L’attaque sur Mbandaka est prise au sérieux.

Colette Braeckman

05/04/10

 

Un calme précaire a été rétabli à Mbandaka, la capitale de la province de l’Equateur, au nord ouest du Congo. Selon une résidente, interrogée par téléphone, les forces gouvernementales avaient repris l’aéroport, mais des coups de feu continuaient à retentir dans la ville où les habitants ont passé le week end de Pâques terrés chez eux. L’attaque a commencé le dimanche de Pâques en fin de matinée : plusieurs dizaines d’hommes, très bien armés, ont débarqué au « beach » de Mbandaka après avoir arraisonné, plus haut sur le fleuve un bateau-pousseur appartenant à une société forestière. Dès leur arrivée, les assaillants se sont scindés en trois groupes, se dirigeant vers l’Assemblée nationale, vers la résidence du gouverneur (lequel se trouvait à Kinshasa) et vers l’aéroport dont ils se sont emparés en moins d’une heure. Deux Casques bleus de la Mission de Nations unies au Congo ont été tués durant cette attaque éclair et dans un premier temps, les forces gouvernementales se sont débandées.

Ce n’est qu’en fin d’après midi qu’avec l’aide de la MONUC l’aéroport a été repris et que plusieurs insurgés ont été tués ou capturés. Les premières sources faisaient état d’une nouvelle révolte de la tribu Enyele, qui avait déjà engagé des combats pour la récupération de ses droits sur des étangs poissonneux et dont l’insurrection avait été matée d’une main de fer par la 321eme brigade, formée par les Belges (celle là même que le ministre De Crem envisageait d’inviter à Bruxelles le 21 juillet…)Au vu des méthodes utilisées par les assaillants, disciplinés et organisés, au vu surtout des équipements dont ils disposaient (armes lourdes, matériel de communication dont téléphones satellites thurayas adaptés aux combats en forêt) la thèse d’une révolte de simples pêcheurs a rapidement été abandonnée : en réalité, la capitale de l’Equateur a été attaquée par des militaires formés, professionnels et bien équipés, qui disposaient sans doute de complicités locales et d’appuis extérieurs.
Dans la province de l’Equateur en effet, le malaise est évident depuis que le gouverneur Makila, issu du MLC (Mouvement pour la libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba a été démis pour cause de corruption et remplacé par Jean-Claude Baende, proche de la majorité présidentielle. Cette mesure a fortement mécontenté les ressortissants de la province, qui avaient voté pour Jean-Pierre Bemba et demeurent fidèles au souvenir du président Mobutu. Ce qui donne à penser que parmi les insurgés, s’il y avait sans doute des membres de la tribu Enyele, il y avait plus sûrement encore des anciens membres de la Division spéciale présidentielle, la garde personnelle du président Mobutu, une unité d’élite dont de nombreux membres ont soit été enrôlés dans les troupes de Bemba ou se sont repliés dans les pays voisins, le Congo Brazzaville et la Centrafrique. Dans le cas présent, les assaillants pourraient être venus de Centrafrique et avoir disposé de caches d’armes dissimulées dans la ville.
A Kinshasa la situation est prise très au sérieux et nul ne se hasarde plus à évoquer une révolte purement locale : il est question d’appuis extérieurs dont le mouvement bénéficierait dans les pays voisins, mais aussi en Europe (en Grande Bretagne, au Luxembourg, en Belgique) et l’on craint, d’ici le 30 juin prochain, d’autres tentatives de déstabilisation soigneusement planifiées. La tension actuelle est également avivée par les craintes exprimées par l’opposition politique, qui redoute un report des élections prévues pour 2011 et une modification de la Constitution adoptée en 2006.
Faut-il souligner aussi que cette attaque sur Mbandaka, qui a été déjouée grâce à l’intervention de la MONUC démontre, si besoin en était, que la demande de départ des Casques bleus, formulée par les autorités, est peut-être prématurée…

 

 

lesoir.be

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