Un pouvoir sans contre-pied: Opposition « forte et républicaine » décapitée.

Le Phare

3/04/07

Le dernier des épisodes qui accompagnent la IIIème République risque de ranger le pouvoir qui la gouverne parmi les régimes antérieurs d’essence autocratique, en le privant d’un contrepoids démocratique qui aurait pu le différencier plus ou moins des régimes précédents. Révélée à l’opinion par son héraut et protagoniste qui affichait l’ambition d’en faire le cabinet fantôme à l’instar d la formule anglaise de « shadow », l’Opposition « forte et républicaine » est quasiment décapitée à cause des tribulations advenues à peine à son chef Jean-Pierre Bemba.

 

Le démantèlement des forces de sa garde rapprochée par les FARDC jeudi 22 et vendredi 23 mars l’a contraint à se réfugier à l’ambassade sud-africaine, selon l’information largement diffusée par les médias occidentaux. Au même moment avant qua la situation et le calme aient été complètement rétablis, on apprenait que le Procureur général de la République s’apprêtait à inculper Jean-Pierre Bemba du crime de haute trahison. La réunion de crise du conseil des ministres tenue pour la circonstance, confirmait l’engagement des poursuites judiciaires contre le chef de l’Opposition « forte et républicaine ».
Lors de son point de presse avec des journalistes étrangers et nationaux lundi 26 mars, le Président de la République Joseph Kabila, répondant à une question, déclarait qu’il ignorait où se trouverait Jean-Pierre Bemba. Mais il soulignait que « personne n’est au dessus de la loi », affirmant ainsi indirectement que le leader de l’Union pour la Nation et chairman du MLC devait comparaître en justice. Tous ces propos consécutifs au démantèlement des forces de la garde rapprochée de Jean-Pierre Bemba portent à croire que le sort du chef de file de l’Opposition « forte et républicaine » est déjà pratiquement scellé. Quand bien même il en réchapperait par miracle d’une manière ou d’une autre, il aurait les ailes tellement rognées que sa marge de manœuvre serait étroite et peu efficiente. D’ailleurs, depuis qu’il a annoncé cette « Opposition forte et républicaine », il n’a jamais déterminé sa ligne de conduite ni esquissé la charpente cohérente de son organisation. Le décret présidentiel gratifiant tous les anciens vice-présidents de la transition d’avantages et privilèges ne dispensait pas le leader de l’Opposition forte et républicaine de devenir le figurant destiné à jouer le rôle de faire valoir le pouvoir.
Tout bien considéré, J.P. Bemba était un semblant d’épouvantail pour les dirigeants de la IIIème République qui auraient eu avantage à s’en accommoder dans la mesure où ses faits et gestes, quelque durs qu’ils soient, servaient de vernis à la démocratie selon la perception de l’Etat de droit que les commanditaires du processus avaient voulu instaurer en RDC. Mais voilà que la fatalité en a décidé autrement, confondant les apprentis sorciers et contrariant leurs projets et stratégies. Pour ce qui vient de se passer à Kinshasa jeudi 22 et vendredi 23 mars, si Kinshasa officiel doit au contraire être dans tous états. Le Conseil de sécurité non plus ne se sentirait pas à l’aise pour pavoiser. La manipulation maladroite et insensée du volant de sécurité doit avoir mis la Communauté internationale dans l’embarras, car elle le brandissait comme gage de démocratie dans un système qu’elle aurait façonné en RDC, électoralement s’entend, différent des régimes antérieurs d’essence autocratique. Le volant de sécurité étant unique de fabrication et adapté à la première législature de la IIIème République, il est pratiquement difficile d’en produire un autre pour la même législature en cours.

Diplomatie dans l’embarras
L’Opposition « forte et républicaine » décapitée et asphyxiée. L’Opposition historique non-violente d’Etienne Tshisekedi de l’UDPS bannie et mise en quarantaine indéfiniment. Le pouvoir de la IIIème République va désormais s’exercer sans contrepoids. Il dirige tout sans partage et sans contrôle fait par une structure politique adverse comme garantie de l’équilibre des forces. Il fallait absolument conduire les peuples congolais aux urnes quand bien même les élections seraient mal préparées et mal organisées. Les commanditaires de la transition et du processus électoral peuvent-ils aujourd’hui être fiers de ce qui nous arrivent ? Peuvent-ils affirmer encore aujourd’hui que les élections qu’ils ont organisées dans ce pays sont les seules idéales jamais tenues depuis plus de quatre décennies, qu’elles font date et peuvent servir de modèle à travers tout le continent africain, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest ? Un pouvoir qui n’a pas de contradicteurs et qui est allergique aux critiques, apparaît comme l’antithèse de la démocratie.
Les événements malheureux qui se succèdent et accompagnent la IIIème République dès l’aurore de sa naissante, sont des signes probants d’un processus qui n’a pas été mené avec des intentions pures. Il faut appeler les choses par leur nom et dire que l’échec patent de la transition est avant tout l’échec de la communauté internationale, alors représentée par le Comité international d’accompagnement de la transition. On a dramatiquement manqué de concrétiser les cinq objectifs essentiels assignés à la transition, notamment la réconciliation nationale et la formation d’une armée nationale restructurée et intégrée. Le désarmement ou la désaffectation des soldats de la garde rapprochée de J.P. Bemba n’aurait pas constitué un problème tragique qui vient de priver le pouvoir d’un contrepoids nécessaire même s’il est de parade, si tous les ex-belligérants étaient dépouillés de leurs régiments pendant la transition. L’assaut donné aux troupes du MLC suivi de leur débandade avec armes et bagages n’a pas résolu le problème. Des milices et des prétoriens sont encore partout dans ce pays. Comment réussir aujourd’hui ce que l’on avait négligé de faire quand tous les seigneurs de guerre étaient regroupés au sein du pouvoir ?
Plus embarrassée cette fois-ci que jamais auparavant, la diplomatie européenne basée à Kinshasa se trouve dans la pénible obligation de se rendre à l’évidence. L’escalade des affrontements a touché et endommagé jusqu’à certaines chancelleries, dont notamment celle de Grèce dont les images des dégâts diffusées sur Internet circulaient dans le monde entier, selon les propres propos de l’ambassadeur grec. La communication faite mardi 27 mars par l’ambassadeur allemand à l’issue d’une réunion de concertation avec tous ses collègues de l’Union, traduit l’inquiétude et la perplexité que les diplomates européens ont commencé à ressentir à partir de ces derniers événements. Mais observateurs attentifs, ils devraient comprendre, dans leur for intérieur, que ces événements étaient prévisibles comme la résultante logique de la manière dont la transition et le processus électoral en RDC ont été conduits. Des voix s’étaient élevées à maintes reprises, tant au niveau national qu’à celui des ONG internationales criant gare, et qui n’ont jamais été écoutées. Ces derniers événements ont ceci d’épouvantable qu’ils tendent à ramener le pays au stade de l’anarchie généralisée où il se trouvait avant la rencontre de Lusaka et le dialogue en Afrique du Sud.
Aussi longtemps que la Communauté internationale ne tiendra pas compte de l’opinion nationale, qu’elle continuera à privilégier ses propres intérêts au détriment de ceux du peuple congolais, elle s’empêtrera davantage dans ce bourbier qu’est la RDC et ne s’en dégagera pas avec honneur. A preuve ces contrecoups du processus organisé en dépit du bon sens. La paix qu’il était supposé ramener s’éloigne de plus en plus de nous. De quelles recettes miraculeuses de sauvetage la Communauté internationale peut-être être encore capable aujourd’hui pour la RDC ? L’équation n’est pas simple.

 

Le Phare

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