Tous les voyants au rouge à Kinshasa.

Marie-France Cros

11/10/08

 

Malgré la nomination, hier soir, d'un nouveau Premier ministre, Adolphe Muzito.

La dramatisation de la crise kivutienne survient alors que la situation politique du Congo s'est dégradée. Militairement, le pays ne dispose toujours pas d'une armée digne de ce nom et la réforme du secteur de la sécurité (armée, police, justice) peine à enregistrer des progrès. L'armée congolaise n'est ainsi pas en mesure de protéger les populations de Province orientale contre les exactions meurtrières de la LRA, la guérilla ougandaise en rupture de négociation avec Kampala, ou de Peuls Bororo descendus du Tchad. En Ituri (Nord-Est), un nouveau groupe armé local, le FPJC, a pris une base de l'armée, Tché.

La situation de guerre à l'Est permet le développement d'une économie mafieuse avec bénéficiaires au Kivu et à Kinshasa. Les dépenses de souveraineté étant hors du contrôle des institutions de Bretton Woods, celles justifiées officiellement par la guerre sont l'occasion de fausses factures et détournements portant sur des sommes énormes redistribuées jusqu'à Kinshasa, tandis que les villas de luxe se multiplient sur les bords du lac Kivu – la Riviera de Goma -, dont les propriétaires sont parfois des militaires censés ne toucher que de modestes salaires.

Financièrement, le président Kabila n'a pu obtenir de Paris, en juillet, l'appui qu'il espérait pour renégocier la dette congolaise au sein du Club de Paris : comme les autres créanciers du Congo et le Fonds monétaire international, la France s'inquiète des conséquences du méga-contrat chinois sur la soutenabilité de la dette de Kinshasa. La crise diplomatique avec la Belgique n'arrange rien.

Socialement, la situation est grave. La rentrée scolaire n'a pas eu lieu en de nombreux endroits, faute de paiement de salaires décents. Les infirmiers sont en grève, après les médecins. Or les Congolais sont victimes, eux aussi, de la hausse des prix alimentaires et du pétrole. Et ils ne voient pas encore le bénéfice des "cinq chantiers" (le programme électoral du Président), dont la manifestation la plus éclatante devait être la réalisation de routes, de chemins de fer et de logements par les Chinois.

Seule fumée blanche depuis le 25 septembre et la démission d'Antoine Gizenga, la nomination hier soir d'un nouveau Premier ministre en la personne d'Adolphe Muzito, 51 ans, qui occupait le poste de ministre de Budget dans le gouvernement sortant. Il appartient au Parti lumumbiste unifié (Palu), dont faisait aussi partie son prédécesseur. Il devrait donc incarner la continuité.

 

 

Lalibre.be

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