'avait pas reçu d'ordre de les désarmer alors qu'ils protégeaient la Première ministre et de les emmener au camp Kigali où ils seront assassinés.

"Je n'ai jamais reçu de mission. Je n'ai jamais reçu d'ordre", a dit l'accusé.

Il a ainsi nié avoir participé à une réunion la nuit précédente à l'Etat-major.

Un témoin, ramené vendredi d'Afrique par son avocat, a déclaré qu'il avait entendu dire que M. Ntuyahaga avait reçu un tel ordre au cours d'une telle réunion. "Il ne précise pas ses sources. Dans la nuit du 6 au 7 avril, je n'ai pas bougé de ma maison", a dit l'accusé lorsqu'il a été confronté aux déclarations de ce témoin. Celui-ci, le colonel Nubaha, était présenté lundi comme important et à décharge par l'avocat de M. Ntuyahaga.

"Dans cette affaire, il n'y a que 20 minutes pour mon rôle. Et on reporte tout sur moi", a dit l'accusé, indiquant que "beaucoup de collègues des FAR (Forces armées rwandaises) essaient de tout mettre sur mon dos". Il a précisé qu'après avoir déposé les casques bleus au camp Kigali, il s'était rendu à son bureau, "situé à 100 mètres". Mais, a-t-il répondu, il n'a entendu aucun coup de feu. L'accusé, qui a effectué un court voyage en Belgique dans le cadre de sa formation militaire, a répété qu'il ignorait la nationalité des casques bleus qu'il a transportés. Il n'a pas vu le petit drapeau belge que ceux-ci portaient à la poitrine. "C'est un détail que je n'ai pas vu", a-t-il indiqué.

 

La libre

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